(Par Professeur Florent Gabati)
Il ne faut pas être un érudit de première catégorie pour comprendre que la situation catastrophique actuelle en Rdc consécutive à la culture d’une oligarchie vampirisant les richesses du pays ressemble à un film de Western où le mélange de genres sous l’autel d’un président tocard dépasse la fiction. Le constat est aujourd’hui plus terrible que nous nous retrouvons dans une situation de désastre national.
Les congolais qui sont confrontés aux grands défis de développement restent impuissants d’adresser un carton rouge à cette classe politique aux manettes qui plonge le pays dans une déliquescence sans pareille. La responsabilité politique du président de la république doit être engagée dans cette faillite puisque l’État congolais n’existe pas dans bien des domaines illustrant les caractéristiques d’un Etat défaillant.
Dans le contexte où le pays est dit fragile ou défaillant, fleurissent à fortiori la corruption systémique des pouvoirs, la pauvreté, l’absence d’emplois,l’incapacité du gouvernement de protéger ses frontières, ce qui entraîne une perte de territoire, l’incapacité du pouvoir central d’octroyer des services publics et les populations n’ont aucune garantie de sécurité physique. L’État défaillant se caractérise en plus par un manque d’efficacité de ses institutions, par l’impunité par des politiques médiocres dans la fourniture des services de base tels l’électricité, l’eau potable.
Les questions auxquelles le président doit répondre pour que la Rdc ne continue plus de battre les records alarmants doivent s’articuler autour de : quelle est sa vision à long terme quant à la pression démographique des grandes villes congolaises en l’occurrence la ville de Kinshasa, ensuite quant à la lutte contre le gaspillage de l’argent des congolais ou les détournements des deniers publics et enfin quant à la lutte contre la pauvreté se basant sur des salaires décents et non sur des mesures cosmétiques telles l’émergence d’une classe moyenne, le pouvoir d’achat? Il est temps de mettre au placard un pouvoir qui cultive l’ineptie, l’égoïsme, l’abdication des responsabilités. C’est dans cet ordre d’idées qu’Il faut souligner l’importance de certains facteurs qui contribuent à la déliquescence de l’Etat congolais, à savoir, la corruption institutionnalisée, l’incompétence des autorités du pays, la pauvreté, l’analphabétisme, les infrastructures en ruine.
Dans la situation actuelle, où va la Rdc ? Quelle est la volonté politique de résoudre les problèmes du système de santé congolais dans un pays où il y a souvent résurgence des épidémies, de régler les problèmes des détournements des deniers publics et de l’impunité frappante, de dénouer la pression démographique à Kinshasa entraînant l’absence de mobilité routière, de décider du pouvoir d’achat des congolais par des salaires décents ou des nouvelles politiques des infrastructures en régulant davantage le trafic fluvial ?
Nul n’ignore que le système de santé congolais est une illustration flagrante d’un Etat défaillant où il n’y a jamais eu une forte volonté politique pour réorienter davantage les priorités dans les domaines des salaires décents du personnel de santé, dans les infrastructures en privilégiant les provinces, dans le financement des centres de santé primaires modernes. Avec la résurgence des pandémies, la Rdc devrait être bien préparée à se prendre en charge et très malheureusement le système de santé reste en retard sur la croissance démographique, sur la lutte contre certaines maladies . C’est triste .Si la pauvreté est à l’origine de la mauvaise santé, elle est surtout une porte ouverte aux épidémies. Plus les revenus sont élevés, meilleur est l’état de santé des citoyens.
Aujourd’hui on sait que les lignes de causalité entre santé et pauvreté vont dans les deux sens . C’est pourquoi les populations des pans les plus reculés en Rdc sont plus exposées aux pandémies : ce contexte socio-économique d’augmentation de la pauvreté des congolais de l’intérieur démunis de tout et vivant comme à l’âge de la pierre taillée ne réduit pas le risque élevé de
la prolifération de maladies et pandémies. La faible performance du système de vaccination de routine caractérise la défaillance du système de santé congolais.
Il faut briser cependant la chape de plomb du système mafieux, de la délinquance financière qui fragilisent le pays en termes d’État des droits et de justice sociale parce qu’il s’agit d’un enjeu de la plus grande reconstruction d’un nouveau système politique incarné par des acteurs d’une nouvelle génération politique dont l’enjeu est de bâtir un Etat fort en Afrique. Dans cette rubrique des facteurs accentuant la chute du pays, il y a des faits et chiffres qui parlent eux-mêmes du pillage systématique des richesses nationales et du nombre croissant des conflits fonciers mettant sur scène des prédateurs véreux. Dans le cadre de l’affaire Glencore, certaines autorités congolaises et Dan Gertler ont opéré des opérations mafieuses comme dans le cartel de Pablo Escobar. La justice suisse a démontré qu’il y a eu des circonstances de corruption dans les transactions que le gouvernement congolais a signées avec le sulfureux homme d’affaires Dan Gertler en 2022. Glencore doit verser 180 millions des dollars américains en compensation au gouvernement congolais. Les congolais réclament la visibilité dans ce versement et des poursuites contre les corrompus. C’est une affaire qui concerne les congolais, cet argent doit être restitué aux congolais. Nous dénonçons l’impunité qui devient un modus operandi aujourd’hui en Rdc . Montesquieu dans Esprit des Lois dit: «Lorsque, dans un gouvernement populaire ,les lois ont cessé d’être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la République,l’Etat est déjà perdu». Les conséquences sociales de l’impunité sont très néfastes puisqu’elle confère aux criminels, aux coupables le sentiment d’être intouchables. Donc l’impunité entraîne la chute des valeurs sociales. La justice doit être la même pour le cas de l’ex ministre Nicolas Kazadi.
Quelle est la vision du président congolais sur la forte pression démographique de la Rdc, en général, et de Kinshasa en particulier avec comme corollaire des difficultés dans la fluidité de la circulation? La forte concentration démographique d’individus originaires en majorité du monde rural engendre des problèmes épineux en terme de la circulation, de l’alimentation, du secteur de l’habitat à Kinshasa et si les autorités ne prennent pas le taureau par les cornes, elles seront comptables de l’engorgement du trafic, de la pollution,de l’explosion démographique, de l’insécurité.
Construire un Etat pose de grands défis. Le fait de négliger les facteurs qui produisent des Etats en déliquescence rend impossible tout effort pour parvenir à des solutions efficaces.
Aujourd’hui ,si le ministère de Transport ne légifère pas sur le trafic fluvial, ne place pas de balises le long de certains fleuves en Rdc et ne met pas en place des bateaux pour la navigation entre certaines villes, on n’évitera pas de nombreux naufrages. Faute de quoi, ceux qui sont au pouvoir et ne remplissent pas leur rôle doivent dégager .
La Rdc a besoin d’un leader fort, d’un chef de l’État préoccupé par le fonctionnement normal de nos institutions. Ce que vivent les populations de provinces du Kwilu et Yakoma n’est pas digne d’un Etat avec des institutions dont le cycle des élections a été respecté et accompli conformément aux lois. C’est un manque de respect pour ces populations dépourvues des élus, c’est une arnaque et la marque d’un Etat fongueux dirigé par des médiocres. L’absence des élections dans des pans du pays où il n’y a pas de guerre est une forte indication d’un Etat défaillant.
