Premier Président de la plus haute juridiction du pays spécialisé dans le contentieux administratif, Marthe Odio a explicité, hier lundi 30 octobre 2023, en marge de la rentrée judiciaire, sa vision pour l’exercice 2023-2024 ouvert en présence du Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi. Plaçant le cap vers la contribution du Conseil d’Etat à la consolidation de l’Etat de droit dans le traitement des litiges relatifs au patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat, elle justifie ce choix par le souci de lutter contre la spoliation des biens immobiliers de l’Etat.
« Le choix de ce sujet s’inscrit dans la logique imprimée par Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et Magistrat suprême, dans sa volonté de lutter contre la spoliation des biens immobiliers de l’Etat, qu’il a matérialisée par l’ordonnance numéro 22/077 du 27 juin 2022 portant création, organisation et fonctionnement au sein du Cabinet du Président de la République d’un service spécialisé dénommé Agence Nationale pour la Protection du Patrimoine Immobilier de l’Etat, ‘’AN-PPIE’’ en sigle », déclarait-elle, dans son allocution.
Pour elle, « la contribution du Conseil d’Etat à la consolidation de l’Etat de droit en République Démocratique du Congo, dans le traitement des litiges relatifs à la gestion du patrimoine du domaine privé de l’Etat, lui permet d’apporter sa pierre à l’édifice, en veillant à la conformité à la loi, des actes pris par l’Administration, en évitant par ce fait, toute sorte d’antivaleur, en promouvant par ses avis consultatifs, la bonne gouvernance, et en préservant ledit patrimoine contre toute spoliation ».
Consacrant une partie de son intervention à dégager les diverses causes du contentieux des actes des autorités administratives dans la gestion du patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat, Marthe Odio préconise que l’idéal serait de veiller scrupuleusement au strict respect des dispositions légales régissant la matière.
A cet effet, elle a proposé la mise en œuvre des recommandations suivantes : « L’Administration ne doit plus laisser les spoliateurs agir impunément. En effet, plutôt que d’intervenir hâtivement sans trop d’égard à la loi, avec tout le risque d’être mise au banc des accusés pour l’illégalité de ses actes administratifs, et venir présenter ses moyens en défense, la République peut agir en amont, en sollicitant des conseils avisés, bien avant de prendre ses décisions administratives. C’est ici le lieu de rappeler, toute la disponibilité du Conseil d’Etat, dans sa section consultative, à donner ses avis consultatifs à l’Administration, pour tout projet de texte, comme je l’avais mentionné dans mon discours prononcé à l’occasion de la rentrée judiciaire 2022-2023 ; L’Administration peut également intenter des actions en justice. Il est vrai que l’Etat peut retirer un acte administratif pris en vertu du principe de l’acte contraire. Mais, il est tout aussi vrai qu’il peut commettre une faute préjudiciable à ses administrés, si son précédent acte administratif a déjà produit ses effets et dans la mesure où il y’ a déjà des droits acquis ».
Et de renchérir : « Face aux spoliateurs détenteurs des certificats d’enregistrement ou titulaires des contrats de location, la République devra éviter de procéder par des décisions administratives en violation de la loi. Il lui revient d’engager des procédures judiciaires notamment : – en rescision des différentes ventes pour cause de lésion, s’il est prouvé que la République a subi un préjudice à la suite d’une disproportion entre les prix d’acquisition de ses immeubles et leur vraie valeur vénale, c’est-à-dire en réduction des engagements lésionnaires. – en annulation pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative compétente ; et même – en matière pénale, notamment en cas de faux et/ou usage de faux…etc. ; L’établissement d’un fichier unique et l’obtention des titres immobiliers. Dans la mesure du possible, il y a lieu de créer un fichier unique sécurisé, reprenant tous les immeubles du domaine privé de l’Etat, et d’obtenir des titres pour ces immeubles en vue de prévenir le fléau de spoliation ; La collaboration entre différents ministères, afin d’éviter toute éventuelle contrariété des décisions ; – La sanction pour tous les cadres et agents qui seraient impliqués dans la dérive de la spoliation du patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat ; Le respect des attributions et compétences de toutes les autorités intervenant dans le domaine du patrimoine immobilier du domaine privé de l’Etat ; et cela, conformément à l’ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des ministères ».
La Pros.