(Jean Paul Mukolo Nkokesha)
Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et Magistrat Suprême avec l’expression de mes hommages les plus déférents,
Je salue votre auguste présence qui est la marque de l’attention particulière que vous avez toujours accordée à la justice en général et à notre institution en particulier.
C’est pourquoi, au nom des magistrats de mon office, du personnel judiciaire et administratif et au mien propre, je vous prie d’accepter nos remerciements les plus sincères et de croire en l’expression de notre profonde gratitude ;
– Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et Magistrat Suprême « Avec l’expression de mes hommages les plus déférents » ;
– Honorable Président de l’Assemblée nationale ;
– Honorable Président du Sénat ;
– Excellence Monsieur le Premier Ministre et Chef du Gouvernement ;
– Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et Honoré collègue;
– Madame et Messieurs les membres du Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature et Honorés Collègues ;
– Honorables Députés ;
– Honorables Sénateurs ;
– Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;
– Madame et Messieurs les membres de la Cour Constitutionnelle ;
– Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats ;
– Excellences mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques ainsi que les représentants des organismes internationaux ;
– Monsieur le Président du Conseil Economique et Social ;
– Monsieur le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante ;
– Monsieur le Président du Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral ;
– Madame la Présidente de la Commission Nationale des Droits de l’Homme.
– Monsieur le Premier Président de la Cour de Comptes ;
– Monsieur le Procureur Général près la Cour de Comptes ;
– Mesdames et Messieurs les Magistrats ;
– Monsieur le Chef d’Etat-major général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo ;
– Monsieur le Commissaire Général de la Police Nationale Congolaise ;
– Monsieur le Bâtonnier National ;
– Monsieur le Président de l’Assemblée Provinciale de la Ville Province de Kinshasa ;
– Monsieur le Gouverneur de la Ville Province de Kinshasa ;
– Mesdames et Messieurs les Officiers Généraux des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et de la police Nationale Congolaise ;
– Monsieur le Bourgmestre de la Commune de Lingwala ;
– Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs ;
– Mesdames et Messieurs.
Conformément à l’article 100 de son règlement intérieur, la Cour Constitutionnelle tient une audience solennelle à l’occasion de sa rentrée judiciaire ; le Procureur Général près cette Cour y prononce une mercuriale.
Notre mercuriale de cette troisième édition de la rentrée judiciaire de la Cour Constitutionnelle a pour thème :
« LES CAUSES D’IRRECEVABILITE DANS LE CONTENTIEUX ELECTORAL »
INTRODUCTION
L’élection est considérée comme le mode universel d’exercice du pouvoir politique et comme l’instrument qui fonde et légitime le pouvoir politique. Elle permet la participation des citoyens à la gestion des affaires de leur société par le biais des représentants qu’ils choisissent librement au cours
d’un vote organisé de manière compétitive.
Elle constitue en outre le procédé par excellence de légitimation du pouvoir. Elle fournit aux gouvernants un titre pour agir et commander, assure leur autorité en même temps qu’elle justifie l’obéissance, car il n’y a en démocratie, d’autorité que celle issue de l’élection. Elle assure l’alternance voulue pacifique et aussi civilisée au pouvoir de l’Etat comme ce fut le cas lors du scrutin de 2018 en République Démocratique du Congo.
Elle doit dès lors être entourée des garanties particulières qui justifient l’existence d’un contentieux électoral qui aménage un cadre procédural permettant légalement aux citoyens de faire entendre leur voix à chaque étape du processus électoral afin de dénoncer les éventuelles fraudes, les déviances et autres irrégularités observées.
Tel est le rôle primordial de la procédure contentieuse en matière électorale qui renvoie au droit électoral processuel entendu comme l’ensemble des règles qui organisent les formalités que le requérant doit accomplir pour réclamer devant l’organe juridictionnel compétent un droit ou contester les irrégularités qu’il a pu constater dans l’organisation et le déroulement des opérations préélectorales et postélectorales.
La mise en œuvre de ces règles par le juge électoral suscite les débats, controverses et déclarations en tous sens au point que certains acteurs politiques et ceux de la société civile ne manquent pas de crier à l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique tant la plupart des requêtes connaissent les décisions d’irrecevabilité validant ainsi les décisions de la CENI même si les opérations électorales sont entachées d’irrégularités.
Ces acteurs peuvent-ils être suivis dans leur conclusion ou s’agit-il de la mauvaise mise en œuvre par eux des règles qui fixent les conditions de recevabilité des requêtes en matière de contentieux électoraux ?
La réponse à ce questionnement fonde l’intérêt de mon propos qui a pour souci de dire aujourd’hui un mot sur les causes d’irrecevabilité des requêtes en matière électorale non pas pour alimenter ce débat mais pour éclairer l’opinion congolaise sur l’exacte portée des formalités procédurales telles qu’elles ressortent des dispositions légales et telles qu’elles apparaissent dans la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle ; ceci pour lever bien des équivoques.
Dans le cadre de cette étude, je me focaliserai sur les élections présidentielle et législatives nationales, matière qui relève de la compétence de notre Cour Constitutionnelle.
Mon propos sera développé en deux chapitres.
Dans le premier consacré aux juridictions compétentes en matière électorale, je m’efforcerai de préciser quelques notions relatives à la matière, tout en jetant un regard rapide sur les juridictions compétentes.
Le second chapitre abordera les causes d’irrecevabilité des requêtes dans le contentieux de candidatures et de résultats suivi de l’analyse de quelques voies de recours.
Suivra enfin une conclusion.
CAPITRE I : LES JURIDICTIONS COMPETENTES EN MATIERE
ELECTORALE
Section 1ère : Notions
Parler des causes d’irrecevabilité ou mieux de la procédure contentieuse dans le sens que nous lui avons donnée, nous permet d’appréhender les aspects procéduraux qui plombent le contentieux électoral et découragent les justiciables dans leur quête de justice électorale lorsqu’ils ne savent pas franchir l’étape de la recevabilité, préalable indispensable pour l’examen au fond des litiges liés à la jouissance de leurs droits civils et politiques.
Il importe à cet égard d’apporter avant toute chose une clarification des termes essentiels du sujet, notamment la « recevabilité », la « procédure », le « contentieux » et l’adjectif électoral qui dérive de l’élection.
§1. La recevabilité
Une doctrine abondante définit la recevabilité par les conditions requises pour l’ouverture de l’action dont l’intérêt légitime, direct, personnel et juridiquement protégé, la qualité et la capacité à agir en justice.
A contrario, la recevabilité trouve son sens à travers la notion d’irrecevabilité.
Celle-ci est définie comme une fin de non-recevoir c’est-à-dire tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription ou la chose jugée.
Ces deux définitions nous conduisent à avancer que la recevabilité est l’aptitude que revêt une demande du fait de sa nature à satisfaire à toutes les conditions de l’action en lui évitant toute fin de non-recevoir.
Et dans le cadre de notre étude, ces conditions sont posées par les articles 27, 27 bis, 73, 74 et 74 ter de la loi n°06/006 du 09 mars 2006, portant organisation des élections Présidentielle, Législatives, Provinciales, Urbaines, Municipales et Locales telle que modifiée et complétée jusqu’à ce jour successivement par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015, la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 et la loi n°18/006 du 29 juin 2022.
§2. La procédure contentieuse
La notion de procédure est considérée comme un processus, une méthode, une formalité ou un procédé qu’il faut accomplir ou respecter afin d’effectuer une tâche déterminée ou conduire une expérience.
En droit, cette notion évoque d’emblée le procès, elle fait référence au droit judiciaire, procédural ou processuel.
Le vocabulaire juridique la définit au sens large comme la branche du droit dont l’objet est de fixer les règles d’organisation et de compétence des tribunaux, d’instruction des procès et d’exécution des décisions de justice et au sens étroit, comme l’ensemble des formalités qui doivent être suivies
pour parvenir à une solution juridictionnelle de nature civile, pénale ou administrative selon le cas.
Elle est entendue dans le cadre de notre propos comme l’ensemble des formalités que le requérant doit accomplir pour saisir valablement les organes compétents et aboutir au prononcé d’une décision de justice. Cette définition qui prend en considération la détermination de l’organe compétent, le respect des délais de saisine et celle de la qualité et de l’intérêt des requérants exclura la définition qui concerne la forme suivant laquelle les procès sont conduits, instruits et jugés.
L’adjectif contentieux attaché à la notion de procédure découle du terme contentieux qui est assimilé à un litige, à un sujet de querelle, un sujet à débat ou à procès.
En matière électorale, le contentieux se rapporte au domaine de l’élection. Election qui s’est imposée comme mode de passation pacifique des pouvoirs ou d’alternance politique apaisée.
D’aucuns affirment que l’utilisation par les acteurs politiques et l’adhésion de ceux-ci à l’idée même de ce mécanisme démontre leur maturité ainsi que celle de la population à l’ancrage de la démocratie comme mode de gestion des affaires publiques. Il permet le contrôle de la régularité de
l’élection par la garantie aux citoyens de l’exercice de leurs droits civiques et politiques et révèle le degré de développement politique de la société.
La classification tenant à l’objet du contentieux distingue le contentieux de la loi électorale, le contentieux des listes électorales, le contentieux de la candidature, le contentieux de la campagne électorale, le contentieux des résultats et le contentieux électoral répressif.
Cette classification a, non seulement l’avantage de couvrir toutes les formes de contestation qui peuvent être soulevées à l’occasion d’un processus électoral, mais aussi, elle permet plus ou moins facilement de déterminer l’instance compétente pour en connaître. Quoique tous ces types de
contentieux cités ci-haut participent à l’appréciation des élections libres et démocratiques, nous ne nous pencherons que sur le contentieux de candidature et celui des résultats dès lors que certains soit ne relèvent pas du juge électoral soit n’ont pas encore été portés devant lui, si bien que leur
étude relèverait du droit prospectif ou du droit théorique qui s’écarte de notre approche pratique et concrète.
Section 2 : les juridictions compétentes en matière des contentieux électoraux
Contrairement à l’époque où les litiges électoraux relevaient des assemblées politiques, il est un principe général que la plupart des Etats placent le contentieux électoral sous le contrôle du juge.
Nous savons qu’il existe trois ordres juridictionnels distincts : l’ordre judiciaire, l’ordre administratif et l’ordre constitutionnel. L’office de ces juridictions en matière électorale s’analyse au demeurant comme un supplément qui se greffe à leurs compétences traditionnelles. Deux critères fondent le partage des domaines de compétence entre les juges en matière électorale : la nature de l’élection et la nature de l’acte.
En se fondant sur le critère de la nature de l’élection, le législateur congolais a confié les contentieux des élections présidentielle et législatives nationales au juge constitutionnel et les contentieux des élections provinciales, urbaines, municipales et locales au juge administratif.
C’est ce que nous allons voir dans les paragraphes suivants pour aider les requérants à éviter les erreurs de saisine.
§ 1. Le juge constitutionnel
Conformément aux articles 161 alinéa 2 de la Constitution, 81 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, 27 et 74 de la loi électorale, c’est la Cour Constitutionnelle qui connaît du contentieux des élections présidentielle et législatives nationales.
Il importe de souligner qu’il s’agit ici du contentieux des candidatures et de celui des résultats ayant trait à ces élections.
Relevons que la Cour Constitutionnelle siégeant comme juge électoral est incompétente pour examiner la requête en inconstitutionnalité de la loi électorale.
En effet, siégeant en matière électorale, la Cour Constitutionnelle est juge non pas de la conformité à la Constitution mais plutôt juge de la régularité du processus électoral.
C’est dans ce sens que s’est prononcé la Cour Suprême de Justice siégeant en matière de contentieux électoral par sa décision dans la cause sous RCDC/ 007/KN du 13 avril 2006 opposant le sieur Bossassi E.B. à la Commission Electorale Indépendante.
§ 2. Le juge administratif
Conformément aux articles 96 alinéa 3 et 104 alinéa 4 de la loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif, 27 et 74 de la loi électorale, la Cour Administrative connaît du contentieux des élections provinciales tandis que le Tribunal Administratif connaît du contentieux des élections urbaines, communales et locales.
Il importe de relever que sur pied des articles 74 point 5 quinquies de la loi électorale, 86 et 96 de la loi organique susvisée sur les juridictions de l’ordre administratif, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en appel, des arrêts rendus au premier degré par les Cours administratives d’Appel, en matière de contentieux des résultats des élections provinciales.
CHAPITRE 2. LES CAUSES D’IRRECEVABILITE DES REQUETES
Comme nous l’avons relevé au chapitre premier, il s’agira ici d’examiner les formalités que le requérant doit accomplir pour saisir valablement les organes compétents.
En matière électorale, l’aboutissement de toute action en contestation ou en restauration du droit reste largement tributaire de l’observance stricte de la procédure.
L’analyse de la jurisprudence électorale, révèle qu’elle est marquée par une forte prépondérance des cas d’irrecevabilité lesquelles sont justifiées par plusieurs causes que nous nous proposons d’analyser dans ce chapitre.
Ces causes sont examinées selon qu’il s’agit du contentieux de candidature ou du contentieux de résultat.
Section 1ère Les causes d’irrecevabilité dans le contentieux de candidature
Il se dégage de la lecture des articles 25 alinéa2, 27 bis et 107 de la loi électorale que la requête en contestation de la décision de la CENI portant publication des listes provisoires des candidats doit répondre, sous peine d’irrecevabilité aux conditions suivantes :
Ø Etre rédigée par un requérant ayant qualité ;
Ø Revêtir les formes prescrites et,
Ø Etre rédigée dans les délais fixés.
A. Du requérant ayant qualité :
Il doit s’agir du candidat dont l’éligibilité est contestée, du parti politique ayant présenté un candidat ou une liste dans la circonscription électorale et de tout candidat se présentant individuellement dans la circonscription électorale ou son mandataire.
a. Du candidat dont l’éligibilité est contestée
S’agissant du candidat dont l’éligibilité est contestée, il doit fournir la preuve qu’il est candidat en annexant à sa requête le récépissé lui remis par la CENI lors du dépôt de sa candidature et la preuve du paiement de la caution exigée.
Faute de ces documents, sa requête sera déclarée irrecevable pour défaut de qualité.
C’est dans ce sens que la Cour Suprême de Justice siégeant en matière de contentieux électoral et la Cour Constitutionnelle ont tranché dans les causes ci-après :
1. RDCC 007/KN du 03/04/2006, Bossassi, B c/ Commission Electorale Indépendante, B.A, N°spécial 2006-2007, pp. 36 à 37.
La requête de sieur Mambeta Pierre a été déclarée irrecevable faute de prouver sa qualité de candidat en ne produisant pas le récépissé lui remis lors du dépôt de sa candidature.
2. RDCC/PR/003 de septembre 2011, Affaire CERECO c/ CENI, B.A, CSJ, Contentieux électoral 2011-2012, p.8
« Est irrecevable pour défaut de qualité, la requête tendant à voir sa candidature être retenue par la CENI et introduite par le requérant qui n’a pas justifié de sa qualité de candidat par la production d’un récépissé constatant le dépôt de sa candidature » ;
3. RDCC/017/024 du 1er octobre 2011, Aff PPPC c/ CENI, B.A, n° spécial 2014, p 16.
« Est irrecevable, la requête en invalidation des candidatures, initiée par un candidat se déclarant président du parti politique alors qu’il n’a versé au dossier aucune preuve de versement du cautionnement ni celle du récépissé de sa candidature ».
4. RDCC 023 du 1er octobre 2011, Aff AFDC c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, B.A n°spécial 2014, p.19.
« Est irrecevable, la requête d’un parti politique tendant au maintien de ses candidats omis de la liste provisoire des candidats députés nationaux lorsque la requérante n’a pas produit au dossier l’accusé de réception de dépôt de candidatures ».
5. RCE 0102/DN du 26 août 2023, Aff. parti politique Action Congolaise par la Tolérance et l’Egalité c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, inédit.
« Est irrecevable la requête d’un parti politique qui n’a pas présenté une liste de candidature à la députation nationale ».
b. Du parti politique ou du regroupement politique
S’agissant du parti politique ou du regroupement politique ayant présenté un candidat ou une liste dans la circonscription électorale, le requérant doit apporter la preuve de sa qualité en produisant le statut original du parti ou du regroupement politique et l’arrêté d’agrément de ce parti aux fins de permettre à la juridiction saisie de vérifier si l’organe qui a agi est habilité à agir valablement au nom du parti politique ou du regroupement politique.
Faute de ces documents, la requête sera déclarée irrecevable.
La Cour Suprême de Justice siégeant en matière de contentieux électoral a décidé dans ce sens dans les causes ci-après :
1. RCDC/DN 053 du 03/09/2011, parti politique Engagement pour la Citoyenneté et le Développement, ECIDE en sigle c/ la Commission Electorale Nationale Indépendante, B.A, CSJ, Contentieux Electoraux 2011-2012 p.5.
« Est irrecevable, le recours tendant à la publication des listes, pour l’élection législative nationale introduit par un parti politique qui n’a pas produit ses statuts pour permettre de vérifier la qualité de la personne qui agit en justice en son nom ».
2. RCDC/DN 071 du 3 septembre 2011, Aff Fonus c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, B.A n° spécial 2014, p.6.
« Est irrecevable pour défaut de qualité, le recours en invalidation d’un candidat introduit par le secrétaire général d’un parti politique qui n’a pas produit ses statuts pour permettre de vérifier la qualité de la personne qui agit en son nom ».
3. RCDC 058 du 1er octobre 2011, Aff parti politique Gardien de la nation pendant l’oppression, GNPO c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, B.A n° spécial 2014.
« Est irrecevable, la requête en contestation de la liste d’un parti politique introduite par son président national qui n’a pas versé au dossier les statuts de son parti politique afin de prouver sa qualité d’agir en son nom »
4. RCDC/DN/KN/054 du 27/02/2007 Aff. la coalition politique des chrétiens, CPC c/ Commission Electorale Nationale Indépendante. Dans cette cause la Cour avait décrété l’irrecevabilité de la requête pour production en annexe de celle-ci d’une photocopie simple d’un document non notarié et sans date, intitulé « acte constitutif de la requérante ».
c. Du candidat indépendant
Concernant le candidat qui s’est présenté individuellement dans la circonscription électorale, il devra également prouver non seulement sa qualité en produisant les mêmes documents que le candidat dont l’éligibilité est contesté mais aussi apporter la preuve que sa candidature a été déposée dans
la circonscription à propos de laquelle il forme sa requête en contestation ; ceci pour éviter qu’un candidat conteste l’élection dans une autre circonscription que celle dont il est en compétition.
Faute de satisfaire à ces exigences, sa requête sera déclarée irrecevable pour défaut de qualité.
Dans ce sens le juge a pris les décisions suivantes :
1. RCDC 020/KN du 13 avril 2006, Aff EHETSHE M.R c/ Commission Electorale Indépendante, B.A, n° 2006-2007, p.10.
« Est irrecevable pour défaut de qualité dans le chef du requérant qui conteste le rejet de sa candidature, étant donné qu’il ne prouve ni avoir fait acte de candidature ni avoir payé la caution légalement exigée »
2. RCDC 030/KN du 13/04/2006, Aff Bokwar Nye Mina Osman c/Commission Electorale Indépendante, B.A n°spécial 2006-2007, p. 12.
« Est irrecevable, pour défaut de qualité dans le chef du requérant…sa requête visant la décision ayant refusé d’enregistrer sa candidature car il n’apporte pas la preuve attestant qu’il a déposé un dossier à la Commission Electorale Indépendante »
d. De l’avocat ou du mandataire
Il va de soi que l’avocat ou le mandataire qui introduit la requête au nom de l’une ou l’autre de ces catégories de requérants, doit en plus des documents que nous avons énumérés plus haut, produire la procuration spéciale en original lui remise par l’un ou l’autre requérant repris à l’article 25
alinéa 2 de la loi électorale sous peine d’irrecevabilité.
C’est dans ce sens que les décisions suivantes ont été rendues :
1. RCDC 014 du 1er octobre 2011, Aff Milolo D c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, BA n° spécial 2014, p. 12
« Est irrecevable la requête d’un candidat indépendant faisant état de l’omission de son nom sur la liste provisoire des candidats retenus à la députation nationale pour défaut de preuve de qualité de l’avocat qui a comparu en son nom sans produire la procuration spéciale à lui établie
par ce dernier ».
2. RCDC 025/DN du 26 août 2023, Aff. regroupement politique alliance des élites au service du peuple et alliés, AESP-A c/ Commission Electorale Nationale Indépendante.
« Est irrecevable la requête faute pour les avocats d’avoir produits la procuration spéciale leur donnant mandat d’agir pour le compte dudit regroupement politique.. ».
3. RCE 0222/DN du 30 août 2023 Aff regroupement politique Alliance pour la Réforme de la République ARR c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, inédit ;
« La procuration produite par les avocats n’ayant ni date ni indication de l’objet…elle est rédigée en termes généraux équivaut à l’absence d’une procuration spéciale. Dès lors la requête est irrecevable pour défaut de qualité dans le chef de l’avocat ».
4. RCE 630/673/920/435/DN du 18/04/2012, Aff Union des forces du changement, UFC en sigle, Alliance des démocrates humanitaires ADH en sigle c/ Commission Electorale Nationale Indépendante.
« Ne peut prétendre agir au nom d’un parti politique, la personne porteuse d’un mandat signé par l’organe statutairement incompétent ».
B. Forme de la requête
L’article 27 bis de la loi électorale dispose que : « La requête en contestation de la liste provisoire de candidature doit être datée et signée par son ou ses auteurs ou, à défaut, par un mandataire. Elle mentionne :
Ø Les noms, prénoms, qualités, demeure ou siège de la partie requérante ;
Ø L’objet de la demande ;
Ø L’inventaire des pièces formant le dossier.
Elle indique les griefs allégués et comporte les éléments de preuve sur lesquels s’appuie la demande ».
Ainsi une requête qui manquerait l’une ou l’autre de ces mentions comme par exemple le défaut d’adresse du requérant, le nom du ou des candidats contestés, les moyens à l’appui de l’invalidation, l’objet de la demande, les griefs allégués, se butera à la sanction de l’irrecevabilité.
La Cour Suprême de Justice siégeant en matière de contentieux électoral et la Cour Constitutionnelle ont décidé dans ce sens dans les causes ci-après :
1. RCE 0222/DN du 30 août 2023, Aff. Regroupement politique Alliance pour la Réforme de la République c/ Commission Electorale Nationale Indépendantes.
« La décision a décrété l’irrecevabilité de la requête car celle-ci ne reprend ni les noms des candidats ni les circonscriptions où les candidatures ont été déposées si bien que la Cour est dans
l’impossibilité de l’examiner. La requête est irrecevable ».
2. RCE 676/DN du 23 avril 2012 Aff le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie, PPRD en sigle c/ Commission Electorale Nationale Indépendante.
« Est irrecevable le recours en invalidation d’une candidature qui est dépourvue d’objet et qui est obscur »
C. Du délai
Afin de répondre aux conditions de célérité qui entourent le processus électoral, l’article 25 bis de la loi électorale a fixé pour le contentieux de candidature aux élections législatives nationales un délai de 5 jours pour contester la décision de la publication de la liste provisoire des candidats. Concernant l’élection présidentielle, l’article 107 de la loi électorale fixe le délai de contestation à 48 heures. La saisine du juge est soumise au respect scrupuleux de ce délai.
Les réclamations tendant à faire rectifier les erreurs survenues dans la confection des listes de candidatures doivent être introduites dans le délai prescrit si non elles sont irrecevables, au motif qu’elles sont prématurées.
De même lorsqu’elles sont introduites après le délai, elles sont aussi irrecevables parce que tardives.
Le non-respect des délais prescrits a été sanctionné par le juge dans les affaires suivantes :
1. RCDC 028/KN du 13 avril 2006, Aff Kapinga M. c/ Commission Electorale Indépendante, B.A, n° spécial 2006-2007, p.14
« Est irrecevable pour cause de tardiveté, le recours introduit hors délai ».
2. RCDC 038/KN du 13 avril 2006 Aff. Pasteur Salomon MP c/ Commission Electorale Nationale Indépendante, B.A, n°spécial 2006-2007, p.16
« Est irrecevable pour cause de tardiveté le recours introduit au-delà du délai légal de recours.
3. RCDC 041/KN du 14 avril 2006, même bulletin p.18
« Est irrecevable pour cause de tardiveté le recours introduit au-delà du délai de recours ».
4. RCDC 030/KN du 13 avril 2006, Aff. Bokwana c/ Commission Electorale Indépendante, B.A n° spécial 2006-2007, p.12.
« Est irrecevable la requête introduite plusieurs jours après la publication des listes ».
5. RCDC 042/KN du 20 avril 2006, même bulletin p.20 Aff. Mwanga m. c/Commission Electorale Indépendante.
« Est irrecevable pour cause de tardiveté, la requête déposée en dehors du délai de 48 heures suivant la publication ou la notification de la décision de la Commission Electorale Indépendante, telle que prévu à l’article 107 de la loi électorale ».
A propos du délai, il sied de relever qu’il est aussi contraignant à l’égard du juge électoral qui ne dispose que des dix jours ouvrables pour rendre sa décision à compter de la date de sa saisine pour les contentieux des listes de candidature.
Au-delà de ce délai, le recours est réputé fondé et la Commission Electorale Nationale Indépendante publie la liste définitive.
C’est ce qui est survenu dans le dernier contentieux de candidature en 2023 où les parties politiques ont introduit des recours contre les arrêts de la Cour Constitutionnelle en rectification des erreurs matérielles.
Tous les arrêts rendus hors délai par cette Cour n’ont pas été pris en compte par la Commission Electorale Nationale Indépendante.
SECTION 2 : LES CAUSES D’IRRECEVABILITE DES REQUETES EN MATIERE DE CONTENTIEUX DES RESULTATS
Après la publication des résultats provisoires des élections par la CENI, la partie qui se sent lésée, peut les contester, mais dans le respect des conditions légales pour que sa requête soit déclarée recevable.
§1. FONDEMENT LEGAL
Il ressort des prescrits de l’article 73 de la loi électorale telle que modifiée à ce jour : « peuvent contester les résultats provisoires de l’élection présidentielle dans un délai de deux jours, pour les élections législatives,
provinciales, urbaines, communales et locales dans un délai de 8 jours après l’annonce par la CENI :
– Le parti politique ou le regroupement politique ayant présenté un candidat ou son mandataire ;
– Le candidat indépendant ou son mandataire ».
L’article 74 de la même loi dispose que la Cour Constitutionnelle est la juridiction compétente pour connaître du contentieux des élections présidentielle et législatives.
Il découle de ces dispositions que le candidat malheureux, le parti politique ou le regroupement politique sont fondés de saisir le juge compétent dans le délai imparti en contestation des résultats des élections publiés par la CENI.
Les causes d’irrecevabilité des requêtes qu’on vient d’examiner dans le contentieux des candidatures sont presque les mêmes que dans le contentieux des résultats ; ils peuvent être regroupées en six points :
– Objet de la requête
– Défaut de qualité ;
– Non-respect de délai de recours ;
– Forme de la requête ;
– Non bis in idem ;
– Obscuri libelli.
2. LES CAUSES D’IRRECEVABILITE
1. OBJET DE LA REQUETE
L’objet d’un procès se situe dans l’avantage qu’une partie attend obtenir d’une action en justice dirigée contre une autre. Pour le déterminer, il faut se référer au contrat judiciaire qui lie les parties et à leurs prétentions. La Cour Suprême de Justice siégeant en matière de contentieux électoral a ainsi jugé : « Est irrecevable, faute d’objet, la requête d’un parti politique contestant les élections législatives lorsqu’elle tend à obtenir l’annulation des élections d’une circonscription électorale où il n’y a pas eu, conformément à l’article 71 al3 de la loi électorale, annonce des résultats provisoires » [RCE 771, CSJ, 21 avril 2012]
2. DEFAUT DE QUALITE
La qualité est définie comme titre légal conférant à un individu le pouvoir de solliciter du juge l’examen de sa prétention. L’irrecevabilité d’une requête pour défaut de qualité a été décrétée dans plusieurs cas :
1° Défaut de production de statut et de l’arrêté d’agrément
Sous RCE 767 en cause le Parti Républicain Chrétien « PARC » contre la CENI, le requérant sollicitait l’annulation du scrutin législatif organisé le 28 novembre 2011 dans la circonscription électorale de Gemena pour diverses irrégularités occasionnées par le candidat KYENUNO présenté par le parti politique KADESO. « La cour avait déclaré irrecevable le recours d’un parti politique sollicitant l’annulation du scrutin législatif introduit par son président national. Dès lors que ce dernier agissant pour le compte de son parti politique n’a pas versé au dossier de la cause les éléments nécessaires
notamment ses statuts et l’arrêté d’agrément mettant ainsi la Cour dans l’impossibilité de vérifier la qualité de l’organe statutaire habilité à la représenter en justice conformément aux articles 73 de la loi électorale et 17 de la loi n°04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement
des partis politiques ».
2° Absence d’une procuration spéciale
« Jugée irrecevable pour défaut de preuve de qualité dans le chef de son représentant, la requête en contestation des résultats provisoires des élections législatives signée au nom d’un parti politique par un Avocat porteur d’une procuration spéciale à lui donnée par le Secrétaire général qui n’a pas
démontré qu’il a préalablement reçu mandat auprès du président national habilité à cet effet conformément à l’article 46 des statuts [ RCE 570/737/DN CSJ du 14/04/2012] »
3° Défaut de qualité dans le chef du candidat présenté sur la liste d’un parti politique
Dans la cause sous RCE 897 opposant Monsieur KAVULA MUZAMA Guy et MVULA Blaise contre la CENI. « Il a été jugé qu’est irrecevable pour défaut de qualité de son signataire, la requête en contestation des résultats des élections introduite par un candidat qui a agi à titre individuel en lieu et place de son parti et ce en violation de l’article 73 al 2 de la loi électorale.
[CSJ. 16 avril 2012] »
3. NON BIS IN IDEM
Dans la cause sous RCE 1031/DN opposant Monsieur NKWAM FORWEL contre la CENI.
« La Cour Suprême de Justice a déclaré : « Est irrecevable pour violation des articles 168 al. 1 de la Constitution, 74 al. 1, in fine de la loi électorale et du principe général du droit non bis in idem, la requête en contestation et rectification des erreurs matérielles contenues dans un arrêt rendu sur appel du demandeur, car les arrêts de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et le réexamen de l’arrêt sollicité équivaut à demander deux fois la même chose [CSJ 28 Septembre 2012] »
4. OBSCURI LIBELLI
Dans la cause sous RCE 892/DN opposant la Ligue des Démocrates Congolais « LIDEC » contre la CENI, la Cour a déclaré irrecevable, la requête d’un parti politique en contestation des résultats des élections lorsqu’elle ne précise pas l’objet de la demande et se borne à rechercher l’annulation pure et simple des élections législatives dans plusieurs circonscriptions électorales pour les griefs non élucidés et qu’il y a obscurité dans son libellé. [CSJ 25 avril 2012]
SECTION 3 : VOIES DE RECOURS
Définition
Selon Serge BRAUDO, Conseiller honoraire à la Cour d’appel de Versailles, on désigne par « voies de recours », l’ensemble des procédures destinées à permettre un nouvel examen de la cause. Soit que la procédure ait été irrégulièrement suivie, soit que le juge n’ait pas tenu compte d’un élément
de fait présenté par la partie, soit que le jugement n’ait pas été motivé ou ait été insuffisamment motivé, soit qu’il contienne une erreur de droit. Elles sont regroupées en deux catégories.
Classification
En droit judiciaire congolais, on distingue les voies de recours ordinaires et les voies de recours extraordinaires. Loin d’épiloguer, sur cette classification connue des praticiens et des apprenants en droit, j’évoquerai la tierce opposition comme voie de recours extraordinaire dans le contentieux
des élections.
Mais avant d’aller plus loin, il sied de rappeler qu’au fil de cycles électoraux en République Démocratique du Congo, la jurisprudence électorale au sujet de la recevabilité de la tierce opposition a connu une évolution en dents de scie.
– Jurisprudence de 2006-2007
La tierce opposition a été admise au titre de voie de recours dans les contentieux électoraux 2006-2007. C’est ainsi que :
1. Sous RCE/DN/KN/372 du 28 février 2007 dans l’affaire KIKAYA BIN KARUBI C/ASSUMANI AMANI,
La Cour Suprême de Justice a jugé que la tierce opposition est ouverte même en matière de contentieux électoral à la personne qui n’a été partie au procès ni personnellement, ni par représentation et qu’elle n’est prohibée que s’il y a véritablement représentation dans l’espèce envisagée.
– Qu’un membre d’un parti politique peut agir en tierce opposition contre une décision résultant d’une instance dans laquelle son parti était partie prenante dès lors que la décision attaquée au lieu de s’arrêter à l’annulation de la liste du parti politique, l’a sanctionné uniquement sans l’avoir invité personnellement à se défendre ;
Car dans ses conditions, il n’a pas été véritablement représenté à l’instance sus rappelée ;
– Que le juge électoral est le juge de l’exactitude et de la sincérité du résultat et non le juge de la légalité ;
Ainsi la tierce opposition est admissible dans le contentieux électoral où la mission de garantir la régularité et la sincérité de l’élection est confiée au juge pour permettre à la personne demeurée étrangère au jugement préjudiciant à ses intérêts de statuer en ayant connaissance de tous les éléments pertinents à lui soumis en vue d’en apprécier la portée quant au résultat de l’élection4.
2. Sous RCE/DN/KN/360 du 23 février 2007, Affaire Pascal KAMBA MANDUNGU C/FORCES NOVATRICES POUR L’UNITE ET LA SOLIDARITE
La Cour Suprême de Justice a jugé que n’est pas fondée, l’exception tirée de l’admissibilité d’une tierce opposition pour violation de l’article 19 alinéas 3 de la Constitution selon lequel le droit d’exercer un recours contre un jugement est garanti à tous et qu’il est exercé dans les conditions fixées par la loi.
En l’espèce, bien que non prévue par la loi électorale, la tierce opposition s’impose à titre exceptionnel dans le contentieux électoral où la mission de garantir la régularité et la sincérité de l’élection est confiée au juge pour lui permettre de statuer en faveur d’une personne étrangère au jugement préjudiciant ses intérêts, en ayant connaissance de tous les éléments pertinents à lui soumis en vue d’en apprécier la portée quant au résultat de l’élection.
– Position de la Cour Suprême de Justice depuis 2009
Le 02 février 2009, les magistrats de la Cour Suprême de Justice et du Parquet Général de la République se sont réunis en assemblée plénière mixte et ont conclu à la nécessité du revirement de la jurisprudence de la Haute Cour relative à la tierce opposition en préconisant le retour à une interprétation plus orthodoxe de la Loi n°06-006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée par la loi n°11-003 du 25 juin 2011 après que les leçons de l’évaluation des contentieux électoraux consécutifs aux élections présidentielle, législatives et provinciales de 2006 aient été tirées.
A ces fins, le Premier Président de la Cour Suprême de Justice a interdit que soient reçus par le juge électoral des actions en tierce opposition dirigées contre des arrêts ou jugements statuant sur des contestations électorales parce que son article 74 ter alinéa 5 garantit le principe du contradictoire en faisant obligation au greffier de notifier la requête en contestation des résultats du scrutin au candidat dont l’élection est contestée, au parti politique ou regroupement politique ayant présenté un candidat ainsi qu’à la Commission Electorale Indépendante.
Il a par conséquent exhorté les juges à veiller scrupuleusement au respect de la contradiction dans le procès électoral et à considérer l’appel comme la seule voie de recours admise par la loi électorale, à l’exclusion de la tierce opposition.
De ce qui précède, de 2009 à ce jour, la défunte Cour Suprême de Justice et la Cour Constitutionnelle siégeant en matière des contentieux électoraux n’ont pas reçu des requêtes formées en tierce opposition contre les arrêts par elles rendus en matière des contentieux électoraux de résultats.
Etant donné que la Cour Constitutionnelle est au service du constitutionnalisme, ne peut-elle pas, pour assurer la protection des droits fondamentaux garantis par la Constitution, recourir à sa fonction de régulation afin de rendre possible la tierce opposition dans le contentieux des élections
présidentielle et législatives nationales ?
En réponse à cette interrogation, nous examinerons la notion du pouvoir régulateur de la Cour Constitutionnelle en droit constitutionnel congolais et en droit comparé.
§1 : Le pouvoir régulateur en droit constitutionnel congolais
En droit constitutionnel congolais, seule la régulation de la vie politique par le Chef de l’Etat est prévue par la Constitution. En effet, l’article 69 dispose : « Le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il représente la nation et il est le symbole de l’unité nationale. Il veille au respect
de la Constitution.
Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux.
Le pouvoir régulateur de la Cour Constitutionnelle n’est pas prévu expressément par la Constitution. Mais dans sa jurisprudence, la Cour Constitutionnelle a usé de son pouvoir régulateur tiré de l’interprétation des divers articles de la Constitution notamment :
– Aux articles 160 alinéa 1 et 162 alinéa 2, la Cour Constitutionnelle contrôle la constitutionnalité des lois et des Règlements ;
– A l’article 161 alinéa 1, elle interprète la Constitution ;
– A l’article 161 alinéa 2, elle est juge du contentieux électoral ;
– A l’article 161 alinéa 3, elle règle les conflits de compétences et d’attributions entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces ;
– A l’article 164, elle est juge des infractions en matière pénale commises par le Président de la République et le Premier Ministre ;
– A l’article 82 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, elle reçoit le serment du Président de la République ;
– A l’article 83 de la loi organique précitée, elle connaît de la déclaration du patrimoine familial du Président de la République et des membres du Gouvernement ;
– A l’article 84 de la même loi organique, elle déclare la vacance de la présidence de la République et la prolongation du délai des élections.
§2 : Le pouvoir régulateur en droit constitutionnel africain comparé
En droit constitutionnel africain comparé, la régulation de la vie politique du juge constitutionnel est reconnue expressément dans la Constitution.
A titre exemplatif:
En République du Congo
– L’article 175 alinéa 3 de la Constitution de 2015 adoptée par voie référendaire le 25 octobre 2015 dispose :
« La Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et des activités des pouvoirs publics ».
En République de Guinée
– L’article 93 alinéas 4 de la Constitution du 7 mai 2010 dispose : « Elle est l’organe régulateur du fonctionnement et des activités des pouvoirs législatifs et exécutif et des autres organes de l’Etat ».
En République du Bénin
– L’article 114 de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 dispose :
La Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».
En République du Cameroun
– L’article 46 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996, portant révision de la Constitution du 02 juin 1972 telle que modifiée et complétée par la loi n°2008/001 du 14 avril 2008 dispose : « Le Conseil constitutionnel est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions ».
En République de Côte d’Ivoire
– L’article 126 de la loi n°2016-886 portant Constitution de la troisième République du 8 novembre 2016 dispose : « Le Conseil Constitutionnel est une juridiction Constitutionnelle.
Il est indépendant et impartial.
Le Conseil constitutionnel est l’organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics. Il est juge du contrôle de l’élection présidentielle et des élections parlementaires ».
Eu égard à ce qui précède, autant en droit congolais, la Cour Constitutionnelle sanctionne ceux des actes des pouvoirs exécutif et législatif qui portent atteinte aux droits fondamentaux et par contrecoup à la Constitution, autant elle peut exercer son pouvoir régulateur pour assurer leur
protection dans le contentieux des élections. En effet, l’article 168 alinéa 1 de la Constitution dispose : « Les arrêts de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux
particuliers ».
L’article 74 de la Loi électorale n°22/029 du 29 juin 2022 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 9 mars 2006 précise quant à elle : « Les arrêts de la Cour Constitutionnelle en matière électorale ne sont susceptibles d’aucun recours ».
Cependant, l’article 61 point 5 de la même Constitution dispose :
« En aucun cas…, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux des droits de la défense et le droit de recours. La locution adverbiale « en aucun cas » employée par le Constituant signifie « jamais, sans aucune acceptabilité ou possibilité ».
Donc, même lorsque des circonstances graves menacent la nation, qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions ou même en cas de déclaration de guerre, de proclamation d’état de siège ou l’état d’urgence, il ne peut être dérogé aux droits de la défense et le droit de recours.
Mais depuis le revirement jurisprudentiel de 2011, la tierce opposition n’est plus admise dans le contentieux des élections comme une voie de recours.
Cette méconnaissance appelle la Cour Constitutionnelle en tant qu’elle est un instrument unique de réalisation et de garantie de l’Etat de droit prévu à l’article 1er de la Constitution de recourir à sa fonction singulière de régulation dans l’architecture institutionnelle de l’Etat afin d’en assurer
l’effectivité.
Ainsi, il serait de bon droit de laisser au candidat, membre de parti politique ou de regroupement politique la faculté de se pourvoir en tierce opposition pour faire obstacle aux effets d’une décision judiciaire à laquelle il n’a été partie à l’instance, ni personnellement, ni par représentation
préjudiciant ainsi à ses intérêts.
CONCLUSION
Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et Magistrat Suprême, avec l’expression de mes hommages renouvelés ;
Honorables, Excellences, Mesdames et Messieurs, en vos titres et qualités respectifs. Tout protocole observé.
Je ne peux clore mon propos de ce jour, sans rappeler qu’il a porté sur les causes d’irrecevabilités des requêtes en matière de contentieux électoral, spécialement ceux des candidatures et des résultats des élections présidentielle et législatives nationales.
Dans le chapitre premier, j’ai esquissé la définition des notions essentielles liées à notre sujet avant de déterminer les juridictions compétentes en matière des contentieux électoraux.
Le second chapitre m’a permis d’examiner les causes d’irrecevabilité des requêtes en matière de contentieux des candidature et en matière de contentieux des résultats relativement aux élections présidentielle et législatives nationales que j’ai appuyées de quelques cas de jurisprudence et
j’ai posé la problématique de la tierce opposition en matière électorale en proposant que nonobstant l’état de la jurisprudence actuelle sur la question, la Cour Constitutionnelle ferait œuvre utile en l’admettant exceptionnellement lorsque les droits civils et politiques fondamentaux d’un tiers non appelé à une cause sont violés.
La trame ou ligne générale de notre étude a été de souligner qu’en matière électorale, l’aboutissement de toute action en contestation ou en restauration du droit reste largement tributaire de l’observance stricte de la procédure.
Pour le Président de la République, je requiers qu’il plaise à la Cour Constitutionnelle de déclarer qu’elle reprend ses travaux.
Je vous remercie.
Fait à Kinshasa, le 21 octobre 2023
LE PROCUREUR GENERAL PRES
LA COUR CONSTITUTIONNELLE
MUKOLO NKOKESHA Jean-Paul