Jean-Marc Kabund, homme politique congolais, député national et ancien président ad intérim de l’UDPS a assisté à la reprise de son procès le lundi 7 août à la Cour de Cassation. L’homme fort de l’UDPS, celui qu’on surnommait «maître-nageur» est placé en incarcération à la Prison Centrale de Makala depuis août 2022. Mais, comment en est-il arrivé là ? Lui qui était le fervent soutien de Félix Tshisekedi quand il fallait élire le successeur du Sphinx à l’UDPS ?
Au commencement était l’UDPS…
Ce parti de l’opposition congolaise n’est plus à présenter. Créé durant le règne de Mobutu par Etienne Tshisekedi et autres co-fondateurs, ce parti s’est illustré par ses discours, marches interdites par le pouvoir et ses convictions socialistes.
En 2016, pour faire pression sur le régime Kabila au sujet de la tenue des élections, un homme s’illustre comme organisateur des manifestations. Il s’agit de Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, désigné quelques mois plus tôt par le Sphinx de retour d’Europe, en remplacement de Bruno Mavungu reproché pour son manque de dynamisme. Pour rappel, avant cette nomination, Kabund dirigeait l’UDPS/Haut-Lomami.
Après la mort du Sphinx, le parti est au bord de la crise… Qui succédera à Etienne Tshisekedi ? Jean-Marc Kabund se lèvera donc et soutiendra vaillamment l’élection de Félix Tshisekedi pour diriger l’UDPS. Ce dernier sera alors élu à ce poste en mars 2018 et désignera Kabund comme président par intérim du parti après l’élection présidentielle et ce dernier désignera Augustin Kabuya comme Secrétaire Général du parti.
L’ascension
Félix Tshisekedi accède à la magistrature suprême après plus de 30 ans de lutte de l’UDPS. Un couronnement, mais bien plus un défi : prouver que l’opposition peut accomplir ce qu’elle accusait la majorité de ne pas faire.
Mais, comment arriver à diriger quand on a été conditionné pendant plus de 30 ans à contester les décisions du pouvoir en place ?
Voilà l’un des défis rencontrés par l’UDPS au début de son règne avec en tête de file Jean-Marc Kabund.
Alors que les régimes en place se contentent généralement de prendre des décisions et de les faire appliquer, l’UDPS de Jean-Marc Kabund passait un clair moment à répondre aux propos des opposants.
Le parti au pouvoir n’ayant pas remporté la majorité parlementaire, l’UDPS se voit contrainte de s’allier au FCC de Joseph Kabila, ainsi naît le FCC-CACH, union que beaucoup ont jugé de «contre-nature.»
Quelques temps après sa destitution du poste de 1er Vice-président de l’Assemblée Nationale en mai 2020, il se charge de débaucher certains députés du FCC pour créer une nouvelle majorité parlementaire : l’Union sacrée de la Nation. Il est alors reconduit 1er vice-président du parlement.
Tout semble mis en marche pour l’ascension fulgurante de ce cadre de l’UDPS pour son combat auprès du Sphinx et auprès de son fils.
Et, voilà que le scandale arrive alors qu’il est sur le strapontin de 1er vice-président de la chambre basse du parlement, il se croit tout permis. Une vidéo devient virale sur les réseaux sociaux ; il s’agit d’un incident qui s’est produit vers Poids Lourds opposant les éléments de la garde de Kabund et des éléments de la Garde républicaine commis à la sécurité d’un membre de la famille présidentielle qui roulait à contre-sens ; rencontrant Jean-Marc Kabund. Celui-ci demandera aux policiers commis à sa garde de désarmer l’élément de la garde républicaine et de le conduire à l’auditorat. Le soir, des éléments de la Garde républicaine sont descendus au domicile de Kabund et ont cassé plusieurs biens et auraient emporté d’autres.
Le 21 janvier 2022, Kabund annonce sa démission du poste de 1er’ vice-président de l’Assemblée Nationale via son compte twitter. Le hic c’est que non seulement il n’avait pas formellement déposé une lettre de démission à la Chambre basse du parlement mais en plus, il l’avait fait sans en informer son parti, motif repris par la commission disciplinaire de son parti pour expliquer sa radiation du parti fin janvier 2022, en plus d’accusations de corruption, escroquerie et extorsion. Fin mars, Kabund démissionne officiellement de son poste de 1er vice-président, un acte jugé de non-événement vu le temps pris entre son annonce sur les réseaux sociaux et la formalisation.
Celui-ci s’efface quelques temps avant de revenir en juillet 2022 en créant son parti « Alliance pour le Changement », s’inscrivant ainsi comme nouvel opposant de son ancien allié et prétendument candidat à la présidentielle 2023.
Lors de son discours, il « regrette d’avoir œuvré pour l’élection de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême car il est un danger à ce poste » ; il tiendra d’autres propos de la même nature qui ne passeront pas inaperçus.
En août 2022, il est placé sous mandat d’arrêt provisoire avec plus de 10 chefs d’accusation dont « injures publiques, imputations dommageables et offenses au chef de l’Etat, outrage au parlement, au gouvernement, … »
Pour son parti, il ne s’agit que d’une manœuvre politique pour l’empêcher de « candidater à la présidentielle », discours qu’ils tiendront plus tard contre le ministère de l’Intérieur pour la non-inscription de ce parti sur les listes de la CENI; le 12 août, il sera assigné en résidence surveillée, décision non respectée jusqu’alors.
Il est resté donc incarcéré à la prison de Makala jusqu’au 25 Juillet, date à laquelle ses militants ont inondé la toile avec la nouvelle de sa libération, information relayée par plusieurs médias. Pourtant, il était question d’une visite du président du Conseil National des Droits de l’Homme à Jean-Marc Kabund.
Par ailleurs, lors de son audience du 7 août, il a réitéré son opinion sur la gestion actuelle de la Res Publica qu’il avait jugée de calamiteuse avant son arrestation tout en spécifiant qu’il y a absence d’une vision claire au sommet de l’Etat.
Pour l’heure, sa prochaine audience prévue le 14 août sera dédiée aux plaidoiries…
Déborah Nitu