Pendant le processus du renouvellement des mandats des animateurs du Pouvoir Législatif, le Pouvoir Exécutif devrait s’abstenir de régenter les affaires judiciaires.
L’Institut de recherche en droits humains (IRDH) est vivement préoccupé par l’inaptitude du Pouvoir Judiciaire à résister à l’excessive immixtion du Pouvoir Exécutif dans les affaires judiciaires, pendant que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) procède au renouvellement des mandats des députés et sénateurs. Il est inadmissible que des magistrats s’adonnent à l’activisme politique ou se soumettent aux dictats des membres de l’Exécutif, contrairement à l’article 150 de la Constitution qui attribue au Pouvoir Judiciaire le devoir de garantir, impartialement, les libertés individuelles et les droits fondamentaux à tous les citoyens.
Tenez ! Au nom de « l’Union Sacrée », l’ancien Ministre provincial de l’Intérieur Eric MUTA NDALA, avait influencé l’arrestation et la condamnation à cinq ans de prison, sous RP 15786/FL, Messieurs NKULU KAMUNGA Matthieu, TSHIKALA NGOY Jeff et KYUNGU NTAMBWE François, trois jeunes ayant quitté son parti politique UNAFEC et adhéré au parti politique Ensemble pour la République, aux motifs de rébellion, coups et blessures volontaires et destruction méchante.
Les ci-dessus prévenus, injustement condamnés au premier degré, devraient connaître leur sort en appel, depuis le 17 août dernier. Ayant pourvu pro deo six avocats à la défense, dans le but de se rassurer du rétablissement de la Justice, l’IRDH a relevé l’intrigue dans la contradiction entre la motivation du jugement et la conclusion à la condamnation.
Motivation du jugement :
Le jugement de condamnation, rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi, au cours de l’audience publique, du 05 juin 2023, tenue à la prison de la KASAPA, a été motivé comme suit :
« […] Le Ministère Public n’ayant pas, de manière absolue, démontré les actes de violence dans le chef des prévenus NKULU KAMUNGA Matthieu, KYUNGU NTAMBWE François et TSHIKALA NGOY Jeff, ni les renseignants, victimes desdits faits, n’ont pas chargé les précités, par contre, ils accusent les membres de l’Ensemble pour la République en général » (2e attendu, feuillet 6) ;
« Attendu que le Ministère Public et les victimes n’ont pas précisé au Tribunal de céans la nature de l’ordre qui a été donné aux prévenus pré qualifiés, qui ont fait l’objet d’exécution […] » (3e attendu, feuillet 6) ;
« […] En effet lesdits prévenus ayant nié les faits mis à leur charge depuis la police jusque devant le Tribunal de céans, aucune autre preuve n’a été apportée, hormis les présomptions tirées du fait que les prévenus susdits sont membres du parti politique Ensemble pour la République qui a fait l’objet d’incursion dans leur siège par un informateur du Ministère Provincial de l’intérieur, au moment de leur réunion habituelle […] » (5e attendu, feuillet 5);
« (…) Bien plus, le renseignant SHADI KALENGA Moïse a déchargé tous les prévenus en arguant que le jet de projectiles qui ont endommagé les véhicules précités, provenait du mouvement de masse des membres du parti politique Ensemble pour la République à la suite de l’arrestation des prévenus […] » (1e attendu, feuillet 8) ;
« Qu’il ressort qu’ayant déjà été arrêté, les trois prévenus précités ne pouvaient donc pas être auteurs des projectiles ainsi que des destructions intervenues postérieurement à leurs arrestations » (3e attendu, feuillet 8) ;
Condamnation contraire à la motivation.
« […] L’infraction de rébellion pourra être retenue dans le chef des prévenus […] Partant des présomptions développées supra, cet élément est réalisé » (voir 6e attendu, feuillet 5);
« Partant du fait que ces prévenus figurent parmi les manifestants du parti Ensemble pour la république qui auraient maitrisé l’agent KAMUNGA MBAYABU, ceci pourrait donner à croire qu’ils été l’élément déclencheur de ces jets des pierres » (voir 4e attendu, feuillet 8) ;
[Le Tribunal] Dit que ces infractions viennent en concours idéal et faisant application du principe de la plus haute expression pénale, condamne les prévenus NKULU KAMUNGA Matthieu, KYUNGU NTAMBWE François et TSHIKALA NGOY Jeff à 5 ans de servitude pénale principale chacun.
De ce qui précède, l’IRDH conclut à la violation des articles 17 et 19 de la Constitution :
(i)L’article 17 al. 8 institue la responsabilité pénale individuelle. Les trois prévenus ne pouvaient être condamnés pour des faits commis par la foule des membres du parti politique Ensemble pour la République.
(ii)L’article 19 al. 3 garantit le droit de la défense, le principe du contradictoire et de l’égalité des armes. Les prévenus sont condamnés, pour rébellion, destruction méchante ainsi que des coups et blessures volontaires, sans que la nature de l’ordre auquel ils se seraient rebellés ne soit révélée, ni l’objet détruit, ni la personne victime des coups et blessures ne soient présentés.
Pendant le processus électoral visant à renouveler le corps du Pouvoir Législatif, l’IRDH relève et condamne l’activisme politique des magistrats qui proposent des jugements iniques ou exécutent des ordres manifestement illégaux des membres de l’Exécutif, espérant bénéficier des avantages indus, au détriment de l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
Dans un entretien avec l’IRDH, un magistrat rétorque que certes le Pouvoir Judiciaire est faible, face à la machine politique dirigée contre lui, par l’Exécutif. Devant cet état de choses, les leaders sociaux devraient préserver leur position de défenseur des principes démocratiques et se joindre à la lutte pour ladite indépendance du Pouvoir Judiciaire. Malheureusement, ceux-ci se compromettent, en entraînant la société civile dans le camp de l’une ou l’autre partie prenante à la course au pouvoir.
L’IRDH trouve absurde que des magistrats s’engagent dans des telles considérations politiques, au lieu de ne se soumettre qu’à l’autorité de la loi, en vertu de la Constitution de la République. Quand bien même des leaders sociaux entraîneraient la société civile dans une voie contraire au principe de neutralité qui leur permettrait d’exiger des dirigeants le respect des principes démocratiques et des lois de la République, ce comportement déroutant ne peut servir de prétexte aux Juges, pour poursuivre et condamner des citoyens, à cause de leurs appartenances et opinions politiques, en hypothéquant l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
IRDH rappelle qu’aux magistrats, l’article 149 al.3 de la Constitution attribue le pouvoir de rendre la justice, sur l’ensemble du territoire national, au nom du peuple. Et, qu’en vertu de l’article 12, « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».
Par conséquent, afin de contribuer à la tenue des élections apaisées et inclusives, combinant les articles 28 et 149 al.4 de la Constitution, nul ne peut exécuter, au nom du Président de la République, le jugement inique tel que rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi, condamnant injustement messieurs NKULU KAMUNGA Matthieu, KYUNGU NTAMBWE François et TSHIKALA NGOY Jeff à 5 ans de prison, pour leur appartenance au parti politique Ensemble pour la République.
Me Tshiswaka Masoka Hubert
Directeur Général de l’IRDH