A l’occasion de la visite d’Etat qu’effectue actuellement le Président de la République Démocratique du Congo en République de Chine, nous soumettons à la méditation des décideurs et cadres politiques congolais des réflexions extraites de trois passages de notre ouvrage publié en mai 2022 ; ouvrage intitulé : « Piliers et dynamiques pour un grand Congo ».
Corneille MULUMBA
Membre co-fondateur de l’UDPS
Tél. et Wp : +243 9 94 84 0000
E-mail : mcmulumba@gmail.com
Extrait N0 3 P. 519
(…)
PILIER 31.
LA RDC, UN MAILLON IMPORTANT DU PROJET « I.B.R. » DE LA CHINE
A. LE RETARD DE LA RDC
Au moment de l’accession de la RD Congo à l’indépendance, en 1960, celle-ci était pratiquement au même niveau de développement que la Chine et l’Afrique du Sud. Un demi-siècle plus tard, ces deux derniers pays sont devenus émergents. Ils font partie du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Pourquoi la RD Congo, elle, est restée dans le starting block ?
Cette mauvaise performance peut être attribuée à deux causes majeures : la distraction du leadership congolais et ses insuffisances en matière de gouvernance, d’une part, et, conséquence directe de celles-ci, des partenariats improductifs et nocifs avec les pays occidentaux, d’autre part.
Depuis son accession à l’indépendance, en effet, la coopération entretenue par la République Démocratique du Congo avec le monde extérieur a tourné autour de l’assistance technique et financière des pays comme la Belgique, la France ou les Etats-Unis, ainsi que celle des institutions de Breton Wood et de l’Union Européenne.
Cette « coopération de l’aide » n’a pas stoppé le sous-développement, ni mis fin à la pauvreté. Les effets d’annonce, les sommes colossales d’aide et de don ont, au contraire, eu des conséquences négatives sur les populations locales ; notamment en termes d’esprit de dépendance, de complexe d’infériorité, et d’inhibition du sens d’initiative et de créativité.
Aucun boulevard, aucun édifice public, ni infrastructures identifiables n’ont été construits grâce à cette assistance financière. Elle n’a eu aucun impact significativement positif sur la vie des populations locales. Le résultat le plus important, et objectivement vérifiable, reste une dette extérieure colossale, une pauvreté généralisée, les conflits, et la dépendance permanente à l’égard de l’Occident dans tous les domaines.
Avec nos partenaires occidentaux, il s’était construit une relation monopolistique. Ce monopole contreproductif a fait de la RDC une chasse-gardée occidentale de fait.
Pendant que le Brésil, l’Inde, et les autres pays aujourd’hui émergents transformaient leurs économies, la République Démocratique du Congo, Etat-ressource, n’était restée que simple pourvoyeur de matières premières pour ses partenaires occidentaux.
B. LA NOUVELLE DONNE
Aujourd’hui, la Chine est en train de bondir ; tandis que l’Occident dégringole. C’est la dure et implacable conséquence de la loi du marché et de l’“homo oeconomicus’’ tant enseignée : à qualité égale, tout homme mentalement équilibré achètera le produit le moins cher. La Chine produit aujourd’hui la qualité et la quantité à un prix bas. Elle maîtrise la technologie et les circuits de distribution. Et, en toute logique, elle emporte le marché.
La Chine s’était fixé pour objectif de devenir la première puissance économique du monde en 2020. Tous les experts admettent qu’elle l’est effectivement devenue.
Elle s’était fixé pour objectif de devenir la première puissance militaire du monde en 2025. Elle va très probablement le devenir.
Enfin, la Chine s’était fixé pour objectif de devenir la première puissance du monde dans le domaine de l’IA (Intelligence Artificielle) dès 2030. Elle va vraisemblablement le devenir.
Nous sommes donc, en ce moment, à un tournant de l’histoire du monde, à la veille d’un nouvel ordre mondial dont la Chine devient la superpuissance.
Voilà qui explique le désarroi et la peur de l’Occident. En effet, le marché où écouler ses produits s’atrophie, et sa démographie baisse sensiblement. Ceci remet en cause son standard de vie. Dépassé, il cherche maladroitement et par tous les moyens à ne pas perdre le contrôle des commandes de la poule aux œufs d’or, ce pays aux ressources naturelles prodigieuses qu’est la République Démocratique du Congo.
Le programme chinois de l’Initiative Ceinture et Route (IBR) va inéluctablement refaçonner le paysage géopolitique de demain et sonner la fin de l’occidentalisation du monde, en même temps qu’il offre une chance et une opportunité de taille à un pays comme la République Démocratique du Congo. Les objectifs à court, moyen, et long terme de l’IBR rencontrent entièrement le besoin de Kinshasa de transformer ses potentialités en richesses réelles qui profiteront enfin aux populations congolaises.
C. CHANGER DE PARADIGME.
En plus de six décennies, notre coopération avec les partenaires traditionnels occidentaux nous a plus appauvris qu’enrichis. Elle doit être réévaluée, et des leçons doivent en être tirées. En effet, les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts. Et ceux du peuple congolais devraient passer avant tout autre considération pour les dirigeants du pays.
L’on constate, en effet, que, dans la détermination de la Chine de remodeler les relations internationales dans le sens d’un monde plus équilibré, la RDC est potentiellement un partenaire très utile. Notre pays est doté des potentialités économiques immenses, notamment grâce à ses minerais et à ses potentialités agro-pastorales. Ce potentiel nécessite un partenariat financièrement puissant, politiquement et diplomatiquement fort, et technologiquement avancé ; toutes des caractéristiques que présente la Chine d’aujourd’hui.
Par ailleurs, il y a urgence, pour le pays de Lumumba, d’entreprendre la construction de ses grands projets stratégiques toujours en chantiers depuis des décennies, au nombre desquels la Centrale Hydroélectrique d’Inga III (capable d’alimenter l’ensemble de l’Afrique), Inga IV, et le Port en eaux profondes de Banana, sur l’Océan Atlantique.
Pour y parvenir, la RD Congo a besoin d’un leadership capable de résister aux inéluctables pressions multiformes des pays occidentaux, un leadership à la fois clairvoyant, courageux, patriotique et déterminé.
D. SI LES CHOSES NE CHANGENT PAS …
Les Congolais ont élu leurs dirigeants pour résoudre leurs problèmes, dans l’espoir de voir leurs conditions de vie changer. Pour un leader congolais conscient de sa mission, la vie d’un Congolais ne vaut pas moins que celle d’un autre, Occidental fût-il. Toute son action doit viser à satisfaire les espoirs du peuple congolais.
Dès lors, si les choses ne changent pas, dit-on, il est dans l’obligation de procéder autrement pour y parvenir :
– Changer de méthodes,
– Changer d’hommes,
– Changer de stratégie,
– Changer d’alliances, ou
– Changer de partenariat.
En moins de 30 ans, la Chine a construit des infrastructures extraordinaires. Parmi celles-ci, le barrage hydroélectrique le plus puissant du monde : celui des Trois-Gorges, qui dégage une puissance de 22 500 MW, ainsi que le plus long réseau ferré du monde.
Sept parmi les plus grands ports du monde en terme de trafic se trouvent en Chine. Il s’agit, entre autres, des ports de Shenzhen, Canton, Shanghai, ainsi que du Port en eaux profondes de Yangshan, qui est relié au continent par le pont de Donghai, long de 32,5 kilomètres, dont 26 kilomètres en continu au-dessus de la mer.
Le pays de l’Empire du Milieu a donc une expérience et une expertise avérées en matière de construction de ports. Il maîtrise la technologie, et il dispose de moyens logistiques et financiers nécessaires.
Un contrat de construction d’infrastructures signé avec les entreprises chinoises présente en outre l’avantage d’être financé par le système de troc de nos minerais. Il ne s’agit pas d’une dette financière classique sur laquelle la RD Congo doit payer des intérêts, avec tous les risques d’accumulation connus par le passé et qui ont serré notre pays à la gorge des dizaines d’années durant.
Tout ceci démontre que la Chine est un partenaire plus fiable et plus intéressant pour la RD Congo, particulièrement, en ce qui concerne les modalités de financement. C’est également une assurance et une garantie incontestables de bonne fin pour des contrats de construction des infrastructures importantes.
Il serait donc plus logique, et dans l’intérêt supérieur du peuple congolais, de convoler avec un tel partenaire pour les grands chantiers de la République ; notamment l’amélioration de la navigabilité sur le Fleuve Congo et ses affluents par le dragage, l’aménagement des ports, et la construction éventuelle d’écluses en vue de rendre le fleuve navigable sur toute sa longueur en vue de développer l’économie de l’arrière-pays.
Ceci est d’autant plus nécessaire qu’avec l’avènement de la ZLECAF, la Zone de Libre-Echange Continentale, la RDC a rapidement besoin d’infrastructures pour désenclaver ces provinces en vue d’activer les échanges économiques ; tant il est vrai que le commencement de toute stratégie sérieuse de développement, c’est le désenclavement des régions, avec la construction des infrastructures, qu’elles soient de transport, énergétique, ou sociales.
E. LA DP WORLD : UNE INITIATIVE DOUTEUSE
En prenant en considération tous les avantages évoqués ci-haut, l’on doit objectivement s’interroger sur la motivation des dirigeants congolais dans leur décision, et cela en dehors de toute rationalité, de confier la construction du port en eaux profondes de Banana à la compagnie qatarie DP World ; et même de précipiter la pose de la première pierre avant la finalisation de tous les termes du contrat.
Une commission d’enquête parlementaire devrait se pencher sur ce dossier pour en savoir davantage sur les dessous des cartes de cet accord et si les conditions de conformité aux règles des marchés publics de cette envergure ont été respectées et les intérêts supérieurs du peuple congolais préservés. En effet, le Qatar n’a pas pour réputation d’être un grand pays industriel. Tous les grands édifices y construits sont l’œuvre des firmes étrangères, américaines et allemandes notamment. Qu’est-ce qui justifie qu’un tel marché soit octroyé, presqu’en catimini, à la firme qatarie DP World ?
A combien s’élève la facture de DP World ? Quelles sont les conditions de paiement ? Qui se cachent derrière cette compagnie, tant il est vrai que le Qatar n’est pas un pays à réputation industrielle ; mais tout au plus d’être un paradis fiscal. Raison pour laquelle le Parlement congolais doit examiner avec minutie ce contrat.
Outre le contrat signé avec la DP World, un accord de concession pour la relance et la modernisation de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), ex-ONATRA, a été signé, le lundi 25 avril 2022, à la Cité de l’Union africaine entre la République démocratique du Congo et le Qatar, en présence du Président de la République ; accord faisant suite à des engagements pris précédemment à Doha, au Qatar, entre le Président de la RD Congo et l’Emir du Qatar.
Le projet concerne principalement le port de Matadi et le port de Kinshasa. Il devrait être exécuté par la société Qatarie Méditerranean shipping company s.a, et bénéficier du financement du fonds d’investissements qatari Maha capital.
F. QUE DU TEMPS PERDU !
N’eût été le sabotage des pays occidentaux, les entreprises chinoises auraient pu apporter beaucoup dans la mise en œuvre du programme de cinq chantiers de la RDC lancé en 2008 et dans la mise en valeur des ressources minières du pays.
Malheureusement, politiquement aliénés, mentalement conditionnés, et sous pression des puissances occidentales, la grande majorité des acteurs politiques et sociaux de la RD Congo continuent à appréhender le monde sous le seul prisme occidental ; alors qu’il saute aux yeux que les partenaires traditionnels sont essoufflés, et qu’ils n’ont jamais manifesté une quelconque volonté de soutenir notre envol.
Pour sortir la RD Congo du sous-développement, de la pauvreté et des conflits, son intégration dans le programme « Initiative Ceinture et Route » constitue un must ; car c’est en son sein que va se jouer l’avenir du monde. Il est de son intérêt économique et géostratégique d’intégrer le plus tôt possible ce méga projet du 21ième siècle ; car, ce dernier sera bel et bien chinois.
La Chine et la RDC peuvent cheminer ensemble pour une coopération sans complexes dans laquelle chacun trouve réellement son compte. En cela, l’’Initiative Ceinture et Route constitue une chance pour développer les infrastructures de communications notamment, le chemin de fer, les routes, ports, aéroports, voies fluviales, et les télécommunications.
La position géostratégique de la RDC, son accès à l’océan et ses neuf voisins lui accordent un avantage très important dans la construction du partenariat pour un développement commun et une prospérité partagée dans le cadre de l’Initiative Ceinture et Route.
C’est une option qui pourrait permettre à la RDC d’être classée parmi les pays émergents d’ici une à deux décennies.
Comment tirer un bénéfice substantiel pour la RDC de la nouvelle Route de la Soie et des opportunités qu’offre la coopération Chine-Afrique ? C’est ce qui devrait être creusé dans les sujets de recherche, de thèses de doctorat, et de mémoires de fin d’études dans nos universités en vue de fournir de la matière aux gouvernants.
En s’insérant opportunément, et de manière volontariste dans l’Initiative Ceinture et Route, la RD Congo devrait pouvoir redynamiser son économie ; notamment en attirant sur son territoire une partie des colossaux investissements que la Chine va effectuer pour donner vie à son projet titanesque. Nous serons en mesure de booster les échanges commerciaux entre nos provinces et au niveau international, attirer des investissements de toutes sortes, et ainsi contribuer à la réduction de la pauvreté et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.
La Chine, tout comme tous les BRICS, la Turquie, les pays du Sud-Est asiatique, et l’Amérique latine doivent indistinctement entrer dans le viseur de notre gouvernement dans le cadre de la recherche des partenariats fructueux. Il ne s’agit nullement pour nous de couper les ponts avec les pays de l’Union Européenne et les Etats-Unis d’Amérique ; mais d’être ouverts à tous les partenariats fructueux pour notre peuple, de les placer en position de concurrence. Il ne peut plus jamais être question, si nous voulons voir le voir le grand Congo se bâtir, de demeurer une chasse gardée de quiconque.