(Par Martin Fayulu Madidi)
Monsieur Tshisekedi est arrivé à la présidence de la République Démocratique du Congo par un coup d’état constitutionnel : Le ‘’deal’’ passé entre le Président entrant et son prédécesseur n’est pas un mécanisme constitutionnel d’accession, d’exercice et de dévolution du pouvoir en RDC. Il est donc illégitime. Ainsi, pour M. Tshisekedi, deux questions existentielles se sont tout de suite imposées à lui : 1. Comment laver l’opprobre du deal qui souillait sa veste ‘’présidentielle’’, et 2. Comment s’assurer un deuxième mandat tout aussi frauduleux pour corriger le péché originel ?
Il fallait s’atteler à deux choses pour répondre à ces questions : (i) l’enrichissement rapide et sans cause ainsi que (ii) la planification de la fraude lors des élections de 2023.
L’enrichissement illicite est une question qui doit intéresser la justice et les enquêteurs comme ceux des Panama Papers. Dans cette chronique, nous allons nous limiter à la question de la planification de la fraude électorale.
Premier épisode : la nomination des juges de la Cour constitutionnelle le 17 juillet 2020
La Cour Constitutionnelle ayant la responsabilité de proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle et des élections législatives nationales, Monsieur Tshisekedi s’est précipité pour nommer, en violant la Constitution, des juges constitutionnels de son obédience. Ces nominations qui ont fait couler beaucoup d’encre, sans que les corrections y soient apportées, ont été en réalité le point de départ de la mise en place du dispositif de fraude électorale. Certains analystes affirment même que le ‘’deal’’ avec le FCC a été sérieusement secoué par cet acte de défiance.
Deuxième épisode : le 3 mai 2021, Monsieur Tshisekedi a décrété l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, avec restriction des libertés fondamentales.
L’armée et la police ont été dotées d’immenses pouvoirs pour anéantir les libertés fondamentales des habitants de ces deux provinces, victimes directes de l’agression rwando-ougandaise. Cette mesure a comme objectif la réduction du poids électoral du Nord-Kivu et de l’Ituri, deux provinces hostiles au gouvernement en place. Depuis, le renouvellement de cette mesure est devenue ‘’robotique’’.
Troisième épisode : Adoption le 04 juin 2021 de la proposition de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI par 336 députés sur les 337 qui ont pris part au vote. Loi promulguée le 03 juillet 2021.
Cette loi n’a pas fait l’objet de consensus ; elle a été le fruit d’une vaste corruption des députés. Elle a été contestée par une grande partie de la classe politique et de la société civile, y compris les deux grandes confessions religieuses (catholique et protestant). La CENI a été politisée à outrance : 6 membres de la majorité, 4 membres de l’opposition et 5 membres de la société civile dont le Président issu des confessions religieuses. A l’arrivée, Monsieur Tshisekedi a réussi à nommer tous les membres, et il n’y a donc aucun membre de l’opposition et de la résistance.
Quatrième épisode : la création de l’Union Sacrée de la Nation le 06 décembre 2021
Lors de son message à la Nation le 23 octobre 2021, M. Tshisekedi a voulu créer un parti unique qu’il a appelé Union Sacrée de la Nation pour ‘’la refondation de l’action gouvernementale autour des principes de participation à la gestion du pays’’. Nous avons subi des pressions de certaines chancelleries occidentales pour y adhérer, mais nous n’avons pas cédé. Ainsi, la coalition USN est née le 06 décembre 2021 pour soi-disant ‘’faire porter le grand projet de refondation du pays par l’ensemble des forces vives politiques et sociales que compte notre pays, au sein d’une Union Sacrée de la Nation’’. En réalité, il s’agissait de la constitution de la machine politique devant accompagner le projet de fraude électorale. Ses membres bénéficiant, en retour, des largesses des nouveaux maitres des lieux (4X4 de luxe Palissade, indemnités de 21.000 dollars par mois…).
Cinquième épisode : loi électorale du 29 juin 2022 consacrant le vote semi-électronique et n’acceptant pas la proclamation des résultats bureau par bureau.
La Commission électorale, étant entre les mains de la famille politique de Monsieur Tshisekedi, a élaboré un projet de loi électorale comportant les germes de la tricherie, notamment dans son article 47 alinéa 3 qui dispose que : ‘’le vote semi-électronique combine l’utilisation du bulletin papier sécurisé et le comptage manuel en même temps avec un dispositif électronique de prise en charge du processus de vote, d’agrégation et de transmission des résultats’’.
Cette disposition permet aux membres du parti au pouvoir d’envoyer les résultats des bureaux fictifs au serveur central sans encombre. L’on se souviendra qu’en 2018, la CENI de l’époque n’a pas attendu la fin de compilation pour proclamer les résultats ; elle a fabriqué ses propres résultats. Tout aussi dangereux, l’alinéa 5 de l’article 47 qui précise : ‘’En cas de divergence de résultats issus du dépouillement manuel et ceux du dispositif électronique, la Commission électorale nationale indépendante procède aux investigations et à la correction de l’erreur au niveau du centre local de compilation des résultats. Un procès-verbal est élaboré à cet effet et signé par les membres du Centre local de compilation instruits par la Commission électorale nationale indépendante et les témoins des candidats présents’’.
La CENI n’est pas impartiale. Elle est l’instrument par excellence de l’opérationnalisation de la fraude en faveur de M. Tshisekedi et l’expérience de 2018 prouve qu’on ne peut pas faire confiance à une CENI impartiale sur cette question.
Sixième épisode : l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs comme moyen de créer des électeurs fictifs que l’on utilisera pour gonfler les votes en faveur de Monsieur Tshisekedi et des membres de l’Union sacrée de la nation.
Tout le monde s’accorde à reconnaitre que l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs s’est déroulée dans une opacité totale. Les questions pertinentes posées au bureau de la CENI par la Mission d’observation électorale CENCO-ECC et par nous-mêmes sont demeurées sans réponses.
De plus, la CENI n’a pas voulu soumettre le fichier électoral à un audit externe par un cabinet indépendant dont l’expertise est avérée.
Dans sa synthèse du rapport d’audit du fichier électoral de 2018, l’OIF mentionne ceci : ‘’ un fichier électoral inclusif, exhaustif et actualisé mais perfectible et donc nécessitant des améliorations ayant fait l’objet de recommandations à court et moyen terme en vue, notamment, de son affichage provisoire pour permettre d’aboutir à des listes électorales définitives, conformément à la loi’’. Le rapport indique les forces et les faiblesses constatés d’après les analyses des auditeurs.
Le rapport précise que ‘’sur un total de 46,862,423 électeurs initialement enrôlés, 6,837,526 ont été radiés du fichier national par la CENI dans le cadre d’importantes opérations d’épurement des listes’’. La mission soutient que ‘’si 77% des électeurs ont les empreintes de leurs dix doigts enregistrés dans la base de données, 6% ont enregistré des données partielles entre 1 et 9 doigts et 16,6% ont été enregistrés sans empreintes… Cependant, ce point fait l’objet d’une réelle préoccupation. C’est pourquoi la mission de l’OIF préconise à court terme des investigations approfondies pour cerner ces difficultés et envisager, le cas échéant, des solutions en vue de les surmonter et d’asseoir la fiabilité du fichier électoral’’.
Mais le soi-disant audit fait par les 5 amis de Monsieur Kadima est simplement détruit par la mauvaise qualité et la superficialité de son rapport. Sans apporter d’éléments probants sur toutes les questions susceptibles de restaurer la confiance des parties prenantes, l’équipe d’audit aboutit à des conclusions qu’elle ne peut justifier. Elle soutient, par exemple, que ‘’la CENI a fait d’énormes progrès dans la mise en place d’un système technique robuste capable de produire un fichier électoral crédible et fiable. Pourtant, le cycle de la méfiance semble difficile à briser. Bien que la loi ne l’exige pas, la CENI pourrait mettre les listes électorales à la disposition des candidats à la présidentielle, sous forme expurgée et en version électronique’’. Cette affirmation n’a pas de sens dans la mesure où la loi portant identification et enrôlement des électeurs ainsi que la loi électorale règlent clairement cette question respectivement dans l’article 39 et 8.
L’équipe d’audit affirme par ailleurs qu’elle a eu une réunion avec l’ECiDé, en même temps que LGD et ENVOL. Ce qui est totalement faux car aucun représentant de l’ECiDé n’a rencontré les membres de l’équipe !
Une grande question se pose sur la sincérité des informations données par M. Kadima. En effet, la CENI a publié l’appel d’offre de l’audit le 9 mai et elle l’a clôturé le 11 mai. Le bureau de la CENI s’est réuni le 13 mai pour examiner les 200 dossiers de candidature reçus dans l’espace de 48 heures avant de sélectionner l’équipe d’audit. Le 15 mai à 14H30’, la CENI a communiqué les noms des 5 experts retenus et à 15H30’, il y a eu réunion des experts dont une Sud-africaine et un Malawite qui se trouvent miraculeusement à Kinshasa ce même jour. Le calendrier mentionne que le 16 et le 17 mai, les experts ont rencontré certaines parties prenantes. Cela veut tout simplement dire que l’examen du fichier s’est fait pendant trois jours (18, 19 et 20 mai) car les conclusions ont été présentées le 21 mai à l’hôtel Béatrice. En d’autres termes, les 5 experts n’ont eu que 3 jours seulement pour examiner les éléments suivants : le cadre juridique et réglementaire ; la logistique et les kits d’identification ; l’analyse des données collectées ; la sécurité des serveurs et des données ; et tant d’autres éléments de contrôle sans compter la rédaction du rapport lui-même. Des lacunes criantes sont à soulever, par exemple nulle part dans le rapport on donne le chiffre initial d’enrôlés.
Alors, si la CENI n’a rien à cacher à propos du fichier électoral, pourquoi n-a-t-elle pas accepté la proposition des 4 candidats présidents de la République de faire faire l’audit indépendant concomitamment aux autres activités inscrites dans le calendrier de la CENI ?
Nous ne pouvons pas accompagner M. Felix Tshisekedi dans son plan de fraude électorale.
Septième épisode : Illusion de la ‘’normalité’’, entretien de l’insécurité et des milices privées et propagation de la peur dans la société
Pendant près de cinq ans, le pouvoir de M. Tshisekedi s’est distingué par une illusion de normalité, en affirmant qu’en dehors du Kivu et de l’Ituri, tout va bien et les institutions de la république fonctionnent normalement. Il n’y aurait que quelques ‘’voyous’’, ‘’haineux’’, ‘’sorciers’’ et tribalistes qui refusent de reconnaître les progrès en cours.
Ce qui est malheureux, c’est que les Congolais voient bien que rien ne va dans le pays, mais nous sommes distraits par des futilités et nous préférons faire semblant, nous fermons les yeux face à l’insécurité généralisée dans le pays, les violences diverses des milices privées entretenues par le pouvoir en place qui sèment la terreur sur les routes de Kinshasa, s’arment de machettes pour perturber les manifestations de l’opposition et de la résistance. Ces milices privées se positionnent devant les résidences des acteurs politiques et sont payées comme agents de renseignements de l’Etat. Elles travaillent en intelligence avec la police et ont pour mission de distiller la peur dans la société et de mater toute contestation électorale qui ne leur serait pas favorable.
Face à un tel agencement, construit pour perpétuer l’illusion démocratique dans notre pays, nous avons décidé de dire NON à cette vaste escroquerie, comme l’exige l’article 64 de notre Constitution. Nous nous en tenons au Pacte Républicain de Sun-City et nous exigeons des élections transparentes, impartiales, inclusives et apaisées.
Fait à Kinshasa, le 03 août 2023