(Par le Prof. Patience Kabamba)
Ce MDW nous sortira un peu des problématiques congolaises pour un regard sur le monde. Les chaines de télévisions nous montrent en boucle les massacres d’Israéliens commis par Hamas et la réplique de Tsahal qui coute plusieurs vies humaines dans la bande de Gaza. Dans les universités américaines les étudiants sont obligés de choisir un camp contre l’autre. A Harvard, on est dénoncé des étudiants pour avoir soutenu le Hamas, ailleurs on vous promet des un bonus en classe si vous participez à la marche contre Israël. Bref, c’est l’absence totale de dialectique qui règne dans les enseignements aux USA où j’ai presté comme professeur d’anthropologie pendant dix ans.
Le raisonnement binaire a élu domicile chez la plupart d’intellectuels américains. Il est impossible aux Etats Unis d’Amérique d’imaginer que Biden et Trump peuvent avoir raison en même temps. La dialectique ou la complexité n’existent pas. Je les voyais dans les travaux de mes étudiants. Lorsqu’ils défendaient un point de vue, l’argument opposé ne recevait aucune considération. Mon rôle était de leur demander de trouver quelque chose de positif dans la position dont ils s’éloignaient. Ma plus belle illustration de ce fait est lorsque j’avais montré en classe à Utah, un portrait de Hitler portant un bébé dans ses bras avec un regard très paternel sur le bébé. Les étudiants étaient complètement confus. La société a construit Hitler comme un monstre, et c’est ce qu’il était, mais les moments dialectiques qui font que même le monstre pourrait être paternel devant ses enfants ont été simplement effacés du cortex.
La situation actuelle est que lorsqu’on soutient le Hamas, on rationalise les horreurs que ces militants commettent et lorsqu’on soutient Israël, on naturalise les atrocités de l’armée Israélienne dans les territoires palestiniens. Voilà, où nous en sommes. Le MDW a une approche dialectique et prend au sérieux la complexité de la situation. Les contradictions fertilisent nos intelligences et nous empêche de nous enfermer dans nos ghettos mentaux de Pro-palestiniens ou Pro-Israéliens. Devant l’actualité brulante des massacres des civils israéliens et palestiniens, le MDW voudrait présenter ses condoléances à tous ceux qui ont perdu des êtres bien aimés et surtout revenir un peu sur l’histoire et sur les grandes lignes dialectiques dont l’ignorance ou l’absence de réponses complexes ont conduit à la radicalisation de part et d’autre. L’absence de dialogue et le refus de voir ensemble comment comprendre le réel conduisent au recours à l’utopie et au messianisme. Le Hamas est tombé dans le piège en perpétrant ses dernières horreurs et Israël fait la même chose en voulant détruire les Hamas à travers la destruction dans la bande de Gaza. Le MDW va faire des efforts pour éviter toutes les fausses équivalences et voir le conflit Israélo-palestinien tel qu’il se décline aujourd’hui, et montrer des moments anthropologiques et culturels importants qui ont empêché d’aboutir à une solution durable.
Avant de commenter sur ce sujet qui pourrait paraître lointain pour les lecteurs du MDW, j’aimerai faire une analogie plus proche de nous avec l’année 1959 au Rwanda voisin. Pour les Hutu majoritaires, le mouvement mené par Kayibanda en 1959 symbolisait la libération d’une majorité opprimée par une petite minorité Tutsi. Pour les Tutsi, c’était évidemment le premier génocide de Tutsi dans ce Rwanda colonial. Lorsque vous êtes professeur d’histoire au Rwanda, vous parlez du premier génocide des Tutsi en 1959 si vous êtes Tutsi et si vous êtes Hutu, 1959 est l’année de la libération de la majorité Hutu opprimée par la minorité Tutsi. La situation est tellement complexe que le manichéisme intellectuel ne permet pas d’avancer. Le Rwanda a choisi de remplacer le cours d’histoire par le IT.
En 1948, Ben Gourion a proclamé l’Independence d’Israël sur cet ancien territoire de l’Empire Ottoman que la Grande Bretagne avait conquis après sa victoire en 1918 sur l’Empire Ottoman. L’année avant la Société des Nations (actuelle ONU) avait adopté une résolution sur la création d’un Etat juif à côté d’un Etat palestinien . Les pays arabes dans leur ensemble avaient refusé cette décision des Nation Unies alors que les juifs l’avaient accueilli avec enthousiasme car elle constituait une réponse réaliste après des décennies de persécutions et pogromes à travers l’Europe. Les pays environnant à majorité arabes ne voulaient pas entendre parler d’un Etat juif sur leurs terres. L’Égypte, la Jordanie, l’Irak, le Liban et la Syrie feront la guerre au nouvel Etat d’Israël dont la création envoyait 700.000 Palestiniens hors des terres qu’ils partageaient avec près de 600 juifs. Par miracle, Israël va gagner cette guerre comme il gagnera aussi celle de 6 jours en en 1967 selon le narratif juif. Oui, par miracle, car vu les effectifs et les armées en présence, Israël ne pouvait en aucune façon gagner cette guerre. On ne gagne pas de guerre par miracle, l’armée la mieux organisée avec des munitions et armes modernes avait pris le dessus sur des guerriers conservateurs et claniques.
Nous avons ici la confrontation de deux narratifs. La Palestine appartient aux premiers occupants qui sont des arabes musulmans. Le second narratif est d’ordre métaphysique : c’est la terre promise par Yahvé lui-même (elle-même), terre où coule le lait et le miel. Ces deux narratifs ne se croisent pas dans la tête des idéologues. Les personnes d’autres cultures religieuses qui ne croient pas à la promesse du Dieu d’Israël ne sont pas obligés de croire à ce narratif juif et encore moins d’y obéir. En même temps, le principe du premier occupant contient en lui-même le fait de faire de la place pour les nouveaux venus, selon bien sur les termes du premier occupant. Les radicaux de tous bord, ceux qui imagine que la place d’Israël est au fond de la mer, et ceux qui imaginent que la vie des palestinien est moins que rien, ont une attitude anthropologique suicidaire. Le Hamas se situe dans une culture où se faire déposséder de sa terre équivaut à une disparition totale. Il faut donc éliminer le coupable. Israël est dans une attitude où il a enfin un morceau de terre qui, non seulement accompli la promesse de son Dieu, mais lui permet de vivre en paix, après des années d’errance Il est donc une question de vie ou de mort que de les defender. Toutes ces deux attitudes culturelles sont correctes et appréciables et peuvent être conciliés en dehors des utopies guerrières palestiniennes et du messianisme sioniste.
Enfin, la complexité du problème exige que l’on envisage une solution a trois Etats incluant Israël, la Palestine et la Jordanie ou 80% d’habitants sont d’origine palestinienne. Comme marxien, je souhaite une solution sans Etat, ni juif ni Palestinien, mais une communauté (la Oumma et le Sion) qui poursuit une vie bonne avec et pour les autres dans des institutions justes. L’Etat moderne étant au service d’une poignée d’individus qui se sont accaparés des biens de tous devrait plutôt être aboli.
La dialectique est complexe, le manichéisme et le raisonnement binaire ne conviennent pas pour les situations apparemment simples mais en réalité extrêmement complexes comme le conflit Israélo-palestinien.
Toute vie humaine est importante, qu’elle soit israélienne ou palestinienne. C’est là le neuf de la dialectique.