Né en 1818 dans une famille pauvre de Trèves, en Allemagne, Karl Marx (1818-1883) est l’un des auteurs les plus cités et les moins lus. Il n’est pas rare d’entendre que Karl Marx était un bourgeois qui écrivait sur le prolétariat. Cette idée fausse n’est pas la seule qui affecte Marx. Parfois, cela vient des personnes apparemment bien instruites. Le film Young Karl Marx (2017), réalisé par Raoul Peck, raconte l’histoire de Karl Marx avant qu’il ne devienne le Marx que nous connaissons. Karl Marx a eu une vie très difficile à Londres. Il était constamment menacé d’expulsion parce qu’il avait du mal à payer son loyer. Il risquait à tout moment de se retrouver, lui et sa famille, à la rue. Il a vécu une situation financière très difficile. Deux de ses enfants sont morts de froid. Il n’y avait pas de chauffage. Il a sacrifié sa vie pour la libération de l’humanité. L’un de ses biographes les plus célèbres, Franz Mehring (2010), écrit :
Parmi les génies du XIXe siècle, aucun n’a souffert plus que le plus grand de tous les génies, Karl Marx. Il a dû lutter contre la pauvreté dès la première décennie de son activité publique, et lorsqu’il a émigré à Londres, il a dû supporter tous les fardeaux de l’exile. Cependant, les souffrances qui ont fait de son sort un destin prométhéen ne lui sont arrivées qu’à l’apogée de sa force, lorsque, dans ses efforts laborieux pour faire avancer la cause de l’humanité, il a été contraint de lutter jour après jour contre les soucis misérables et triviaux de la vie, de lutter avec acharnement pour obtenir les moyens de subsistance nécessaires pour lui et sa famille dans le cadre de la société bourgeoise (p.226) Marx a survécu grâce à deux amours: celui de son épouse Jenny Marx, née Johanna Bertha Julie von Westphalen (1814-1881) ; elle appartenait à la noblesse prussienne. Cependant, elle a dû sacrifier nombre de ses avantages pour le bien de son bien-aimé, Marx, qui se situait à la frontière entre un vagabond et un révolutionnaire. La famille de Jenny était contre ce mariage, mais elle l’aimait si passionnément qu’elle sacrifia sa vie aristocratique pour lui. Jenny a dû vendre ses bijoux plusieurs fois pour survivre avec Marx et les enfants. Elle a utilisé son héritage pour subvenir aux besoins de sa famille. Son frère fut également pendant un certain temps ministre prussien. Cependant, selon sa famille, Jenny a fait un mauvais choix. Jenny a également aidé à traduire les écrits de Marx en bon allemand. Elle était très présente au travail de son mari. Le deuxième amour qui a fait de Marx ce qu’il est aujourd’hui est son amour pour Engels (1820-1895). Marx et Engels n’étaient pas seulement des intellectuels, mais aussi des amis culinaires. Engels envoyait souvent de l’argent à Marx pour l’empêcher de vivre dans la rue. Engels était le fils d’un entrepreneur qui possédait une filature de coton à Manchester. Engels a envoyé une partie de la pension que son père lui avait versée à la famille Marx. Après la mort de son père, Engels devint président de l’usine familiale et envoya désormais régulièrement des chèques (mandats) à la famille Marx, qui put enfin pousser un soupir de soulagement. Marx a enfin pu boire un peu du vin qu’il aimait. À l’amour entre ces deux-là, il faut aussi ajouter son amour pour ses enfants. Les filles de Marx étaient très intelligentes. L’un de ses gendres, Lafargue, appartient à une lignée de descendants intellectuels de Marx. Intellectuellement, Marx s’est d’abord concentré sur la philosophie présocratique. Parce qu’il a compris très tôt que la philosophie représente la possibilité d’une critique radicale du monde tel qu’il est. Il choisit de commencer par les peuples présocratiques qui déclaraient que le monde était inexorablement divisé en genos communautaire et en démos marchand. L’ancien monde des communautés d’êtres a été remplacé par le monde social de l’avoir (Cousin 2010). La philosophie est née comme une réflexion sur cette division. Les Pré-Socrates sont donc les griots qui ont fait prendre conscience au monde de la séparation inévitable de ces deux mondes dès le Néolithique. Marx a écrit son doctorat sur une comparaison entre Démocrite et Épicure. Mais peu après, il fut confronté à la grande figure de son temps, Hegel. Dans la Prusse du XIXe siècle, les gens étaient intellectuellement soit pour, soit contre Hegel. L’héritage de Hegel était tel que chaque intellectuel devait prendre une décision à ce sujet. Hegel a renversé la Symphonie de Kant, qui était en réalité une apologie de l’ordre mondial bourgeois. La Révolution française de 1789 a fourni à Hegel un argument pour rompre avec l’idéalisation kantienne de la bourgeoisie marchande. Hegel renverse Kant, mais toujours de manière politique, car il atteint l’État rationel. Pour Marx, Hegel a trahi sa méthode. Marx a mené la lutte des classes en poursuivant la méthode hégélienne au lieu d’un État rationnel. Le véritable sujet de l’histoire, de l’histoire dialectique de Hegel, c’est le prolétariat luttant pour sa libération et non l’État rationnel (Manuscrit de 1944). Le communisme n’est pas une continuation des révolutions léniniste, trotskyste, bolchevique, stalinienne ou maoïste. C’est du capitalisme d’État qui n’a rien à voir avec les idées de Marx. C’est pourquoi Marx a dit à la fin de sa vie : « Je ne suis pas marxiste »Tous les marxistes sont anti-Marx. Le marxisme est une symphonie dans laquelle le capital dilue les idées de Marx. Quelle est cette idée de Marx ? Marx lui-même a défini le communisme dans son livre, L’Idéologie allemande (1845-1846), comme le véritable mouvement contre le capitalisme. Ce n’est ni utopique ni anhistorique.
Le communisme est tout mouvement dans nos vies concrètes qui lutte contre le capitalisme, car ce dernier détruit nos vies, nos rêves, notre sexualité, notre joie. Le communisme cherche un monde qui ne soit plus gouverné par des propriétaires. Les trois principes du communisme peuvent être résumés comme suit : 1. Nous ne pouvons pas accepter que le monde des travailleurs soit sous le contrôle des propriétaires d’un capital extrêmement limité. Les propriétaires deviennent de moins en moins nombreux et de plus en plus riches, et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Considérant le niveau local en République démocratique du Congo, le revenu moyen des ministres est de 9 000 dollars et celui des enseignants du secondaire de 150 dollars, il est inacceptable que des ministres et des parlementaires gagnent 60 fois plus que les enseignants. Positivement, le communisme permettra d’organiser la production au Congo, comme ailleurs, de telle manière que les effets de la subordination de la majorité à une petite élite au pouvoir ou à un petit groupe de politiciens ne se produisent pas. Au Congo, 1 pourcent d’individus font la politique, mais utilisent au moins 66 % des ressources du pays. 2. Le communisme soutient qu’il n’est pas nécessaire de diviser radicalement le travail en travail manuel et mental, ou en tâches administratives ou exécutives. Les métiers doivent être polymorphes et chacun doit pouvoir passer d’un métier à l’autre. 3. Aucun État n’est nécessaire. L’organisation de la société doit être prise en charge par les mouvements locaux. Nous pouvons organiser la société de manière à ce que chacun bénéficie de la production de chacun. Si nous étions bien organisés, chaque Congolais de 18 ans pourrait gagner un salaire mensuel de 1500 dollars, indépendamment de ce qu’il fait. Les États qui piétinent leur peuple, comme l’État congolais, devraient être abolis et remplacés par des organisations plus appropriées qui répondent aux souhaits fondamentaux de tous : bien
manger, être se faire soigner en cas de maladie et avoir la possibilité d’envoyer ses enfants dans des bonnes écoles et mourir paisiblement de leur vieillesse. Le monopole de la violence dont est investi l’État congolais doit le lui être retiré à travers des soulèvements populaires qui permettent de changer le paradigme de gouvernance en plaçant la majorité congolaise au centre de la production en tant que sujets et bénéficiaires sociaux. Nous avons hérité d’un paradis appelé Congo. Le Congo attend nos efforts pour faire de ce paradis qui a déjà du potentiel, une réalité.