C’est un signal fort envoyé au monde judiciaire et aux opérateurs économiques. Après plusieurs mois d’une grève qui a sérieusement handicapé le fonctionnement de la justice commerciale en République Démocratique du Congo, les juges consulaires ont enfin été entendus au plus haut niveau. Ils ont été reçus en audience ce lundi 27 octobre 2025 par le Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Maître Guillaume Ngefa Atondoko Andali. Au cœur des échanges : une injustice qui n’a que trop duré, celle de leur rémunération, restée lettre morte depuis la création des tribunaux de commerce.
Le fond du problème est aussi simple qu’inconcevable. Depuis l’installation effective des tribunaux de commerce en RDC, ces magistrats non professionnels, issus du monde des affaires et reconnus pour leur expertise, n’ont jamais perçu le moindre franc du Trésor public. Ils siègent, délibèrent et rendent des jugements essentiels à la vie économique du pays, mais leur engagement se fait à titre entièrement bénévole, faute de mise en application des textes.
Pourtant, le cadre légal est clair. Une loi, promulguée en 2023, a expressément prévu leur prise en charge financière par l’État congolais, reconnaissant ainsi leur statut et l’importance de leur mission. Mais entre la promulgation de la loi et son application effective, un fossé s’est creusé, plongeant ces acteurs clés de la justice dans la précarité et le découragement. Cette situation a culminé par un mouvement de grève long et préjudiciable, paralysant des juridictions stratégiques comme celles de la Gombe et de Matete à Kinshasa, ainsi que dans plusieurs autres provinces.
Il est crucial de rappeler le rôle de ces juges. Conformément aux standards internationaux, les Tribunaux de Commerce sont des juridictions échevinales, c’est-à-dire composées à la fois de magistrats de carrière qui sont des juges professionnels et de juges consulaires tels que des commerçants, des chefs d’entreprise. Ces derniers apportent leur connaissance pratique et technique du monde des affaires, garantissant des décisions de justice plus rapides, plus pragmatiques et mieux adaptées aux réalités économiques.
Leur mission est de trancher les litiges commerciaux, qu’il s’agisse de conflits entre opérateurs économiques, de recouvrement de créances, de procédures collectives ou de contentieux liés aux sociétés commerciales. En assurant une justice commerciale efficace et crédible, ils sont un pilier fondamental pour l’amélioration du climat des affaires, un objectif maintes fois réaffirmé par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Un Tribunal de Commerce qui ne fonctionne pas, c’est un message négatif envoyé aux investisseurs nationaux et internationaux, qui hésiteront à s’engager dans un environnement où le règlement des différends n’est pas garanti.
La détermination du Gouvernement pour restaurer la dignité
Face à cette situation critique, l’audience accordée par le Ministre d’Etat Guillaume Ngefa marque la volonté politique du Gouvernement Suminwa de décanter la situation et de trouver une solution durable.
Selon le compte-rendu de la rencontre, le Garde des Sceaux a réaffirmé la détermination de l’Exécutif national à restaurer la dignité et à faire valoir les droits de tous les acteurs du secteur judiciaire. Pour le Ministre, cette démarche est une condition sine qua non à la consolidation de l’Etat de droit. Un Etat de droit fort passe inévitablement par une justice forte, et une justice forte ne peut se concevoir avec des juges non rémunérés, potentiellement exposés à toutes sortes de pressions.
L’enjeu est d’une part de corriger une injustice sociale envers des citoyens qui servent la République, et d’autre part de renforcer la crédibilité de l’appareil judiciaire pour rendre le Congo plus attractif aux investissements.
Nathan Mundele