Paul Kabongo Fuila Malengela :
* » N’importe quelle idéologie, projet de société, valeurs et programmes, peuvent changer pour s’adapter à l’évolution du monde dans lequel on vit. Rien ne peut rester figer pendant plus de 30 ans ! Il faut s’adapter Corneille ! Ton message te rend suranné, d’une autre époque ! Tu ne peux pas t’exclure de la scène politique de ton pays, pour un si grand homme, pour une croyance qui ne tient pas debout ! Tu sembles conduire en regardant toujours dans ton rétroviseur ! On a besoin de toi ! ».
Corneille MULUMBA
Kinshasa, le26 juillet 2021 :
Salutations fraternelles de Kinshasa à toi, Paul Kabongo Fuila Malengela.
Et merci beaucoup pour ta réaction spontanée et franche à cette photo où l’on me voit descendant les marches du Palais du Peuple de Kinshasa en compagnie du Doyen Joseph Ngalula Mpandanjila, l’un des fondateurs de l’UDPS, et de l’ambassadeur Mandi. Je suis sincèrement touché par ta sollicitude et ton empathie.
Non, mon cher Paul, contrairement à ce que tu penses, je ne parle nullement idéologie, ni projet de société en soi. Il se fait simplement que J’ai eu le temps, tout au long de notre combat politique, de m’interroger sur certaines contradictions et aberrations concernant ce que nous vivons dans notre pays et de me faire une idée plus ou moins précise de ce que nous devrions faire pour nous en sortir. J’ai abondamment médité sur la raison de la persistance de la misère dans laquelle croupissent de manière chronique plus de 80 % de mes concitoyens ; alors que notre pays dispose de potentialités considérables.
Et pour prendre l’exemple de ce que tu ne connais que trop bien pour avoir été PAD (Président Administrateur Délégué) de la MIBA, l’une des plus grandes entreprises de notre pays, je me suis notamment interrogé : Pourquoi, dans la ville de Mbuji-Mayi, réputée capitale mondiale du diamant industriel, nos parents manquent d’eau potable et d’électricité ; alors que des entrailles de cette terre, qui est la nôtre, l’on a extrait des tonnes et des tonnes de diamant qui ont enrichi et construit ailleurs. Qu’est-ce qui explique que la Miba est quasiment à l’arrêt, alors que le sous-sol du Grand-Kasaï regorge de réserves encore intactes de minerais précieux divers : diamant détritique, or, fer, nickel, chrome, cuivre, cobalt, etc.
Ce paradoxe hante mon esprit depuis ma jeunesse. C’est pour cela que je me suis associé à d’autres patriotes des quatre coins de notre pays pour donner corps à ce projet politique combien noble qu’est l’UDPS.
Voilà, mon cher Paul, le sens de mon combat politique. Si j’avais choisi la voie bien plus facile et plus agréable de la jouissance personnelle, les choses auraient été tout autres pour moi, et je ne serais certainement pas en train de mener la vie que je mène aujourd’hui. J’ai, en effet, eu beaucoup d’opportunités que j’avais déclinées afin de permettre à notre combat de triompher : ce combat pour les droits de l’homme et l’Etat de droit pendant qu’une dictature féroce faisait rage, le triomphe de la démocratie, l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, et l’érection d’un grand Congo au cœur de l’Afrique. Rappelle-toi que j’ai été représentant plénipotentiaire de l’UDPS pour l’Europe durant de nombreuse années et que ceux qui ambitionnaient, et ambitionnent encore et toujours d’exercer leur hégémonie sur notre pays me promettaient un avenir brillant si j’acceptais de « collaborer » avec eux ; c-à-d, d’être leur marionnette. Dans mon esprit, en effet, il n’y a pas de réel plaisir à vivre individuellement dans l’opulence et de regarder de haut la misère grouiller autour de soi. Je suis pour ma part convaincu qu’en gérant avec plus de rigueur et dans un esprit de solidarité notre pays, nous pouvons obtenir des résultats profitables à un plus grand nombre de nos concitoyens. Voilà l’ambition qui a été la nôtre en créant l’UDPS. Cela a exigé de nous beaucoup de sacrifices et de privations. Et nous l’avons accepté et nous en avons payé le prix.
Nous avons été crédibles parce que nous y avons investi de notre propre personne. Nous avons inspiré confiance et des millions de Congolais nous ont suivis. Beaucoup d’entre eux ont aussi accepté de payer le prix. C’est cela qui explique que l’UDPS tienne bon depuis 1980, année de la publication de la « Lettre Ouverte des Treize Parlementaires au Maréchal Mobutu »
C’est en cela que l’UDPS n’est pas un parti comme les autres. Ce parti s’est bâti dans le sang, les tortures morales et physiques, des sacrifices et des privations pour des centaines de milliers des Congolais aux quatre coins de notre pays.
Dès lors, mon cher Paul, nous les survivants, nous avons le devoir de maintenir cette flamme de l’espoir allumée et de pérenniser ce rêve d’un Congo où il fait bon vivre pour tous ; rêve que nous pourrions facilement matérialiser avec un peu de bonne volonté, de patriotisme, et de solidarité. Nous, les Pionniers, perdrions toute dignité en devenant, nous aussi, des simples jouisseurs, à la quête du gain facile, ou en acceptant de trahir les intérêts supérieurs du Congo en servant les intérêts de l’étranger au détriment de ceux de la mère-patrie. Est-ce cela l’idéologie dont tu parles ?
Si ceux qui dirigent le pays aujourd’hui, bien qu’issus des rangs de notre parti, foulent aux pieds notre combat et ignorent délibérément nos sacrifices, s’ils ont décidé de nous affamer pour mieux nous subjuguer, nous les Pionniers de ce combat de l’UDPS, c’est leur problème, pas le mien. Les cris de nos martyrs, les pleurs de nos veuves et orphelins hanteront toujours leur conscience.
Le bon sens aurait voulu, au-lendemain de l’accession à la Magistrature suprême d’un fils UDPS, que l’on batte le rappel des troupes, que l’on taise tous les conflits internes, que l’on se pardonne mutuellement en vue de mobiliser toutes les intelligences et toutes les énergies pour soutenir sa mandature, dans l’intérêt supérieur de notre peuple et pour faire honneur à nos martyrs. Il aurait fallu convoquer rapidement un Congrès de Refondation en vue de restructurer le parti, le doter d’un Bureau politique représentatif, compétent, et à la hauteur des enjeux, d’un organe délibérant à même de contrôler l’action de l’Exécutif, des Bureaux d’études, etc. Le Secrétaire National en charge de l’Organisation aurait dû faire le tour du pays pour redynamiser nos fédérations, sections, et cellules afin que nous puissions nous donner la chance de recueillir un plus grand nombre d’élus aux prochaines échéances électorales et ainsi pouvoir influer davantage sur la politique nationale.
Au lieu de cela, nous les voyons s’appuyer sur les puissances étrangères et croire naïvement qu’elles vont les maintenir au pouvoir. L’expérience nous apprend au contraire que, généralement, elles vont de chantage en chantage pour que vous soyez contraints de leur donner tout ce qu’ils veulent. Et quand vous leur aurez tout concédé : Banque Centrale, postes clés du Gouvernement, Assemblée Nationale, Sénat, la direction des plus importantes entreprises de votre pays, quand elles auront fini de vous faire jouer le mauvais rôle contre votre pays et ses institutions, de vous faire anéantir votre parti, quand elles ont fini de vous presser comme un citron, alors elles vous jettent à la poubelle comme du papier hygiénique, sans le moindre scrupule ; car, en réalité, vous ne valez pas davantage à leurs yeux. Ces puissances étrangères ont leurs propres marionnettes à installer au pouvoir après que vous ayez déblayé le terrain pour elles. C’est cela la triste réalité et l’amère expérience faite par des dirigeants naïfs dans plusieurs pays en Afrique, en Amérique latine, et en Asie notamment. Cyniques jusqu’au bout des ongles, ce sont ces grandes puissances elles-mêmes qui vont vous livrer en pâturage à votre peuple après qu’elles vous aient empêché d’une manière subtile de prendre des mesures économiques et sociales susceptibles de vous faire aimer de vos concitoyens. En effet, qui pourra se battre pour vous dans votre pays ; puisque tout le monde est désormais monté contre vous ? Même votre parti, comment pourrait-il vous soutenir encore puisque vous aurez trahi son combat et réduit à néant ; puisque vous aurez considéré ceux qui l’ont mis au monde et porté à bout de bras pour des moins que rien. Le parti sera dans l’obligation de se trouver un autre porte-flambeau pour porter ses espoirs, maintenir le cap sur les objectifs, et continuer à défendre ses valeurs.
Non, mon frère Paul, je n’avance pas du tout en regardant dans le rétroviseur. Au contraire, je regarde bien devant moi, regard fixé sur nos objectifs, et conscients de nos responsabilités. Je jette néanmoins de temps en temps un regard furtif dans le rétroviseur juste pour m’éviter de commettre les mêmes erreurs que par le passé.
Un combat politique a généralement un sens : l’enrichissement individuel pour les uns, le pouvoir pour le pouvoir pour d’autres, et l’amélioration des conditions de vie de leurs concitoyens pour d’autres encore. C’est ce dernier combat que je mène depuis plus d’une quarantaine d’années, mon frère Paul. C’est pourquoi je me joindrai toujours à tous ceux qui le mènent ou entendent le mener, quel que soit le coin de notre pays d’où ils proviennent, quelle que soit l’importance de leurs richesses matérielles. C’est pour la même raison que je ne puis soutenir des politiques qui vont à l’encontre des intérêts supérieurs de notre pays et de notre peuple ; quelles que soient les personnes qui les mènent. Ce sont les actes que nous devons juger et apprécier ; pas les individus. Dans notre langue on dit : « Ku tshinu kwikala muimpa… ».
A plus !
Corneille Mulumba
Membre co-fondateur de l’UDPS