(Par Jean-Marie Mutamba Makombo, Professeur Emérite/Université de Kinshasa)
Qu’est-ce qu’un syllabus ? En République Démocratique du Congo, c’est la dénomination des notes de cours du professeur. En France, on parle plutôt de polycopies, ou de polycops. Nous avons vécu l’époque des cours stencilés. Par qui est élaboré le syllabus ? Il peut être élaboré par le professeur lui-même, ou par un petit groupe d’étudiants mandatés qui suivent le cours, et qui soumettent la mouture aux assistants du professeur et au professeur lui-même pour des réaménagements et des corrections.
Pourquoi fait-on des syllabus ? Le syllabus aide l’étudiant à suivre le déroulement de tout le cours, à compléter les vides dans la prise des notes, et à assimiler le cours. Y a-t-il des exigences ? Le syllabus doit dégager, doit mettre en évidence les objectifs du cours, le plan du cours et le contenu du cours. Le style parlé du cours magistral est toléré, ce qui distingue le syllabus des livres plus soignés. Le syllabus doit être un manuel qui reproduit les connaissances exigées par le programme universitaire.
Ainsi le syllabus permet aux autorités académiques de contrôler la qualité des enseignements dispensés par les différents professeurs. La production des syllabus aide à jauger les établissements de l’enseignement supérieur et universitaire. Et les étudiants qui postulent en France aux concours du CAPES (Certificat d’Aptitude Pour l’Enseignement Secondaire) ou de l’Agrégation recherchent les syllabus des professeurs réputés.
Cependant l’étudiant ne doit pas se limiter au syllabus du professeur. Il doit explorer et compléter sa formation en lisant les ouvrages recommandés dans la bibliographie établie pour le cours. En conclusion, nous pouvons dire que le syllabus est un auxiliaire indispensable pour la formation de l’étudiant, et cela d’autant plus qu’en R.D.C., beaucoup d’étudiants ne fréquentent pas les bibliothèques, fussent-elles numériques, parce qu’ils sont surchargés par le nombre et les heures de cours.
Or, en République Démocratique du Congo, les autorités ont interdit catégoriquement la vente des syllabus dans les établissements de l’enseignement supérieur et universitaire. Qu’en est-t-il ? Il faut reconnaître qu’il y a eu des abus, il y a eu des antivaleurs qu’il faut éradiquer. L’achat du syllabus d’un cours était devenu pour certains membres du personnel académique et scientifique la condition de la réussite à ce cours. Il n’y avait plus une évaluation objective des apprenants.
Nous devons faire une autocritique courageuse. Cette pratique a pu tenter et éblouir. Elle date de l’époque du « mal zaïrois ». Tenez ! Comparez un auditoire de 200, 500, 1.000 étudiants payant pour un syllabus 10$, 15$, avec le salaire de l’époque du professeur d’université. Ce salaire ne lui permettait pas de se prendre en charge pour se nourrir, se soigner, se mouvoir. Le tableau qui suit reprend le salaire de plusieurs mois du professeur ordinaire, grade le plus élevé à l’époque. Ce salaire, payé en zaïres et nouveaux zaïres (octobre 1993), nous l’avons converti en dollars au cours interbancaire.
Mois 1991 1992 1994 1995
Janvier 20,78$
Février 23,50$ 22,04$
Mars 15,71$ 20,20$
Avril 9,48$ 17,53$
Mai 6,57$ 14,69$
Juin 5,67$ 13,10$
Juillet 2,50$ 12,99$
Août 68,48$ 1,66$ 11,45$
Septembre 43,97$ 54,73$ 1,27$ 7,90$
Octobre 58,07$ 1,05$ 6,42$
Novembre 55$ 22,52$
Décembre 46,98$ 22,73$
En septembre 1999, Tshibidi Ngondavi faisait des gorges chaudes des « prof-cagnottaires ». En 2001, « le professeur d’université touche 70.000 NZ par mois, soit 10 dollars US », écrivait Loka-ne-Kongo. Et Mpase Nselenge Mpeti de témoigner pour 2008 : « …par mois, un salaire descendu autour de 60$ US ».
Que faire alors ? Nous avons applaudi à la gratuité de l’enseignement primaire et au transport des étudiants (Trans-Academia), nous avons battu des mains pour la couverture de la santé universelle et la prise en charge de la maternité, nous nous sommes réjouis de l’assurance santé et de l’indemnité décès pour les professeurs d’université.
Nous plaidons pour une dotation en faveur de l’élaboration des syllabus. Cette dotation serait gérée par chaque établissement de l’enseignement supérieur et universitaire. Les moyens nécessaires seraient ainsi mis à la disposition des professeurs pour qu’ils conçoivent et produisent des syllabus de qualité pour améliorer le niveau des enseignements.