Communiqué
Le Collectif contre le racisme et les discours de haine a été scandalisé de lire dans la presse la lettre de la ministre congolaise de la Justice et garde des sceaux, Mme Rose Mutombo Kiese, adressée à Monsieur l’ambassadeur de la délégation de l’Union européenne en RDC.
Premièrement, l’attaque contre l’ambassadeur de la délégation de l’Union européenne ne se justifie pas, dès lors que le chef de l’Etat en personne, Son Excellence Monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, avait bel et bien reconnu l’existence des discours de haine contre les congolais Tutsi qu’il a condamné à plusieurs reprises, et qu’ensuite, il avait solennellement demandé à tout le monde, y compris les partenaires extérieurs, de les dénoncer. Il avait ainsi déclaré dans son discours au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à Genève, le 28 février 2023 :
«Quant aux discours de haine contre nos compatriotes Tutsi congolais, mon gouvernement reste ferme contre tout individu ou groupe d’individus qui tiendrait de tels discours, et réitère sa demande à toute personne, ORGANISATION OU PARTENAIRE EXTERIEUR, de les dénoncer. La justice congolaise appliquera dans toute sa rigueur les lois de la République aux auteurs des propos d’incitation à la haine tribale et ethnique».
Par ailleurs, la ministre, conseillère juridique du Gouvernement, a cru devoir, à tort, faire prévaloir le principe de non intervention dans les affaires intérieures d’un état, en qualifiant le dénonciation de Monsieur Bitakwira, auteurs des propos haineux à l’encontre des Congolais Tutsi, par le chef de la délégation de l’Union européenne, d’ingérence dans les affaires de l’Etat congolais. Pourtant, les questions relatives aux droits de l’homme, à leur protection, ainsi qu’à la prévention contre les crimes de génocide, sont des questions internationales qui intéressent toute l’humanité et échappent au domaine de souveraineté des Etats. En plus, l’Etat congolais a souscrit aux statuts de Rome et aux conventions prohibant le génocide et l’appel au génocide.
Deuxièmement, en opposant dans sa lettre d’un côté, ‘‘la communauté Tutsi/Banyamulenge qui serait victime d’un discours de haine’’ et, de l’autre, ‘‘des milliers de congolais’’ tués ‘‘par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23’’, la ministre dénie aux Congolais Tutsi leur nationalité congolaise, et les place ainsi dans la catégorie des bourreaux du peuple congolais, exactement comme le font Messieurs Justin Bitakwira, Charles Onana, feu Honoré Ngbanda et d’autres membres de la mouvance de la haine. De ce fait, elle légitime le discours de haine qu’elle prend le risque d’institutionnaliser. A partir de là, quel juge, quel fonctionnaire ou quel agent de l’ordre peut encore défendre un citoyen congolais d’origine Tutsi qui serait en danger, dès lors que cette communauté a été présentée de manière implicite comme étrangère et massacreur des Congolais ?
Le Collectif contre le racisme et les discours de haine dénonce cette prise de position de la ministre de la Justice et Garde des sceaux, et appelle le chef de l’Etat, Garant et protecteur de tous, à veiller à ce que les principes qui fondent la République soient défendus et appliqués par toutes les personnes qui sont investies de l’autorité publique.
Fait à Kinshasa, le 29 juillet 2023
Pour le Collectif contre le racisme et les discours de haine
- Belhar MBUYI, Journaliste
- Thomas GAMAKOLO, Avocat