Lumière pour l’opinion. Une milice tribale s’agite en République Démocratique du Congo (RDC). Dans une lettre ouverte, elle instrumentalise un serviteur de Dieu ivre du pouvoir tribal, pour remonter les bretelles au bureau permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Elle cite en exemple, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, les grandes démocraties occidentales, France et Etats-Unis, où la laïcité de l’Etat ne fait l’ombre d’aucun doute. La France et les Etats-Unis garantissent pourtant un minimum de vie acceptable à leurs populations. Ce qui n’est pas le cas en RDC, où les dirigeants s’enrichissent impunément. Les cinq étapes d’un « Guide du voleur d’État en RDC » sont désormais connues : arrestation théâtrale – parodie de justice – bref séjour en prison – liberté provisoire – retour aux affaires publiques. Comment l’Eglise peut-elle se taire ? Et, d’abord, pourquoi intervient-elle en politique ?
(1) L’Eglise catholique (et Protestante) en RDC reste l’unique instance crédible, qui n’est pas versatile comme les leaders politiques. Ceux-ci justifient leur inconstance par la « realpolitik ».
(2) Contrairement à d’autres pays africains où l’Etat et l’Eglise ont fleuri côte à côte, l’Eglise existait avant l’Etat au Royaume Kongo, qui était évangélisé au XVème siècle par les Spiritains et les Pères Blancs. L’État colonial n’est arrivé qu’en 1885, là où l’Église formait déjà les consciences. Cette antériorité de l’Eglise sur l’Etat est un fait historique que les politiciens congolais refusent, volontairement, de reconnaître. Elle donne à l’Eglise, mieux implantée sur le territoire national que l’État, l’autorité nécessaire pour parler des réalités qu’elle vit dans des paroisses et des villages. L’Eglise et ses services n’ont jamais quitté Bunagana, Rutshuru, Kiwanja, Nyamilima, Runyonyi, Kitagoma, Kako, Kishishe, Kitshanga, etc. Elle n’a jamais acquis des concessions minières…
(3) La RDC est le plus grand pays catholique d’Afrique avec plus de 50% de sa population qui est catholique. Il est clair qu’elle a un poids et une responsabilité réels sur le plan sociopolitique dans le pays. (4) L’Eglise en RDC assure la quasi-totalité de services sociaux qu’un Etat normal et responsable devrait assurer à sa population (construction et gestion des écoles, hôpitaux, éducation de qualité, secours aux pauvres, etc.). Elle dispose d’un réseau institutionnel mieux organisé, qui vient souvent à la rescousse de l’Etat (ex., acheminer et distribuer les salaires des enseignants dans certaines zones enclavées, etc.). Près de 90% de politiciens congolais ont fréquenté les écoles catholiques, mais n’en ont gardé que le chant « La croix est devant moi, je ne peux plus jamais reculer ». Celui qui parle dans une vidéo en ligne ne se gêne pas de réclamer que l’Eglise construise davantage d’écoles et d’hôpitaux… Ce qui n’est pourtant pas le rôle d’une Eglise en France et aux Etats-Unis qu’il cite en exemple. Dès lors, comment une Eglise qui porte une telle charge socio-économique, alors que les politiciens se la coulent douce en toute impunité, ne peut-elle pas hausser le ton, être exigeante à l’égard des dirigeants ?
(5) L’Eglise est pleinement dans sa mission prophétique. Elle annonce, dénonce et renonce. En son temps, disait quelqu’un, Jésus traitait les politiciens de « renard », « engeance de vipère », « tombeaux blanchis », « hypocrites », etc. C’étaient pourtant des insultes, qui avaient fait bondir les dirigeants : « Maître, en parlant ainsi, c’est nous aussi que tu insultes » (Luc 11, 45). Les prophètes Elie, Jérémie, Nathan, Jean-Baptiste, etc. s’attaquaient frontalement au mauvais comportement des rois. Quel est ce prophète qui n’a pas prophétisé contre le roi : Esaïe (chapitre 3), Ezéchiel (chapitre 28), Simon Kimbangu, etc ? Mais, l’Eglise n’en arrive pas jusque-là. Parler aux politiques, comme les prophètes et Jésus, fait pleinement partie de sa mission prophétique. Un vrai prophète n’a jamais été ami du roi. Y a-t-il une Bible qui ne parle pas de politique ?
Source : Service de Communication de la Cenco