(Par le Professeur Patience Kabamba)
La méga-ville de Kinshasa, officiellement comptant environ 12 à 14 millions de résidents, n’a pas effectué de recensement au cours des dix dernières années. L’un des principaux défis que cette ville rencontre est celui lié au transport. Il est fréquent de dépenser deux heures pour un voyage qui aurait normalement pris trente minutes dans un pays structuré. J’ai été contraint de marcher plus d’une heure hier et avant-hier pour revenir chez moi. Je croise des individus qui passent plus de deux heures à marcher pour se rendre à Tshangu après leur travail dans le centre-ville, à la Gombe.
Le Congo est un des pays qui ne parvient pas encore à mettre en place des transports publics dans sa capitale. Chaque matin, un flot d’individus descend des zones péri-urbaines vers le centre-ville (CBD) et chaque après-midi, dès 15h00, le même flow revient vers son domicile de différentes façons, que ce soit par le biais d’une voiture ou d’un taxi-bus piloté par des individus sans scrupules, engendrant des embouteillages considérables sur les voies urbaines de Kinshasa.
Il est probable que la principale raison des embouteillages soit le surplus de véhicules et l’insuffisance de voies routières exploitables. Il est probable que les milliards provenant des recettes de cobalt collectées par le pays ne soient pas utilisés pour construire l’infrastructure routière nécessaire au pays.
Toutefois, le comportement des conducteurs en est également un facteur majeur. La simple gentillesse routière qui implique d’attendre un instant pour que la voiture en mouvement ou sur une route prioritaire traverse d’abord n’existe tout simplement pas. Chacun aspire à traverser simultanément, ce qui conduit à des embouteillages que l’on pourrait qualifier de stupide. Parfois, les policiers responsables du trafic routier contribuent également aux embouteillages.
Etant donné que ces agents ont pris habitude de recevoir des pourboires de la part des conducteurs, ils sont disposés à créer des congestions routières afin d’aider les conducteurs qui les soudoient avec des petites sommes. Cette difficulté routière engendre des conditions de vie inquiétantes pour les Congolais qui les adoptent avec une étonnante résilience.
Le MDW actuel souhaite présenter une solution pour diminuer le nombre simultané de voyageurs sur les voies routières de Kinshasa. Nous suggérons que les employés, tant dans le secteur privé que public, puissent effectuer deux gongs, l’un le matin et l’autre l’après-midi. Le premier groupe de salariés travaillerait entre 7 heures du matin et 14 heures, tandis que le second groupe le ferait entre 14 heures et 21 heures.
Par conséquent, le nombre d’utilisateurs sur nos voies serait réduit de moitié, ce qui entraînerait une diminution de 50% du trafic. Les élèves ont déjà réussi à mettre en pratique cette expérience. Une section se consacre aux cours le matin et une autre en après-midi, ce qui permet d’éviter la présence simultanée de tous les élèves à l’école. On pourrait appliquer ce système aux fonctionnaires de l’Etat et du secteur privé. Une partie effectuerait le travail de 7 heures en matinée, tandis que l’autre moitié effectuerait le même travail dans les après-midis.
Par conséquent, nous diminuerons de moitié le nombre d’automobiles sur nos voies routières ainsi que les conducteurs. Cette suggestion est formulée dans le but de trouver une solution pour le problème du trafic dans les circonstances actuelles de Kinshasa, où les infrastructures routières sont considérablement réduites par rapport au nombre d’habitants. Cette suggestion mérite une analyse minutieuse afin de diminuer la tension engendrée par le transport dans la ville de Kinshasa.
Des universitaires et des ingénieurs congolais devraient examiner et résoudre la situation désordonnée que traverse le Congo en matière de transport urbain. Cependant, les recherches au Congo ne visent pas à résoudre les enjeux du pays. Nous poursuivons notre ingestion d’informations et de théories occidentales sans qu’elles aient un impact significatif sur notre vie quotidienne. Les chercheurs congolais ont la capacité de résoudre les plus complexes équations différentielles aux coefficients complexes, mais ils ne parviennent pas à optimiser le contrôle routier dans leurs villes.
Les universitaires congolais possèdent une excellente maîtrise des arcanes du latin, des mathématiques, de l’histoire et de la géographie, mais ces connaissances ont peu d’impact sur la vie quotidienne des Congolais. Bien que Péguy affirme que le Moi est haïssable, je souhaiterais évoquer mon propre vécu.
Suite à mes études primaires effectuées au sein d’une paroisse catholique et à mon parcours secondaire au collège jésuite où j’étais constamment en tête de classe, je me suis trouvé à Paris comme un poisson dans l’eau. Tout ce que j’ai acquis me préparait à résider à Paris plutôt qu’au sein de mon village d’origine. J’étais familier avec la littérature française, l’histoire de France, la géographie d’Europe, etc. Ma formation m’a préparé à vivre en dehors de mon pays. Nos études nous éloignent de notre environnement, alors qu’elles devraient nous y ancrer.
Nous avons perdu et détruit nos compétences en ce qui nous concerne directement. Nos connaissances ont été déconnectées de la recherche d’eau potable, de la suppression de la malaria ou de la malnutrition. Nos compétences ont été focalisées sur des problématiques qui ne touchent pas notre vie de tous les jours. C’est le moment de modifier cela. Que nos pensées se focaliseraient sur les enjeux concrets auxquels le pays est confronté, tels que les embouteillages qui affectent la qualité du travail et l’économie du pays. Une distance que l’on pourrait parcourir en une heure, mais qu’on effectue en trois heures, entraîne des pertes financières.
Nous proposons de mettre en place deux gongs pour les employés, tant du secteur public que privé, afin de diminuer simultanément le nombre d’utilisateurs routiers et de véhicules. En fin de journée, chacun se sera dirigé vers son domicile sans rencontrer d’encombrements désastreux, comme nous le vivons actuellement. J’étais ravi de marcher pendant plusieurs heures pour revenir à la maison, mais c’est un sport qui nous est imposé.
L’exercice physique de plusieurs heures devrait être une option plutôt qu’une contrainte. Un de mes amis belges avait choisi d’emprunter le navire pour aller de Kisangani jusqu’à Kinshasa. Cependant, il a rapidement compris sur le bateau que si pour lui par choix qu’il a fait le voyage, pour les Congolais qui avaient emprunté ce bateau, c’était la seule option de transport entre Kisangani et Kinshasa.
Avec ses milliers de diplômés, Kinshasa est en mesure d’améliorer son système de transport. Dans ce contexte, nos cerveaux pourront être utilisés de manière différente de la logopédie que nous ont habituée nos professeurs universitaires.