(Par Nancy Ngalula, La Cour Suprême 243)
“On arrive à de telles extrémités à force de méfiance envers nos compatriotes,
au bout de la colonisation intériorisée.” — Tatu Modeste
Le vrai drame n’est plus l’occupation étrangère.
Notre mal le plus profond n’est plus la colonisation venue d’ailleurs, mais celle que nous avons installée dans nos têtes. Nous avons fini par croire que tout ce qui vient de l’extérieur est supérieur, et tout ce qui vient de chez nous est douteux.
Résultat : au lieu de nous faire confiance, nous continuons à chercher l’approbation, la validation et même la direction d’autrui.
Quand un Congolais propose une idée, on le soupçonne. Quand un étranger dit la même chose, on applaudit. C’est ainsi que le pays s’appauvrit non pas faute
d’intelligence, mais faute de confiance en sa propre intelligence.
Les élites complices d’un système mental
Nos dirigeants, nos cadres et nos intellectuels reproduisent sans le vouloir les schémas du colon. Ils ont remplacé le fouet par le contrat, la mission
civilisatrice par le lobbying. Et souvent, par peur de l’échec ou par orgueil, ils
préfèrent confier nos affaires à des étrangers plutôt qu’à leurs propres compatriotes.
Dernier exemple en date : l’engagement d’une ancienne ministre française pour organiser un deal stratégique entre la RDC et les Etats-Unis.
N’y a-t-il donc aucun Congolais, aucun expert, aucune tête pensante dans la diaspora capable de remplir ce rôle ?
Non, il ne s’agit pas de rejet de l’autre, mais de réappropriation de notre destin.
Le problème, c’est nous.
Nous crions contre l’injustice du monde, mais nous restons spectateurs de nos propres drames. Nous voulons que les étrangers respectent le Congo, alors que nous sommes les premiers à mépriser nos talents, nos langues, nos savoir-faire.
Nous voulons une économie forte, mais nous détruisons les rares initiatives locales avant même qu’elles n’aient le temps d’exister.
La colonisation a changé de visage : elle parle notre langue, porte nos habits et siège dans nos ministères. C’est une colonisation intérieure, subtile, mentale,
qui nous pousse à douter de tout ce qui est congolais — sauf quand cela vient de l’étranger.
Une nouvelle indépendance à conquérir
L’indépendance du Congo ne se mesurera plus aux frontières ni aux discours officiels. Elle se mesurera à notre capacité à croire en nous-mêmes, à former nos jeunes, à soutenir nos propres entreprises, à écouter nos chercheurs, nos ingénieurs, nos penseurs, nos femmes, nos artistes, nos diasporas.
Le jour où un Congolais respectera le talent d’un autre Congolais avec la même admiration qu’il accorde à un étranger, alors la vraie libération commencera.
Conclusion
Il est temps de secouer nos consciences.
De cesser d’être le peuple qui attend que d’autres lui disent quoi faire.
L’histoire du Congo doit s’écrire par les Congolais, pour les Congolais, avec la contribution de tous ceux qui croient encore en ce pays.
Car la plus grande richesse du Congo, ce ne sont pas ses minerais…
C’est son peuple — à condition qu’il se réveille.
