L’artiste Pytshens Kambilo explique le projet « Lindanda en partition » à la Ministre de la culture
Au- delà d’être un courant musical ou mieux encore une identité d’un peuple, la Rumba congolaise fait partie des richesses culturelles que la République Démocratique du Congo doit absolument protéger et conserver au même titre que d’autres ressources naturelles qu’elle possède. Pour pérenniser et conserver cette musique, l’artiste musicien-guitariste et chercheur Pytshens Kambilo estime que le pays doit mettre en place une politique scientifique pour développer les matières spécifiques sur la Rumba congolaise afin qu’elle soit écrite et enseignée à la génération future.
C’est dans ce contexte qu’il a initié le projet «Lindanda en partition » qui consiste à transcrire et enseigner la Rumba et ses langages dans les écoles en République démocratique du Congo.
Au cours d’un entretien accordé au journal ‘‘kinois’’ La Prospérité, Pytshens Kambilo, congolais résidant en France, a expliqué la pertinence de son projet qui est le fruit des recherches menées sur la guitare dans la musique congolaise durant quatre années dans les grands musées et conservatoires de musique du monde en Europe.
Cette dimension scientifique de la Rumba a été même au cœur de la rencontre entre Pytshens Kambilo et Catherine Kathungu, Ministre de la culture, arts et patrimoines de la RDC, lors de son dernier passage en France.
« J’ai saisi l’occasion d’échanger avec la ministre de tutelle sur la nécessité de mettre la Rumba congolaise en écriture. C’est le travail que j’avais déjà commencé personnellement. Je lui ai démontré l’importance de sortir toutes les théories en livre et de mettre en place un bureau d’étude pour former des personnes capables sur la transcription de la musique. Cela va nous servir de constituer une base des données avec des documents sur la Rumba qu’on peut enseigner à l’université », a-t-il plaidé.
Et d’ajouter : « Pour avoir les matières, il est impérieux d’écrire sur Franco Luambo, Dr Nico Kassanda et autres pionniers de la guitare congolaise en fonction de leurs styles, notamment le Fiesta et l’Odemba…Donc comment décortiquer la manière dont nos pères géniteurs ont évolué ? Plus on a des matières, plus on aura des bases données à enseigner. C’est de cette façon qu’on pourra dire qu’on a écouté, travaillé et maintenant on peut bien la transmettre. Il est fort déplorable de constater que la rumba brésilienne et cubaine soit enseignée, sauf la rumba congolaise ».
Il faut noter que Pytshens Kambilo vient de passer 4 ans de recherches approfondies en Europe pour apprendre comment transcrire la rumba sur portée musicale à partir des années 30 jusqu’aujourd’hui.
Ces recherches l’ont permis de rédiger un livre intitulé « Lindanda…de l’oreille à l’écriture » qui décortique sur le rôle et le fonctionnement de cet instrument à corde dans la musique congolaise.
«En conclusion, mes recherches ont démontré que la guitare constitue la base de notre rumba. J’ai exploré le travail de quelques grands guitaristes congolais, à l’instar de Zangilu Polydor, alias Beniko Popolipo, Daly Kimoko que j’ai côtoyé pour m’expliquer vraiment comment les choses fonctionnaient. J’ai également puisé dans nos archives sonores (disques vinyles, CD) de Grand Kallé, Wendo… J’ai travaillé sur toutes ces musiques-là et je les ai transcrites en partition», a-t-il renchéri.
Le projet ‘‘Lindanda en partition’’ a poussé également l’Alto –chimiste de la musique à poursuivre ses études sur l’apport de la musique traditionnelle qui est aussi le fondement de la musique moderne en RDC.
Nécessité de retranscrire la Rumba
«J’ai jugé opportun de creuser la matière allant jusqu’à consulter la base des données de la musique traditionnelle à l’Africa Museumde Tervuren, en Belgique. En travaillant sur la musique traditionnelle, je suis parvenu à comprendre comment notre musique fonctionne de sorte qu’en l’écrivant, je parte sur de solides bases pour pouvoir la transcrire comme il se doit. A l’écoute de nos maîtres d’autrefois, notamment Dr Nico, Wendo Kalosoy, Adou Elenga et Luambo Makiadi, j’ai senti l’influence de la musique traditionnelle dans leurs phrasés, a-t-il souligné.
Et de poursuivre : « La compréhension du fonctionnement de notre musique m’a permis de la mettre en partition afin de faciliter son interprétation. C’est ainsi que je suis arrivé à déceler comment les guitaristes congolais jouent leurs phrases. Quels sont les termes, les harmonies que nous utilisons, comment tout le mécanisme fonctionne.».
Le concept ‘‘Lindanda en partition’’ appelle à la transcription de la musique afin qu’elle soit enseignée, partagée et sauvegardée.
« L’effet de transcrire la Rumba constitue des traces que nous pourrons avoir de notre musique car les cassettes, les vinyles et les CD se perdent ou peuvent se détériorer. En conservant la Rumba en partitions sur papiers ou sur le numérique, il suffit de bien y veiller et nous pourrons la préserver », a martelé Kambilo.
Et de conclure: « Avec l’évolution de la technologie, elle pourra être diffusée, vulgarisée et enseignée même à notre école Nationale des Arts car jusque-là, il n’y avait pas de branche rumba faute de données. Il n’y avait pas aussi de base d’écriture de solfège. Des livres n’ont jamais existé avant si ce n’est sur la mélodie des chansons, mais sur la guitare il n’y en a jamais eu ».
Inscrite en décembre 2021 sur la liste des patrimoines culturels et immatériels de l’humanité, la Rumba congolaise est l’un des genres les plus influents de la musique et de la danse africaine.
Elle est considérée comme une partie essentielle et représentative de l’identité du peuple congolais et de ses populations de la diaspora. La Rumba permet également la transmission de valeurs sociales et culturelles de la région, mais aussi la promotion d’une cohésion sociale, intergénérationnelle et solidaire.
Jordache Diala