- Liminaire monologique plaintif et déprimant auquel nous invitons tous nos camarades et anciens combattants d’Etienne Tshisekedi à venir pleurer avec nous
De Kinshasa à Bruxelles, noir ou blanc, la question est la même, celle de comprendre et de savoir si la République Démocratique du Congo est un pays maudit ? si le peuple congolais est un sous-peuple ou un « peuplet » comme nous avions fini par le nommer par dépit ? L’actuel président Félix Tshisekedi serait-il le plus ou l’un de plus incompétents, l’un ou le plus médiocre des chefs d’Etats qui s’y sont succédés ? Cependant qui prendrait honnêtement son courage en deux mains pour répondre par l’affirmative, sans se préparer les draps de lit pour la prison centrale de Makala ? En effet, le Congo se nomme une « république » sur laquelle est ajoutée, non sans rire, l’épithète « démocratique » ! Tant il est vrai que plusieurs abus sociaux, autant de crimes financiers, économiques, politiques y sont perpétrés, sans que la moindre sanction judiciaire tombe fermement. Nous n’allons pas le temps de citer des cas flagrants, connus de notoriété publique. Une honte. Mais quelqu’un dans ce pays a-t-il encore honte ? Toutes les antivaleurs sont normalisées, intégrées en systèmes de gouvernement.
Pendant cinq ans au cours desquelles le président Félix Tshisekedi a effectué son premier mandat politique, nous lui avions beaucoup aussi écrit, à ses conseillers dont la plupart ventriloques grâce à leur proximité aux côtés du chef de l’Etat, à travers l’immense journal La Prospérité, sans que malheureusement nous ayons obtenu la moindre suite ! Qu’importe, depuis l’ampleur de l’envahissement Numéricâble de la société, du monde, de l’humanité, les gens sont encore en Afrique et plus précisément au Congo-Kinshasa plus vidéothèques que médias écrits. C’est le comble y apporté par la civilisation numérique, l’abrutissement, l’ignorance de l’information écrite même parlée, il vaut mieux regarder. Ce comble numérique c’est le voyeurisme. C’est mieux de voir que de lire un journal. En Europe, c’est l’inverse, on préfère aller à un kiosque pour acheter son journal tôt matin pour lire ce qui est écrit et dit que de regarder une vidéo. Ce qui explique évidemment l’état avancé, civilisé de leur culture sur la nôtre qui se trouve encore au plan de l’oralité, du regard.
Pour revenir aux risques de l’écriture sur l’action du gouvernement de Félix Tshisekedi, si Dieu merci ses services secrets zélés ne nous ont jamais ni suivi ni inquiété, probablement parce que nos écrits ne voulaient que le bien aussi bien du pays que du peuple congolais, nous sommes cependant sur notre faim que le chef de l’Etat n’ait accordé aucune attention à nos écrits, qui lui ont certainement pourtant aidé à bien gouverner son pays et évidemment à échapper au traitement dégradant qui lui est réservé par l’agora tant nationale qu’internationale qui le taxe de laxiste, de complaisant voire de non charismatique eu égard à plusieurs urgences de son pouvoir. Il est vrai que le président de la République n’a pas le temps ni de lire ni d’écrire pour faire appeler un analyste. Mais que font vraiment tous ses conseillers, pourtant grassement riches ?
Reste qu’aujourd’hui -, malgré nos regrets, nos inquiétudes, nos déceptions d’y avoir été savamment voire volontairement ignorés au moment du partage du pouvoir, nous qui avions mis nos vies en péril pour défendre le combat politique et idéologique du père de l’actuel chef de l’Etat -, nous ne venons pas pour faire le procès politique de Félix Tshisekedi, chef de l’Etat. Ce que nous venons faire cette fois-ci, c’est le procès de l’homme africain et congolais en particulier au travers certains prismes de l’anthropologie philosophique. Pourquoi ? Parce qu’en tant qu’ancien sympathisant d’Etienne Tshisekedi, dont jeune nous avions suivi et adopté mais jamais aveuglement le combat politique, nous faisons partie de ceux qui croyons et proclamons haut et fort que ce n’est pas son fils spirituel politique et idéologique, Félix Tshisekedi pour ne point le nommer qui serait incompétent, médiocre, non charismatique, inculte, incrédule mais c’est au contraire le peuple qu’il gouverne qui n’a aucun attribut d’aucun peuple, car le peuple congolais ne ressemble à aucun autre dans le monde.
En effet nous référant Google, au premier sens le peuple est un ensemble d’êtres humains vivant en société, formant une communauté culturelle, et ayant en partie une origine commune. On dit alors le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tandis qu’au deuxième sens le peuple c’est l’ensemble des personnes soumises aux même lois et qui forment une nation. La différence entre le « peuple » et la « population » est la suivante : de prime abord « le peuple » est à l’intérieur de la politique dont il constitue même le centre », ensuite « la population est à l’extérieur, mais elle sert d’outil à la politique ». Un peuple est constitutif « d’ensemble des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant parfois une communauté d’origine, présentent une homogénéité relative de civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d’institutions communes ».
C’est pourquoi et à regarder et à écouter de près les discours, les réflexions, les analyses, les incohérences des Congolais face aux décisions et principes institutionnels, il nous sera difficile voire impossible de dire ici et maintenant que l’homme congolais fait partie des peuples, nations et populations. En l’identifiant à un « peuplet », nous voulions non seulement l’identifier à ce que nous venons de dire il y a instant, à savoir qu’il nous faudrait inventer un autre mot, que celui de peuple, pour désigner ou identifier l’homme congolais.
- Le manque de conscience révolutionnaire de l’homme congolais, son immaturité, son émotionnalité réflexive, rationnelle congénitale est contre-productive à toute transformation, à tout développement voire à toute libération du pays de la pauvreté, de la faiblesse, de la défaite et du joug du capitalisme, de l’eugénisme, de l’impérialisme et de l’occidentalisme
Le peuple congolais est sentimental et émotionnel. Ce qui ne facilite aucune tache à aucun dirigeant politique. Il ne sait jamais ce qu’il veut. Il est partout et nulle part ailleurs. Par exemple n’est-il pas le SEUL au monde à laisser tomber comme par simple baguette magique les acquis démocratiques de sa Conférence Nationale (1990-1996) au profit d’une rébellion armée provenue de nulle part ? En effet au nom de « Tout sauf Mobutu » car mieux vaut même un « chien » au pouvoir que Mobutu, le peuple zaïrois (congolais aujourd’hui) instrumentalisa même son armée pour qu’elle ne combatte pas contre les Kadogo de l’AFDL emmenés par Mzee Laurent-Désiré Kabila ! Ce peuple est aujourd’hui responsable intime de ce qui lui arrive tant à l’est de son pays que de sa propre déliquescence sociale, économique, politique, financière.
C’est acclamés que les Kadogo, sur fond des trahisons, gabegies diverses et corruptions, qu’ils pénétrèrent dans Kinshasa la capitale. Avant que le même peuple immature et déficient congénitalement se rende compte de la supercherie, que l’AFDL n’était qu’une organisation des Tutsis sous commandement de Paul Kagamé et James Kabarebe, financée par l’OTAN et l’UE pour pouvoir assouvir leur soif de colonisation de la RDC et chemin faisant de sa balkanisation au pire voire de son occupation perpétuelle pour l’exploitation éhontée de ses richesses naturelles en toute impunité.
Le péché que nous autres avions commis à Bruxelles était de nous y être farouchement opposé à l’entrée de l’AFDL dans notre pays, parce que nous ne fûmes pas nombreux au moment de l’euphorie de la fin de la dictature du Maréchal Mobutu, à prédire le chao actuel à l’est de la RDC où plusieurs de vingtaine de millions de nos concitoyens ont perdu la vie, des femmes violées, des enfants séparés de leurs familles, des citoyens enrôlés de force dans les différentes rebellions qui y sévissent.
Nous savions, nous, qu’après le démembrement de l’ex Yougoslavie, l’Administration démocrate du sinistre Bill Clinton, sa femme Hillary et leur cohorte d’assassins sous leurs bottes, allaient au nom de la même politique du Domino s’attaquer à notre pays, trop grand, à leurs yeux, pour être gouverné par les bantous; les démocrates clitonniens estimant, au nom de leurs critères racistes, ethnocentristes, que les nilotiques (tutsis) plus aptes, plus intelligents, plus organisés psychiquement, intellectuellement, sociologiquement pouvaient diriger les grands espaces, mieux, les pays aux étendus exorbitants comme la RDC! D’où pour les Occidentaux, l’obstination pour la balkanisation de notre pays afin de placer à la tête un nilotique avec lequel, ils s’en accommoderaient, dans la mesure où selon leurs plans et clichés, les tutsis ayant la morphologie les marquant au nez pointu, seraient plus près racialement de la race blanche que les hutus et bantous au nez épaté !
De même l’assassinat de Mzee Laurent-Désiré Kabila y était-il motivé. Insoumis au diktat nilotique par délégation occidentale, Mzee faisait peur. Il n’arrangea pas non plus sa situation lorsqu’il comprit que seule l’augmentation de la force et de la puissance libérerait le peuple bantou contre l’oppression nilotique et occidentale. Pour cela, il entrevu même de mettre en place la fabrication d’une bombe atomique. Ainsi voir grand pour son pays est un contre-pouvoir à la domination et à l’impérialisme de l’homme occidental.
Ainsi comme Patrice-Emery Lumumba, et d’autres héros par après, Mzee a été assassiné avec la complicité des Congolais. Après sa mort, il en a été fait premier soldat et puis combattant du peuple. Mais c’est pour du chrysanthème car quelle inconstance et quelle bêtise humaine ? Car même si celle-ci est universelle mais néanmoins sa source est au Congo-Kinshasa.
L’homme congolais est un casse-tête pour n’importe quel chef d’Etat. Voyons. Il l’a été pour Joseph Kabila Kabange. Que n’avait-il pas entendu le pauvre ? Insulté, calomnié de tous les crimes allant de sujet rwandais au fils illégitime du Mzee Laurent-Désiré Kabila, en tout cas ce qui pouvait le dénigrer et lui faire mal était pour lui. Parti du pouvoir par la grande porte en laissant glorieusement la place à un digne fils vrai congolais de père et de mère, l’homme à la barbe et au silence très légendaires, a complètement oublié les soubresauts politiques et du pouvoir, allant jusqu’à ordonner à ses fidèles à ne pas prendre part aux dernières élections générales, dont on a vu tout le contenu.
Le Raïs, car c’est comme ça que l’ont surnommé ses partisans, fait ses études doctorales, s’occupe de ses champs et fermes disséminés dans les provinces de son pays. Mais sans y être surpris de constater qu’à chacune de ses sorties dans la capitale ou ailleurs, les mêmes congolais qui l’insultaient d’être un agent du Rwanda infiltré à la tête de leur pays, se déchirer en mille morceaux juste pour le voir, le toucher ou même lui crier jusqu’à se casser les tympans pour qu’il revienne aux affaires, puisque, selon eux, avec Félix Tshisekedi il n’y a rien de bon depuis qu’il est là ! Voilà l’homme congolais dans toute sa chaire et dans tout son esprit ! Comment avec une telle instabilité psychique et une émotionalité dévergondante, juger un chef d’Etat, Félix Tshisekedi en l’occurrence, pendant qu’il est sur le feu de l’action ? Il va falloir attendre qu’il achève son mandat politique et l’on entendra la même chose qu’avec tous ses prédécesseurs, entre autres qu’au moins avec lui il y avait la gratuité de l’enseignement, de la maternité, qu’il allait au stade pour supporter les Léopards, aux deuils comme un citoyen ordinaire pour consoler, etc.
D’où cette question. Qu’est-ce qui explique ce comportement immature, irrationnel, incohérent, ignorant, déliquescent de l’homme congolais ? Pour nous la réponse est simple et elle est toute trouvée : le manque d’éducation héritée de sa propre culture. C’est ce que nous appelons l’aliénation et l’acculturation culturelle. Nous en avions déjà tant dit à ce sujet dans plusieurs publications que nous n’y reviendrons plus ici pour ne pas nous redire à chaque fois, au risque de donner le flanc de critiques à nos détracteurs que nous nous répétons. Qu’on nous permette néanmoins juste cette illustration : un tutsi congolais mène sa vie, séjourné, habite au Congo son pays d’adoption ou d’origine comme un tutsi rwandais au Rwanda, burundais au Burundi, kényan au Kenya. Mais le Congolais de père et de mère qui vit, habite, séjourne au Rwanda, au Kenya, au Burundi, perd toutes ses racines, car il adopte à chaque fois la culture de son pays d’adoption. Le Tutsi rwandais, ougandais, kenyan, burundais qui traverse la Méditerranée pour vivre en Belgique, en France, vivra comme au Rwanda, en Ouganda, au Burundi, au Kenya. Le congolais de père et de mère qui fait la même chose que le compère Tutsi machin essayera de se démarquer de ses origines pour adopter sans coup férir les éléments culturels occidentaux ; il fera ainsi tout pour plaire à l’européen, à l’américain blanc. Rares seraient des rwandais (Tutsis et Hutus) admirateurs ou détracteurs de Kagamé qui laisseraient encourager la vente aux enchères de leur pays au seul fait que Kagamé était au pouvoir, qui maudirait leurs terres, mais le congolais en sera capable certainement, quoi plus de doute quand on l’entend vociférer « mboka yango bateka ata koteka, tolembi », de telle sorte qu’à force de le dire et surtout de le répéter sur tous les tons mineurs et majeurs, ses détracteurs ont conçu plusieurs plans dans ce sens.
Comment expliquer qu’avec l’avènement tant souhaité -, surtout aux dernières élections présidentielles, un signal fort ayant été lancé en direction de tous ceux qui étaient considérés ou taxés de l’étiquette « candidats » de l’étranger, entendons de l’OTAN et de l’UE -, rn élisant Félix Tshisekedi à la présidentielle avec un score presque « stalinien », avoisinant les 80 pourcent de voix, que les mêmes électeurs en la faveur d’une nouvelle rébellion créée par Corneille NAANGA, quittent le navire de celui qu’ils venaient tout juste d’y élire pour mener le combat de la libération, de la transformation et du développement de leur pays, s’il n’y avait pas dans l’homme congolais une contradiction anthropologique, mieux, une autodestruction pragmatique historiquement avérée ? C’est pour y répondre tant que faire se peut, que nous nous invitons à la dé-construction d’une conscience révolutionnaire qui fait vraiment défaut à l’homme congolais.
3.Reformation de la conscience révolutionnaire par la Dé-construction philosophique pour la re-conquête d’un profil d’homme afro-congolais subsaharien volontaire-puissant-conquérant mieux doté de la « Volonté de Puissance » suggérée par F. Nietzsche)
Nous revenons afin de bien ressasser et recadrer cette préoccupation majeure ne concernant pas que le peuple congolais, mais toute l’Afrique noire, sur quelques détails de notre cours d’Anthropologie philosophique distribués aux étudiants de Troisième Graduat de la Faculté de Philosophie de l’Université Saint Augustin de Kinshasa (année académique 2019-2020) et où nous montrions donc comment on peut penser, et sans aucun parfum de scandale, qu’il n’y avait pas plus vaste, dans la vie de tout être humain que l’anthropologie philosophique.
Une anthropologie philosophique qu’on nommerait autrement dit une « philosophie de l’homme ». Une philosophie de l’homme où il s’agirait de déterminer philosophiquement -, non pas comment l’homme est une créature divine et Jésus-Christ le Fils de l’Homme né de la Sainte Vierge Marie, dont la Palestine, son pays de naissance, Israël peuple élu de Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit-, mais au contraire la position de l’homme en tant qu’être-situé, être-vécu sur la Terre. C’est pourquoi dans le sillage des études menées par les penseurs et philosophes grecs et occidentaux en général, nous sommes-nous efforcé non pas uniquement à reprendre l’histoire de cette anthropologie tutélaire, mais surtout et également à la refaire. Ce qui impose et contrait un travail herméneutique, donné à l’interprétation. Et donc à une re-prise, mieux, à une « re-lecture » ne consistant nullement à une tentative, loin s’en faut, de bâtir une nouvelle anthropologie philosophique ni d’ouvrir la voie à un particularisme néologique dénommé « anthropologie philosophique africaine », mais au contraire à faire prendre en compte par l’homme afro-noir lui-même comment l’anthropologie philosophique telle qu’elle existe déjà peut ou pourrait participer à son émancipation et à son développement culturel, social, politique, économique, technologique, numérique, scientifique.
Le panorama de l’histoire de la philosophie montre comment depuis les présocratiques grecs tout d’abord jusqu’aux contemporains, en passant par les médiévaux, et les modernes, la recherche du fil conducteur qui rattache l’homme à son histoire, l’homme à la nature, de même que la capacité de cet homme à s’émanciper, à s’émouvoir, c’est-à-dire à se développer dans le temps et l’espace ne s’est jamais démentie, que du contraire, car au contraire elle s’en est même décuplée.
La question n’est pas d’« anthropologiser » l’africanité africaine, c’est-à-dire de chercher une fois de plus encore (allusion à la polémique faite sur et autour de l’expression « philosophie africaine » et avec en prime d’autres expressions peu heureuses telles qu’éthique africaine, sociologie africaine, mathématiques africaines, religion africaine, etc.), mais au contraire de savoir, au-delà de la question s’il y avait une manière africaine de voir ou de concevoir l’anthropologie, l’autre question de se demander si l’Afrique noire y a apporté une contribution, infime fût-il, à l’émergence et au développement de l’anthropologie philosophique générique ou globale ? L’homme africain y a-t-il aussi contribué ? Si oui à quelle hauteur ? Si non pourquoi n’en avait-il pas ou jamais été capable d’y être, d’y avoir et d’y apporter de lui-même comme les autres peuples, les autres races ? Pour Hegel et les hégéliens de droite, la question ne mérite même pas d’être posée, tout simplement parce que l’homme africain noir n’a pas d’histoire et ne fait suffisamment aucun effort pour y entrer davantage voire jamais ! « Dans cette partie principale de l’Afrique, note Hegel dans La raison dans l’histoire, il ne peut y avoir d’histoire proprement dite. Ce qui se produit, c’est une suite d’accidents, de faits surprenants. Il n’existe pas ici un but, un Etat qui pourrait constituer un objectif. Il n’y a pas une subjectivité, mais seulement une masse de sujets qui se détruisent. ». L’Afrique n’a pas de fin en soi, pas de but, pas d’Etat susceptible de constituer un objectif, et pas de subjectivité capable d’assumer le destin d’une nation ou d’un Etat mais un assemblage d’hommes prêts à se « manger » les uns les autres, à se combattre, à s’entretuer ; bref à imaginer ce qu’il y a de pire pour l’humaine humanité ».
Des propos démentis par Emmanuel Kant qui, prenant le contrepied de Hegel reconnut que « Tous les hommes sur toute l’étendue de la terre appartiennent à un seul et même genre naturel, parce que, régulièrement par accouplement, ils donnent naissance à des enfants féconds – malgré, par ailleurs, leur grande diversité d’aspects physiques que l’on rencontre ». « Pour justifier cette unité du genre naturel, qui traduit tout simplement l’unité de la force de reproduction, universellement vérifiée, on ne peut alléguer qu’une seule cause naturelle, celle-ci : qu’ils appartiennent tous à une seule et même souche, d’où ils sont issus en dépit de leur diversité, ou du moins dont ils ont pu être issus. Dans le premier cas, les hommes appartiennent non seulement à un seul et même genre, mais aussi à une même famille. Dans le second cas, ils sont semblables entre eux, sans être apparentés, et il faudrait admettre bon nombre de créations locales, théorie qui multiplie sans nécessité le nombre des causes ».
Or peu nous importe de cette « guerre » des propos sur l’homme africain plus précisément ou l’homme générique tout court, c’est en revanche Karl Marx qui tient des propos dont l’homme afro-congolais a besoin vraiment pour sa libération du capitalisme, de l’impérialisme, de l’eugénisme, de hégémonisme, de l’occidentalisme quand il montra que « L’évolution de chaque mode de production s’est déroulée de manière dramatique, sous le signe de conflits multiples et de l’exploitation de l’homme par l’homme. Dans l’optique marxiste, la lutte des classes, que Marx et Engels considèrent comme la clé de l’économie politique, est le principal moteur du déroulement de l’histoire : structurante, générale, elle existe dans toutes les sociétés et prend une forme particulière dans la société capitaliste, où elle oppose le prolétariat à la bourgeoisie. Ce rôle de moteur de l’Histoire est résumé ainsi dans le Manifeste du Parti communiste: « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes » (même si une note d’Engels nuance ce propos). Selon André Piettre, dans la perspective marxiste, les rapports économiques évoluent selon une dialectique de rapports de force, suivant la lutte perpétuelle des puissants et des faibles, les premiers exploitant les seconds : l’histoire n’est pas menée par le mouvement des idées, mais en premier lieu par les données matérielles et leurs luttes intestines. Selon Anton Pannekoek, « le matérialisme historique retourne aux causes d’où proviennent ces idées : les besoins sociaux qui sont déterminés par les formes de la société »] ».
Sur la même voie de la transformation, du développement et de la libération dont s’en inspirerait l’homme afro-congolais, K. Marx a aussi indiqué comment « Dans la société humaine les individus entrent dans des rapports déterminés, qui sont des rapports sociaux, dont ils ne peuvent se séparer et dont dépend leur existence : ces rapports ne sont pas créés par leur conscience, mais constituent l’être social de chaque individu (« Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience », selon Marx), l’homme est le produit de son milieu. Les hommes produisent leur vie, dépassant par là le stade de la vie animale (naturelle) sans pour autant pouvoir s’affranchir totalement de leur rapport à la nature : les rapports fondamentaux de toute société sont donc les rapports de production, qui constituent sa structure essentielle. Les rapports de production sont constitués de trois facteurs ou éléments : les conditions naturelles, les techniques, et enfin l’organisation et la division du travail social (salariat, esclavage, servage…) ».
Sur la même plage encombrée figure Cheikh Anta Diop, dont pourtant nous n’en parlons pas tant en Afrique ni aux vieux ni surtout aux jeunes qui ne savent de son existence ni encore moins de ses innombrables contributions sur le remplacement culturel, sur la transformation, sur le développement, sur la libération de l’homme africain. Pourtant, il n’y en a pas deux africains aussi célèbres que Cheikh Anta Diop en cette matière. En effet, il a rassemblé les résultats de ses travaux dans le dernier ouvrage qu’il a publié avant son décès, intitulé Civilisation ou barbarie, anthropologie sans complaisance, où il expose sa théorie historiographique, tout en tentant de répondre aux principales critiques que son œuvre a suscitées chez les historiens et « égyptologues de mauvaise foi ». Selon Cheikh Anta Diop, « l’Homme (Homo sapiens) est apparu sous les latitudes tropicales de l’Afrique, dans la région des Grands Lacs. La chaîne d’hominisation africaine est la seule qui soit complète, la plus ancienne et la plus prolifique. Ailleurs on trouve actuellement encore des fossiles humains représentant des maillons épars d’une séquence d’hominisation incertaine ».
Cheikh Anta Diop est celui qui a pris tous les risques pour pouvoir montrer à la face du monde, au nez et à la barbe des euro-blancs, que les premiers Homo sapiens devaient être probablement de phénotype noir, parce que, selon la règle de Gloger, les êtres vivants originaires des latitudes tropicales sécrètent plus de mélanine dans leur épiderme, afin de se protéger des rayonnements solaires. Ce qui leur confère une carnation aux nuances les plus sombres (ou les moins claires). Pour lui, pendant des millénaires, il n’y a eu d’hommes sur terre que des « Nègres », nulle part ailleurs dans le monde qu’en Afrique, où les plus anciens ossements d’hommes « modernes » découverts ont plus de 150 000 ans ; tandis qu’ailleurs les plus vieux fossiles humains (ex. Proche-Orient) ont environ 100 000 ans. Selon Günter Bräuer, les fossiles humains sont d’autant plus anciens qu’ils se trouvent en Afrique, au cœur de l’Afrique. Tandis qu’ils sont d’autant plus récents qu’ils se trouvent hors et loin de l’Afrique. D’après Yves Coppens, aucune exception n’a encore été apportée à cette règle de cohérence de la théorie « Out of Africa », qui reste la seule à présenter un si haut degré de stabilité. Si l’Afrique est le « berceau de l’humanité », alors, selon Diop, les plus anciens phénomènes civilisationnels ont dû nécessairement avoir eu lieu sur ce continent. Selon Nathalie Michalon, né en Afrique, l’homme y expérimente les plus anciennes techniques culturelles avant d’aller conquérir la planète, précisément grâce à elles. C’est ainsi que l’Afrique est l’un des endroits au monde (avec la Mésopotamie et la Chine) où la fabrication d’outils (lithiques), la poterie, la sédentarisation, la domestication, l’agriculture, la cuisson, etc. sont attestées et notamment dans le site de Nabta Playa.
En effet, au regard de ce que nous venons d’entendre, on peut affirmer sans aucun risque d’être contredit que là où il y a un peuple, il y a une histoire, et qu’il n’y a d’histoire que pour un peuple, plutôt qu’une histoire sans peuple et moins encore un peuple sans histoire. C’est le peuple qui fait l’histoire et une histoire. L’inverse n’est pas possible. C’est dans un peuple et pour et par un peuple qu’une histoire est une histoire. Voilà une nuance qui justifie la quintessence de l’anthropologie philosophique tant au monde qu’en Afrique noire plus précisément.
Par ailleurs si toutes les théories anthropologiques et philosophiques se valent et méritent d’être enseignées, développées, propagées, inculquées, il y a lieu de distinguer néanmoins deux types d’anthropologies philosophiques : d’un côté une anthropologie créationniste-productrice-progressiste-inventrice et de l’autre côté une anthropologie espérantioniste-cérémonialiste-révérentionniste-conventionaliste. Si nous comparions l’histoire politique, économique, sociale et culturelle de l’Occident et de l’Afrique noire, l’écart monstrueux entre les deux espaces géographiques a tendance à rattacher l’anthropologie créationniste-productrice-inventrice-progressiste à l’espace européen occidentalisé tandis que l’anthropologie espérantioniste-cérémonialiste-révérentionniste-conventionaliste à l’espace négro-africain.
Le premier type d’anthropologie a pour profil l’homme travailleur, qui crée, produit, invente et donc progresse ; ce type d’homme ne fait pas du surplace, il est sur le qui-vive, il est constamment en mouvement.
Le second type d’anthropologie est justement l’inverse du premier, car il concerne le type d’homme qui vit dans l’espérance d’un monde meilleur encore et toujours à venir mais qui ne vient ou ne viendra jamais ; un homme qui vit dans le chrysanthème, dans le cérémonial et dans la révérence et la convention historiales faisant de lui le berceau de l’humanité, le témoin de la naissance de l’histoire, de la culture et de la civilisation. Malheureusement de cette attestation historiale et historique, l’homme afro-congolais rattaché à ce type d’anthropologie n’est qu’un Néant d’Être, c’est-à-dire un néant planétaire.
Ce Néant d’être qu’est cet homme afro-congolais reste donc, malgré sa référence au berceau de l’humanité, est le parent pauvre des créatures. Il est celui qui a manqué son rendez-vous avec l’histoire, la civilisation. Car il n’a rien autant qu’il n’est personne. Il est juste un néant absolu, une devinette. Incapable de se mettre au travail, l’homme afro-congolais se complaint des récits des événements passés, ce disant il adore le passé, celui-ci le fascine mais le présent l’inquiète, le met mal à l’aise alors que le futur ne le concerne pas. S’agissant précisément du futur, c’est aux autres, à l’homme blanc particulièrement, de s’en occuper car, lui, il est un homme du passé.
C’est dans ce contexte que finalement nous considérons, et à n’en point douter, que l’ « Afrique est le berceau de la civilisation » est plus un slogan qu’un vécu commun rassurant. Son retard social, économique, politique, culturel est un hiatus, car le berceau ne se vérifie pas et ne se jauge pas. Rien en effet ne peut aujourd’hui présager le passage de la civilisation en Afrique. Tout est encore à l’état pratiquement de la pierre taillée, autrement dit à l’état sauvage ou animal. Et l’esclavage et la colonisation ne peuvent pas continuer à servir d’excuses toutes bien trouvées à cette léthargie de l’homme afro-congolais et du continent africain. Ces excuses ne tiennent plus. L’esclavage et la colonisation sont révolus, désormais. Aujourd’hui l’Afrique noire a formé ses propres médecins, ses pilotes, ses machinistes des trains, ses ingénieurs, ses génies militaires et civils, les scientifiques, les techniciens, les informaticiens, les politiciens, économistes, ses professeurs d’universités de renom, etc., mais au final malheureusement qui n’apportent rien de probant, car l’Afrique est toujours en dessous du sous sous-développement. On dirait même que plus il y a d’intellectuels et plus le mot Afrique équivaut à tout ce qu’on peut imaginer de pire, comme arguait Hegel dans « La Raison dans l’histoire » !
Enseigner l’anthropologie philosophique n’est pas un problème. Tout le monde peut l’enseigner, il suffit de lire et d’expliquer. Le problème arrive quand il faut se demander comment cette anthropologie peut être utile à l’homme africain et à l’homme congolais en particulier ? Enseigner l’anthropologie en remémorant ses grandes lignes ne serait pas absolument la chose qui puisse aider l’homme noir dans sa quête de personnalité et de positionnement dans le monde aux côtés d’autres hommes. Nous ne voyons pas, nous, en tant qu’africain noir et digne de l’être nous faire imposer une anthropologie que nous n’avons ni produite ni choisie.
Donc il faut opérer un nouveau choix. Existentiel cette fois-ci. Et la question est : pour quelle anthropologie pour l’Afrique ? une anthropologie progressiste ou une anthropologie espérantioniste ? On ne peut que proposer. Parce qu’en effet le choix ne s’impose pas. Et à ce petit jeu-là bien malin trouvera la bonne formule. Et pourquoi ? Parce qu’il y a plusieurs préalables, dont celui lié à l’incapacité ontologique et anthropologique de l’homme africain noir due probablement aux reliquats assumés de l’esclavagisme et du colonialisme. Des reliquats esclavagistes et colonialistes qui sont, entre autres, la langue et la religion.
C’est ainsi que les religions et les dieux auxquels il croit sont ceux qui ne sont pas à lui mais qui appartiennent et relèvent des personnes venues de l’Europe occidentale qui l’ont esclavagisé et colonisé. Les langues dans lesquelles il parle, il prête serment, il juge, il délibère, il prêche, il condamne ses semblables, il ne le fait pas dans ses langues, mais plutôt dans les langues étrangères héritées de l’esclavage et de la colonisation. Pourtant la langue est la maison de l’être, disait Heidegger. C’est dans la langue que se portent l’être et l’homme. Un homme qui ne connaît pas sa langue de naissance, qui ne la parle pas est son propre étranger. Parce qu’il est dénué de coffre ontologique. C’est dans la langue que chacun y abrite et s’y abrite. La première leçon de l’authenticité de l’être de l’homme, est de re-conquérir sa langue.
Prêter serment de fidélité à la nation en français ou en anglais est une blessure ontologique et un échec anthropologique. Dans la mesure où l’on n’est pas en tant que soi du soi-même et on se met en situation d’échec par rapport à soi-même.
L’homme africain noir est le seul qui n’a pas de dieu propre. Il doit passer par le Dieu des autres pour arriver à lui-même et à Dieu proprement dit. Il croit à ce qu’on lui a expliqué qu’il est noir et que tout ce qui est noir est non seulement mauvais mais obscur et lugubre. Il croit à ce qu’on lui a enseigné, que le blanc est la couleur de lumière, de l’espérance qui mène à Dieu et à la vie éternelle ; que le Satan était noir et qu’il était lui-même ce Satant-là ; il croit à ce qui lui a été expliqué qu’un noir ne pouvait ni se révéler ni révéler Dieu, conséquence ni Simon Kimbangu ni aucun autre prophète aussi longtemps qu’il sera noir ne portera la révélation en lui…
C’est dans ce contexte-là que les existentialistes comme Albert Camus avec son « Homme révolté », Jean-Paul Sartre avec son « être-pour-soi », Heidegger avec son « authenticité du Dasein », Cheikh Anta Diop avec son « égyptologie afro-centrée », Karl Marx avec sa lutte des classes, ou encore Charles Darwin avec sa sélection naturelle … pourront probablement aider les africains noirs à se défaire tant de la domination étrangère que du complexe d’infériorité qui en font des étrangers de leur propre « mienneté ».
- L’ «éducation » ancestrale afro-congolaise en tant que culture comme nature » et agriculture plutôt qu’esprit cultivé est le chemin, la voie de la transformation, du développement, de la libération
Nous référons ici à la « deuxième Thèse » (des cinq thèses) intitulée » « Une société des créateurs fondée sur l’éducation de la jeunesse et pour un enseignement contextualisé, orienté, ciblé en rapport aux réalités et priorités propres » débattue dans notre conférence dont le titre évocateur mentionnait « Pouvoirs, devoirs, vouloirs pour une praxis afro-créationniste dans un monde des partenaires concurrentiels » (Cfr Journées Scientifiques de l’USAKIN, du 13-16 Décembre 2023), où nous montrâmes comment par éducation, on entend en gros l’apprentissage et le développement des facultés intellectuelles, morales et physiques, les moyens et les résultats de cette activité de développement.
De telle sorte que l’éducation inclut des compétences et des éléments culturels caractéristiques du lieu géographique et de la période historique, l’éducation a pour but de faire progresser, améliorer et penser par soi-même d’un sujet et la création de cultures. Éducation, instruction ou enseignement. Le mot « éducation » est directement issu du latin educatio de même sens, lui-même dérivé de ex-ducere (ducere signifie conduire, guider, commander et ex, « hors de ») : faire produire (la terre), faire se développer (un être vivant)2. Il convient cependant de noter la différence pointée par Mialaret3 entre les deux étymologies educare (nourrir) et educere (élever) pour saisir la double instance liée au concept d’éducation et dont la conciliation est une problématique pédagogique majeure : nourrir/remplir de connaissances et élever c’est-à-dire maximiser les potentialités des individus selon Mialaret. Pour Émile Durkheim, l’éducation est une « Socialisation méthodique pour la jeune génération »4. Enseigner, c’est transmettre à la génération future un corpus de connaissances et de valeurs de la vie sociale.
Par ailleurs, il faut distinguer enseignement et éducation. Le terme enseignement, de son côté, se réfère plutôt à une instruction précise au cours d’un cycle d’étude précis, par exemple, supérieur. L’éducation ne se limite pas à l’instruction stricto sensu qui serait relative seulement aux purs savoir et savoir-faire. Elle vise également à assurer à chaque individu le développement de toutes ses capacités (physiques, intellectuelles, morales et techniques). Ainsi, cette éducation lui permettra d’affronter sa vie personnelle, de la gérer en étant un citoyen responsable dans la société dans laquelle il évolue.
En pratique, tout le monde est d’accord pour considérer que certains savoirs essentiels font partie du bagage minimum du citoyen, et qu’inversement il n’est pas d’enseignement possible sans un minimum de pures conventions (comme l’alphabet par exemple) et de capacités relationnelles, donc d’éducation. Instruction et éducation sont souvent confondues. Les différences, subtiles, restent la base de controverses depuis longtemps, le Littré en fait foi dans son choix d’exemple pour sa définition d’éducation (voir le Littré à ce mot) : « Mais il faut remarquer que l’instruction s’enseigne, et que l’éducation s’apprend par un autre mode d’action du maître, quel qu’il soit. ». Au début du xxe siècle, la science de l’éducation désignait la pédagogie. Aujourd’hui, en France, depuis la création en 1967 du département universitaire de Sciences de l’éducation l’expression s’emploie au pluriel. Les problèmes d’éducation s’étudient en empruntant à plusieurs disciplines des sciences humaines (sociologie, psychologie, biologie, économie, philosophie de l’éducation).
Pour E. Kant, « L’éducation est un problème que rencontre chaque génération. Les parents, quelle que soit l’époque, se posent des questions vis-à-vis des pratiques et des conduites à avoir avec leurs enfants. Les parents reproduisent l’éducation qu’ils ont eue eux-mêmes ou alors ils innovent en cherchant des méthodes plus modernes. L’autre possibilité étant qu’ils ne s’engagent pas véritablement dans l’éducation de leurs enfants. Mais comment les élever concrètement, avec quelles idées en tête ? Comment élever ses enfants pour qu’ils puissent ensuite élever leurs propres enfants à l’âge adulte ? Nous allons tenter de répondre à ces interrogations avec Kant, philosophe allemand du XVIIIème siècle, qui a réfléchi sur l’éducation et son rôle dans la société et dans le développement global de l’humanité ».
- Kant considère « L’éducation : (comme) moteur du développement de l’humanité. En effet, « Les thèses et les discours de Kant vis-à-vis de l’éducation s’inscrivent dans une philosophie de l’histoire : l’éducation reposant sur l’instruction et la culture, pratiquée seulement par les êtres humains, élève l’humanité en l’enlevant de son animalité. La pédagogie, pour les philosophes des Lumières et particulièrement pour Kant, est ce qui permet le progrès continu de l’espèce humaine, c’est pourquoi l’éducation est centrale dans leur pensée. Kant est un philosophe des Lumières qui croit en une progression de l’humanité, une progression de l’esprit humain dans l’histoire. L’éducation, dans son projet philosophique, s’inscrit dans une logique de perfectionnement de l’humanité, en effet chaque génération est une étape dans le progrès de l’esprit humain, dans le progrès civilisationnel en général. L’éducation est, selon les termes kantiens, une Idée, dans la mesure où l’éducation est « la conception d’une perfection qui ne s’est pas encore rencontrée dans l’expérience». Le plan parfait vis-à-vis de l’éducation ne sera jamais d’actualité, néanmoins selon Kant une génération future aura accumulé tellement de richesses culturelles, intellectuelles et morales qu’elle touchera peut-être à la perfection de l’éducation ».
C’est ainsi que pour Kant, « Les êtres humains ont un certain devoir vis-à-vis de leurs enfants. De génération en génération, le progrès doit s’actualiser, se concrétiser à chaque nouvelle naissance. Le progrès est chez Kant un devoir moral dans la mesure où l’être humain a en lui les capacités pour se perfectionner : il est en effet le seul vivant à pouvoir choisir ses propres fins, des fins bonnes. Munie d’une raison et d’une liberté, l’espèce humaine a réussi à étouffer sa propre nature et s’est installée dans un monde de culture où chaque être humain va pouvoir s’accomplir en tant qu’être éthique. Cela signifie que l’être humain est sa propre œuvre cependant l’éducation ne défigure pas la nature, elle la transfigure. Contrairement aux autres êtres vivants, l’espèce humaine est la seule espèce pour qui une éducation est possible. C’est d’ailleurs par l’éducation que l’on définit un être humain par opposition à l’animal qui a déjà tout en lui, qui agit déjà d’une façon parfaite. « L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce qu’elle le fait. »
Alors que les animaux ont tout d’un coup parfaitement, l’être humain de son côté doit tout tirer de lui-même. Kant distingue, reprenant une vieille tradition philosophique, l’instinct des animaux avec la raison humaine. Mais, pour que la raison individuelle d’un être humain puisse se développer, il lui faut l’aide de ses semblables, il lui faut une trajectoire, il faut qu’on l’aide à se déplacer dans le monde de façon raisonnable ». En clair, l’intention de l’ouvrage de Kant est de conduire l’enfant de son état naturel à l’exercice de sa liberté en lui donnant accès à la moralité. Car, dans la philosophie de Kant, c’est la morale qui donne du sens à ce qui nous entoure dans la mesure où elle propose des objectifs rationnels universellement valables ».
Quant à J-J. Rousseau, « L’éducation ne donne pas essentiellement plus de force, elle conduit surtout à se contenter de celle que l’on a. Donner plus de force, c’est le rôle de la croissance naturelle, mais celle-ci est également, dans son genre, une forme d’éducation. En effet, Rousseau donne à ce concept un maximum d’extension en posant que ce que nous n’avons pas à la naissance « nous est donné par l’éducation ». L’homme commence son éducation dès la naissance, c’est-à-dire avant même cette première ébauche de relation sociale que constitue l’intervention de la nourrice. Pour Rousseau, il y a en effet trois éducations : celle qui vient de la nature (« le développement interne de nos facultés et de nos organes »), celle qui vient des hommes et celle qui vient des choses (« l’acquis de notre propre expérience sur les objets »). Seul est bien éduqué celui chez qui ces trois éducations convergent. Mais ces trois éducations n’ont pas le même statut : l’éducation qui vient de la nature ne dépend pas de nous, celle qui vient des choses n’en dépend que partiellement, et il n’y a que celle des hommes qui soit pleinement en notre pouvoir et que nous puissions par conséquent organiser nous-mêmes. Or, Rousseau constate que c’est par cette éducation que l’homme dégénère, parce que celle-ci, faite par et pour la société, le pervertit, le déprave, altère ses penchants naturels. En effet, au lieu d’élever l’individu « pour lui-même » on l’élève « pour les autres ». Et puisque « tout n’est que folie et contradiction dans les institutions humaines ».
Néanmoins en dépit des vues pertinentes avancées par Kant et Rousseau, entre autres, sur l’éducation, je considère complétement hors-sujet, décalé, inapproprié de continuer à penser ou à croire que l’enfant de Kant ou de Rousseau ressemble à celui du français du XXIème Siècle. On s’aperçoit nettement, clairement et distinctement que l’enfant de Kant ou de Rousseau ne peut plus être celui de François Mitterrand, de Jacques Chirac ni encore moins de Heidegger ou encore de Michel Auffray. Le tort est de croire que les principes éducationnels restent fixes, immobiles, bien au contraire ils subissent l’influence des temps et évoluent donc au gré des temps. Le type d’enfant que nous avons aujourd’hui au XXIème siècle est éduqué, non par ses parents, mais par les réseaux sociaux. C’est la génération Android, Internet, IA …
C’est pour cette raison précise, sans tomber dans un particularisme africain différentiel, que j’exige un état de lieu sur l’éducation des enfants afro-subsahariens. Faut-il continuer à les inspirer des principes éducatifs classiques, basiques ramassés chez Kant, Rousseau, Piaget ou bien les orienter autrement ? En attendant, il me semble plutôt que l’enfant afro-subsaharien devait être formatés à partir de ses priorités éducationnelles qui ne doivent pas nécessairement être celles de l’enfant euro-occidental. Citées brièvement, ces priorités sont les suivantes :
- 1. Relier culture et éducation, puisque cultiver c’est éduquer, et donc éduquer des enfants conquérants, audacieux, créateurs, producteurs, inventeurs, transformateurs, plutôt que des simples perroquets, récitateurs, poètes, romantiques, pensifs, passifs, théorétiques ;
- 2. Abandonner le conflit intergénérationnel ;
- 3. Lutter contre l’illettrisme afro-subsaharien globalisé professionnel,
- 4. Eradiquer l’analphabétisme intimiste global conscient et inconscient entre d’un côté ceux qui prétendent tout connaître mais ne connaissent rien et d’un côté les voyeuristes numériques « instruits » et « non instruits », ayant abandonné l’écriture et la lecture comme principale d’éducation et d’information au profit des images vidéothèques.
Dans ces deux types d’afro-subsahariens, nous distinguons quatre types ou profils d’intellectuels :
- 1. Les intellectuels-intellectuels,
- 2. Les intellectuels-analphabètes,
- 3. Les analphabètes-intellectuels,
- 4. Les analphabètes-analphabètes;
- 5. Lutter contre la dispersion juvénile entre nature et culture, en sachant que l’homme « cultivé » n’est pas nécessairement celui qui a étudié ou qui a un diplôme, un doctorat, un brevet ou un certificat. Il s’agit sans doute d’un homme éduqué et donc doté des valeurs éthiques et morales. « La culture, disait Emile Henriot est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié ».
La culture est le fondement de la société. Elle façonne l’homme politiquement, économiquement, socialement, techniquement, numériquement. C’est la raison pour laquelle « Il n’y a pas d’homme cultivé. Il n’y a que des hommes qui se cultivent, affirme Maréchal Foch ». La notion de culture est indissociable de celle de la nature. La culture vient de l’homme tandis que la nature est celle de base. C’est ce qui fait qu’on peut distinguer l’homme de l’animal » ;
- 6. Favoriser enfin une jeunesse leadershipique, en se disant qu’il y a une différence flagrante entre leadership et management en ce que le leadership se définit comme étant un charisme naturel permettant d’influencer et de fédérer autour de soi afin d’atteindre un objectif commun.
Un leader est généralement un bon manager alors qu’un manager ne va pas forcément être un bon leader. Le leadership contrairement au management, n’est pas une matière enseignée dans les grandes écoles mais certainement quelque chose de spécial et d’intime qu’on a en-soi toujours. Donc un leader est déjà celui qui est là et non celui qu’on emmène. Mais comment le découvrir ? Il faut juste créer des conditions favorables sociales, économiques, politiques, technologiques, culturelles. On peut juste le deviner pour qu’il éclot.
Pour définir le leadership, Bertrand Poulet, expert en formation leadership, le définit comme le pouvoir (dans le sens de capacité, de possibilité) de donner envie aux autres de s’impliquer et d’agir pour réaliser une ambition collective ou atteindre un objectif commun. Le leadership est très important ne-fût-ce que dans la supposition que le leadership est ancré dans les caractéristiques que certains individus possèdent. L’idée, que le leadership serait fondé sur des attributs individuels est connu comme « la théorie des traits ». Soyons des leaders et envisageons une société des leaders en Afrique et en République Démocratique du Congo plus particulièrement. Il n’y a pas d’alternative au leadership. C’est l’école du futur pour l’homme subsaharien noir.
Pour conclure sans conclure
Martin Heidegger penseur allemand le plus doué de sa génération, accompli comme la référence intellectuelle du XXème Siècle et celui grâce à qui, malgré les difficultés, nous sommes devenu nous-mêmes une référence ontologique, phénoménologique et herméneutique pour l’Afrique a laissé ces mots impressionnants, interpellants, significatifs que “ La Véritable compréhension mutuelle des peuples ne peut commencer et s’accomplir que par une méditation, menée réciproquement au sein d’un dialogue de créateurs, sur l’héritage et la tâche que leur donne l’Histoire. Dans cette méditation, les peuples s’attachent à ce qui leur est propre et s’y arrêtent avec une lucidité et une résolution accrue. Car ce qu’un peuple a de plus propre, est cette œuvre de création qui lui a été assignée et par laquelle il se pénètre de sa mission historiale, tout en se dépassant : c’est ainsi, et ainsi seulement, qu’il accède à lui-même ».
En d’autres termes pour être respecté, honoré, considéré, il faut être capable pas uniquement de recevoir, mais aussi de donner, car la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit, mais pas qu’il faut au-delà montrer ses capacités de créateur, de producteur et d’inventeur, condition pour transformer, développer, libérer. Les paroles seules ne suffisent pas.
D’ailleurs dans le monde de maintenant personne ne tient plus parole, non parce qu’on ne se fait plus confiance, comment donc alors que c’est avec la parole que nous séduisons, trompons, flattons, mais c’est parce qu’avec ou à cause du degré très exponentiel de violence, on entend, on comprend, on écoute, on respecte, on pactise qu’avec celle ou celui qui déploie les muscles à la Rambo.
C’est ainsi qu’y aller à la table des négociations lorsque la superficie de son pays est déjà amputée des dizaines de portions de territoire national, est un aveu de défaite et d’impuissance. Ces temps derniers, aucune personne responsable ne va négocier quand sa maison brûle. L’Occident (OTAN, UE) n’écoute que le langage de force. Du Vietnam au Niger, les étasuniens, les Français, les Belges, les Allemands, les Britanniques ont écouté le langage des armes, ont fui ou négocié leur départ. On ne viendra pas dire, en pleurnichant demain quand aura perdu notre pays à la forme superficique de la gâchette prédite par l’immense Frantz Fanon, que les « intellectuels » et/ou les philosophes notamment n’avaient jamais fait leur part.
Donc un conseil gratuit à qui de droit ! Car nous estimons que Félix Tshisekedi qui a, lors de son premier mandat, perdu le temps de son pays dans des alliances contre nature, est encore capable de se rattraper pour mieux faire dans son deuxième et dernier mandat, parce qu’il n’y a pas un temps pour ne pas mieux faire, il lui suffira pour ce faire de demander le numéro du journal La Prospérité dans lequel paraîtra cette présente contribution.
Ainsi fait à Kinshasa, le 23 mars 2024
Antoine-Dover OSONGO-LUKADI
°Habilité à Diriger des Recherches de Philosophie
(Université de Poitiers-France)
°Docteur en Philosophie et Lettres
(Université Catholique de Louvain-Belgique)
°Professeurs d’Universités
°Membre de l’Association de Philosophes Américains (APA)