Sa bougie vient de s’éteindre, mais jamais ‘’Son Œuvre.’’
Les hommes de science, les sommités de la littérature, les artistes, les talents sportifs renommés, en bref ces élus quittent tout aussi bien ce monde comme le reste d’entre nous, ‘’le commun des mortels.’’ Seulement, si ‘’eux’’ aussi nous ‘’meurent’’ physiquement, le fruit de leur talent, la contribution à la science et à l’art, tout court, font de ces érudits, des ‘’immortels’’ dont l’œuvre, l’histoire et le degré de mystification atteinte parleront toujours d’eux et de leur contribution à la science, à la littérature, à l’art et au sport éternellement. Professeur Valentin-Yves Mudimbe (8/12/1941-22/04/2025) est l’un de ces talents du monde scientifique dont le monde académique parlera toujours.
Son passage à l’Université Nationale du Zaïre (UNAZA), Campus de Lubumbashi, Faculté des Lettres des années 70 fut marqué par le refus d’un scientiste qui lutta, tant qu’il le put et de manière ingénieuse, à ne pas ‘’s’imbiber’’ de manière ouverte de ‘’ la pensée, les enseignements et les actes du président-fondateur du MPR’’ tous confinés dans le Mobutisme.
Il porta ou presque pas ‘’l’Abas-Cost’’, la tenue officielle de ’’l’Authenticité’’, le pouvoir incontesté de l’époque ; tenue qu’il échangea constamment et simplement par des chemises blanches sans cravates qui furent aussi interdites.
Le Professeur Mudimbe est peut-être l’unique et le seul scientiste Congolais à refuser ouvertement de devenir ‘’Membre du Comité Central ;’’cette institution politique crée à tout vent d’infernal politique que Mobutu utilisa pour ‘’faire taire’’ ses ennemis politiques une fois après avoir prêté serment ‘’Je jure fidélité au Président-Fondateur…’’ cette prison politique de l’époque à laquelle Mudimbe ne crut jamais.
C’est d’ailleurs la raison majeure qui le poussa à l’exil, car une semaine après être nommé ‘’Membre du Comité Central’’, Mudimbe devint introuvable dans les auditoires de l’Université, sa vraie résidence. Une semaine après, le monde académique lu Campus de Lubumbshi fut informé de l’exil du ‘’Savant.’’ Je me souviendrai toujours de Zola, un ami de l’auditoire qui versa des larmes chaudes après avoir entendu la nouvelle de l’exil du Professeur. ‘’Nous venons de perdre notre savant…à cause de Mobutu avec sa politique de faire taire nos professeurs…’’ se lamenta-t-il, des larmes chaudes dégoulinant de ses yeux.
1979, le déclin du Grand Zaïre se pointe à l’horizon. La Compagnie aérienne Air Zaïre ne dispose plus que de deux DC 10 fiables. Ces deux possessions furent toujours à la portée présidentielles qui, tantôt, c’est le président qui est en voyage, tantôt l’un des appareils est réquisitionné par la famille Mobutu pour aller faire des achats à l’étranger ; laissant tout un pays par terre.
Le professeur Mudimbe se présenta, une fois, dans l’auditoire, avec une nouvelle appellation de la Compagnie. A la place de ‘’Air Zaïre’’, il vint avec ‘’Air peut-être’’ compte tenu des annulations des vols réguliers :
– Le Président est en voyage
– L’autre appareil est réquisitionné par la famille présidentielle. Ceci justifie l’annulation du vol.
L’appellation ‘’Air peut-être’’ arriva jusqu’aux oreilles du Maréchal-Président incontesté du Zaïre comparant les Zaïrois aux ‘’sous-vêtements’’ du Roi Léopold II. L’année de passa pas. L’on apprend que le Savant Mudimbe est nommé ‘’Membre du Comité Central…qu’il devra prêter son serment dans deux semaines…’’ Après, notre Professeur qui fit la fierté du campus de Lubumbashi, l’ami du professeur Léon de Saint Moulin, devint un exilé. Quelle perte !!!
Le monde estudiantin est un milieu des bavards. Une critique de mauvais gout arriva, une fois, aux oreilles du Professeur Mudimbe. Cette critique fit allusion à l’apparence physique de sa femme, un autre grand professeur de la Faculté des lettres mais que certains étudiants n’apprécièrent pas la beauté physique. La critique, ou plus tôt l’injure arriva aux oreilles du Grand Professeur.
Arrivé un matin dans l’auditoire il vomit ce qui suit : ‘’Derrière cette carcasse du Créateur se cache un savant. Je ne suis pas marié à une femme, j’ai épousé la science…’’ Depuis ce jour, les langues maléfiques devinrent des ‘’applaudisseurs’’ de celle qui devint la ‘’Reine Mudimbe.’’
Mon interaction personnelle avec le Professeur Mudimbe demeure inoubliable. Il fut mon Professeur de Littérature Africaine (Ier Graduat) et l’Histoire politique du Zaïre (2ieme Graduat). Je me présentai devant l’auditoire pour défendre mon Travail pratique (TP) sur l’Etat Indépendant du Congo (EIC) de Léopold II, le Souverain Belge. ‘’Le Roi Léopold II disposait du Congo comme sa voiture… C’était son bien privé…’’ A la fin de mon exposé, Professeur Mudimbe me dit ceci : ‘’Mr. Ndidila, comparer l’EIC à une voiture appartenant au Roi Léopold II ne donne vraiment pas l’image réelle du ‘’Bien matériel’’ que posséda le Roi. Quelqu’un d’autre peut conduire la voiture du Roi. L’EIC, par contre, fut la possession que seul le Roi contrôla la destinée. Toi et moi, à cette époque, avions notre Dieu : Léopold II. A l’avenir, à la place de la voiture, fais plus tôt usage de tes sous-vêtements dont tu es le seul à contrôler le DESTIN’’.
Je lui présentai un jour, un travail pratique qu’il apprécia mais qui fut mal édité.
‘’Mr. Ndidila, tu es un bon écrivain. Tes travaux sont riches en profondeur. Mais tu dois travailler sur la correction. Après avoir rédigé, laisser la phrase se refroidir. Apres, appliques des yeux inquisiteurs te compostant comme si le texte ne t’appartient pas. Ajouter, mais souvent effacer. Sois méchant envers toi-même. A la fin, tu auras un texte plus beau que notre pays…’’.
Depuis ce jour, je garde une marque indélébile du Savant Valentin-Yves Mudimbe. Je lui rendis visite, une fois, à Duke University dans la cité de Durham, une distance de pas plus de 30 KM (25 Miles) de Raleigh. Ce jour, j’eu la certitude que ‘’Nul n’est prophète chez lui…’’ Quand je compare son bureau modeste à la faculté des Lettres au campus de Lubumbashi à son imposant bureau à Duke University ; des ouvrages impressionnant ‘’décorant’’ les rayons. Le téléphone de son bureau sonnant chaque minute. Des rendez-vous, de heures de conférences à confirmer, des étudiants doctorants avec leurs manuscrits… Un homme important, un professeur à la disposition de ses étudiants… un serviteur, un professeur effacé dont la présence physique, l’apparence qui fit peur, tout cela n’exhibant que la science.
Le professeur Valentin-Yves MUDIMBE s’est atteint. Son souvenir demeure vivant dans la tête de son étudiant que je fus
Raleigh, Caroline du Nord
22 avril 2025