(Par le Prof. Kabamba Patience)
Hier soir, je suis rentré chez moi avec mon fils Warren. Warren aidait à la soirée cinéma du club de production vidéo de son école. Sur le chemin du retour, Warren m’a demandé ce que je pensais de la question israélo-palestinienne. J’ai fait une longue pause avant de répondre.
Mes premiers mots ont été que les gens d’aujourd’hui, surtout les Américains, n’étudient plus l’histoire. Il est donc extrêmement difficile pour les étudiants de voir les choses d’un point de vue global. Nous avions l’habitude d’avoir une activité de groupe appelée « Disputation ».
Là, les débatteurs ont pu discuter et débattre librement de différents aspects du sujet. Cette activité nous a aidés à Paris à dissiper l’hostilité envers les opinions opposées. J’ai donné à Warren un exemple, des résultats du débat de Paris. Tels étaient les principes qui sous-tendaient le conflit israélo-palestinien: puisque les Palestiniens sont les premiers habitants de la terre en question, ils ont le droit de revendiquer la propriété selon le principe du premier arrivé, premier servi.
La communauté internationale a accordé ce territoire à Israël en 1947. Ce pays a été promis par Yahweh aux Juifs, un pays où coulent le lait et le miel.
En fait, aucun pays arabe n’a accepté la résolution de l’ONU établissant l’Etat d’Israël dans les territoires palestiniens. Le problème est que 700 000 Palestiniens ont été contraints à l’exil en raison de l’occupation israélienne du territoire. Le contre-argument à ces idées était que la revendication d’Israël sur la terre promise n’était valable que pour ceux qui y croyaient. Les Palestiniens n’avaient rien à voir avec cet engagement, c’est pourquoi la création d’un État juif en 1947 était pour eux un Nagba.
Invoquer la promesse de Dieu de s’emparer des terres des autres n’est donc pas suffisant, surtout pour ceux qui ne croient pas à cette promesse métaphysique. Du côté palestinien, le contre-argument est que l’idée selon laquelle le premier arrivé est le premier propriétaire implique également de faire de la place aux nouveaux arrivants. Le fait d’avoir la présence des Israéliens en Palestine ne contredit pas le concept du premier arrivé, premier servi.
Au lieu de lutter contre le nouvel Etat, la Jordanie et l’Egypte auraient pu absorber la population palestinienne expulsée d’Israël.
Un intervenant a déclaré qu’une solution à trois ou quatre Etats, englobant la Jordanie et l’Egypte, devrait être envisagée plutôt qu’une solution à deux Etats. Ce débat à Paris, auquel ont participé Israéliens et Palestiniens, avait contribué à la compréhension dialectique des deux côtés du conflit.
La dialectique n’est plus enseignée dans les universités américaines. J’ai enseigné pendant 10 ans dans l’enseignement supérieur aux Etats-Unis. On n’enseigne pas aux étudiants à historiciser d’une manière qui leur permette de voir les situations dans une perspective historique plus large. Sans l’histoire, les gens choisissent simplement leur camp, et les jeunes et les enseignants de gauche se rangent souvent du côté des opprimés.
J’ai grandi dans une famille catholique et j’ai appris à aider les faibles. La veille de l’invasion de l’Irak, j’ai participé à un sit-in à l’Université de Columbia. Nous étions du côté des Irakiens.
Aujourd’hui, dans les universités américaines, on est soit pour des Palestiniens, soit pour des Israéliens. Puisque c’est désormais, l’armée israélienne qui tue sans discernement des Palestiniens au nom de la volonté d’éliminer le Hamas, de nombreux jeunes étudiants se rangent naturellement du côté des victimes.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Et quels sont les problèmes des universités américaines aujourd’hui en rapport à ce conflit Israélo-palestinien?
La condition postmoderne de J.F., Lyotard remet en question les grands narratifs. Le postmodernisme nous a fait nous méfier des récits vastes et englobant qui prétendent tout expliquer. Ce grand récit est décrit comme un ordre idéologique qui promeut la suprématie blanche.
Toute pensée discursive est problématique car, il appartient au groupe blanc dominant. La théorie critique de la race repose sur les mêmes prémisses qui sont à la base de la fondation de l’Amérique : faire prendre conscience aux Blancs du privilège que représente leur couleur de la peau. Il a suggéré qu’être blanc devrait être une sensation terrible et intrinsèquement mauvais.
La difficulté de prendre parti vient du fait qu’on ignore complètement d’autres récits aussi hégémonique que ceux des groupes dominants. L’Islam a une grande histoire qui englobe tout, et personne n’ose la nier parce qu’elle est portée par les victimes avec lesquelles nous sympathisons.
Le meurtre des Juifs le 7 octobre 2023 a été perçu par les intellectuels américains de gauche comme une question de guerre et de résistance. Le meurtre d’enfants dans les villages, le viol de femmes et même le meurtre de personnes âgées et de malades sont des actes de guerre commis par les gauchistes qui s’identifient aux opprimés. Je suis de gauche et je ne suis pas d’accord avec cette opinion.
La vérité n’appartient ni à la gauche ni à la droite. Les présidents de l’Université Harvard, du Massachusetts Institute of Technology et de l’Université de Pennsylvanie ont déclaré que les discours appelant à l’extermination des Juifs n’étaient pas nécessairement condamnables et pouvaient constituer une liberté d’expression compatible avec le Premier Amendement. Elles ont répondu que cela dépendait du contexte.
«Est-ce qu’appeler au génocide des Juifs viole-t-il les normes et règles de l’Université Harvard ? » La présidente de Harvard, le Dr Claudine Gay, a répondu : « Cela dépend».
C’est comme si Je demandais a la personne qui a la garde de mes enfants si je pouvais compter sur elle pour la sécurité de mes enfants, et qu’elle me répondait « Cela dépend ». Des appels à la démission de la première présidente noire de Harvard sont compréhensibles. Le professeur Gay n’a pas démissionné, mais sa performance lors de l’audience au congrès a été décevante. Quelles que soient les circonstances, la vie des Juifs et celle des Palestiniens ont la même valeur.
Le Hamas doit être condamné pour ce qu’il est : une organisation terroriste qui assassine de jeunes enfants et viole des femmes, jeunes et vieilles. Ils sont contre la liberté pour la Palestine, pas pour elle. Les hôpitaux ne peuvent pas être utilisés comme boucliers humains. L’armée israélienne est aussi à condamner lorsqu’elle bombarde sans discrimination des Palestiniens à Gaza. Tous les Palestiniens ne soutiennent pas le Hamas. Ils sont contraints de rester pour servir de boucliers humains au Hamas.
Il n’existe pas de solution facile à ce dilemme, ni pour Israël ni pour les Palestiniens vivant sous la direction dictatoriale du Hamas. Ils sont tous coincés entre le marteau et l’enclume. Nous avons un problème parce que tout le monde choisi son camp et du coup, les gens manquent de recul et d’une perspective historique.
L’histoire n’est plus enseignée dans nos universités et les perspectives historiques ne sont plus disponibles.
Nous sommes soit pour, soit contre les juifs ou les musulmans. Il n’y a pas de dialectique. Nos professeurs et nos étudiants sont incapables d’inclure l’Iran, le Hezbollah, la Russie ou la Chine dans les événements du Moyen-Orient parce qu’ils ne voient pas les choses dans une perspective historique plus large.