MON TEXTE : « JE »
Je. Encore Je.
Toujours Je.
Je suis Je. Tu es
Je. Nous sommes
- Je pose donc Je suis. Je suis. M’as-tu vu ?
Je. Je suis Kinoise donc Je suis. M’as-tu vue ?
Chapeau tendance, sourire glamour, démarche féline, quand à la fois je racole, je repousse, j‘interpelle.
Sourire de demi-lune et geste de scène, au ralenti, comme un clip de pub.
Mais, sourire et gestes suggestifs ne suffisent pas : allons donc à l’essentiel, à mon cœur qui bat par derrière, sous le jean’s collé-serré.
- Je suis Kinois, donc je suis. Torse bombé, poings fermés prêts à la bagarre, aux épreuves de force, aux incertitudes quotidiennes.
A la boxe quotidienne, « Tiya moto bakata » ; « je donne ma tête à couper ». Qui ne risque rien n’a rien. La poétesse de Radio-Trottoir a dit : « Linzanza libongi na langi, mwasi abongi na mobali » (« La toile n’est toile que peinte de main d’homme ; la femme n’est femme que colorée de cœur d’homme »)…
Toile multicolore entre puiseuses d’eau qui bra vent les délestages chroniques de la « Régie des Seaux » (Régideso), et qui trouvent encore le plaisir de batifoler à grands jets… Toile en noir et blanc, cette femme au carrefour de Matonge, la Capitale de la Capitale, Femme PDG de fortune devant ma table commerciale d’appels téléphoniques. Viens et vois, par moi passent le contact et le courant avec le monde entier, avec le paradis et le purgatoire en concubinage. En direct. A prix imbattables !
- Je suis belle, donc Je suis. Perruque, cosmétique éclaircissante, sape, téléphone portable comme bijou de la dernière mode, tout ça est ma religion. Et tant pis dans mon quartier, si je patauge dans la boue ; les belles fleurs ne naissent-elles pas dans du fumier !
- Je suis beau donc Je suis. Plus beau-belle que moi, tu meurs. La beauté est aussi de ce côté-là du 3e âge, dans ses rides riantes, dans cette sérénité vertigineuse, qui renoue présent et futur, qui renverse les montagnes.
En vérité, en vérité je le dis : je suis le nombril tatoué du monde. La vie n’est-elle que tristesse ? Regarde le tatouage ; j’ai taillé la vie à ma ligne, à ma mesure, à la mesure de mes folies, de mes purgatoires et de mes paradis concubinés… JE. « Ngai mabe ya Mbila elengi se mosaka». Je chante ainsi avec la poétesse : Lye M. YOKA
- LE CONTEXTE DU TEXTE
« Kinshasa est à la fois Femme, Fleuve, langage »
Kinshasa-femme. Presque tous les poètes africains (musiciens, écrivains, peintres, photographes, cinéastes) qui ont flirté avec cette ville, qu’ils soient Francis Bebey, Sony Labou Tansi, Sylvain Bemba, Antoine Mundanda, Antoine Mundanda, Joseph Kabasele, Franco Luambo, Lomami Tshibamba…ont reconnu en elle une sorte de «mamiwata», capable du pire comme du meilleur ! Monstre tentaculaire et pourtant véritable miroir aux alouettes pour la majorité des jeunes condamnés à la misère des campagnes, Kinshasa continue à faire rêver.
Étonnante ville dont le narcissisme, le culte du paraître et un certain exhibitionnisme sont en fait des antidotes des assauts et des hideurs de la misère matérielle. Ville frère sans arrogance, charmeuse sans racolage, qui se livre sans se donner vraiment mais qui, lorsqu’elle se donne enfin dans l’ivresse, la musique, la violence ou la démence, ensorcelle irrémédiablement le soupirant empressé…
- MON C.V
Nom et post nom : YOKA LYE MUDABA André
Né à Kinshasa (RD. Congo) le 26 mars 1949
Docteur en lettres modernes, Paris III, Sorbonne Nouvelle
Ancien Administrateur Culturel au Bureau- Unesco/Kinshasa
Ancien Directeur Général de l’Institut National des Arts de Kinshasa (INA)
Professeur Emérite de l’INA