«Mais, je ne veux (vais) pas être un dictateur !!! ». Telle est une répartie du président Félix Antoine Tshisekedi lors d’un entretien avec les Congolais de la Diaspora en Belgique ou en France. Le mot « dictateur » jette de l’effroi, et renvoie à un régime arbitraire, coercitif, sans libertés politiques ni contre-pouvoir. A l’époque contemporaine on en a de nombreux exemples. Avec Joseph Staline Djougachvili et le Goulag.
Avec Adolf Hitler et le régime nazi du Troisième Reich. Avec Benito Mussolini et le Fascisme. Avec Mobutu Sese Seko Wa Zabanga et le Mouvement Populaire de la Révolution. Olinga, olinga te, ozali kaka M.P.R. Dans l’un de mes livres intitulé « Octobre noir. 1985. L’UDPS dans l’œil du cyclone », je décris les souffrances et les avanies subies par les membres de ce parti.
Il n’en a pas toujours été ainsi. J’ai des réminiscences de mon cours d’histoire ancienne en 6ème latine. Dans la Rome antique, un dictateur n’a pas toujours été un despote. Le dictator était celui qui dictait à ses concitoyens la politique à suivre durant son mandat. Le terme dictator est apparu à Rome il y a environ 2.500 ans. L’institution de la dictature romaine remonte à 501 av.J.C. Il ne s’agissait pas d’une prise de pouvoir par la force.
Entre 501 et 202 av.J.C., on a recensé 76 dictatures. Un même homme pouvait être nommé dictateur à plusieurs reprises. Entre 396 et 367 av. J.C. Marcus Furius Camillus fut désigné cinq fois dictateur.
Pourquoi désignait-on un dictateur ? Le dictateur était un magistrat doté de pleins pouvoirs à Rome ; sa nomination intervenait pour mettre fin au blocage des institutions, pour résoudre une grave crise politique ou sociale qui n’avait pas trouvé solution, pour résorber de fortes tensions dans la société qui risquaient de se transformer en guerre civile, pour mener la lutte contre les peuples ennemis.
Il bénéficiait d’une grande indépendance vis-à-vis du Sénat. Il était entièrement maître de ses décisions. Il était irresponsable, et ne pouvait pas être poursuivi à la fin de ses fonctions pour ce qu’il avait fait. Pendant ses fonctions, le dictateur ne pouvait pas quitter l’Italie.
Il ne disposait pas du trésor public, et devait se débrouiller avec les moyens que le Sénat lui allouait.
Comment était-il désigné ? Sur ordre du Sénat, le dictateur était nommé par l’un des deux Consuls. Son mandat ne pouvait pas excéder six mois. Néanmoins, il pouvait démissionner de sa charge dès qu’il avait résolu les affaires pour lesquelles il avait été nommé.
Une image d’Epinal représente Lucius Quinctius Cincinnatus en 458 av. J.C. Alors qu’il était en train de labourer son champ à la campagne, les sénateurs sont allés le trouver pour lui proposer la charge de dictateur.
Après avoir réussi à écraser les ennemis de Rome en seize jours à peine, il est retourné cultiver sa terre. Il n’a pas cherché à se maintenir au pouvoir au-delà du temps nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
Laissons la conclusion à Jean-Jacques Rousseau, l’auteur de DU CONTRAT SOCIAL: « Si le péril est tel que l’appareil des lois soit un obstacle à s’en garantir, alors on nomme un chef suprême qui fasse taire toutes les lois et suspende un moment l’autorité souveraine ».
Jean-Marie Mutamba Makombo
Professeur Emérite/Université de Kinshasa