Depuis des mois, les violents combats opposant la milice du M23 et l’armée congolaise ont provoqué un exode massif des populations, qui vivent dans l’oubli de la communauté internationale. La préparation à Pâques prend un relief particulier dans ce contexte de guerre et de misère. Entretien avec le curé de Saké, qui vit désormais dans un camp de réfugiés à Goma.
Depuis deux ans, plus d’1,5 million de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison des combats qui opposent les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), une milice soutenue par l’armée rwandaise à l’armée congolaise et ses supplétifs. Les combats se sont intensifiés depuis le début de l’année 2024. «Cette crise se caractérise par une abondance d’acteurs armés dans le conflit, un déplacement à grande échelle et un nombre croissant de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire» résumait fin février une note de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) de l’ONU.
Une catastrophe humanitaire de plus dans une région déjà ravagée par 30 ans de conflits. Les centaines de milliers de civils qui ont quitté leurs terres et leurs villages vivent désormais dans des camps de fortune, près de Goma notamment, la capitale du Nord-Kivu. C’est là qu’est réfugié l’abbé Faustin Mbara, curé de la paroisse de la Divine Miséricorde de Saké, situé à une vingtaine de kilomètres de Goma. Le presbytère de son église a été réduit en cendres par les rebelles. Dans ce contexte difficile, les chrétiens du camp s’apprêtent néanmoins à vivre la passion du Christ avec l’espérance de la résurrection.
Ici, on organise des distributions de vivres, mais comme il y a vraiment beaucoup de camps et beaucoup de gens, le peu que l’on distribue devient minime, insuffisant. Les distributions de biens se font grâce à l’aide du Programme alimentaire mondial et d’autres acteurs locaux comme la Caritas diocésaine. Mais la situation est très difficile: les gens ici ont tout perdu. Ils ont perdu leur maison, mais ils ont aussi perdu leurs champs, c’est à dire leur moyen de vivre, leur moyen de subsistance. Dans le village, des voleurs passent pour détruire les maisons, même notre presbytère a été détruit. Tout a été pillé et volé, jusqu’à la petite cuillère. Si les gens réfugiés ici rentrent un jour sur leurs terres, ils seront obligés de recommencer à zéro.
Quel sens spirituel donnez-vous à cette épreuve pour tous ces gens?
Le Seigneur est en train de passer dans notre vie à travers les événements que nous pouvons lire. C’est vraiment le passage de Jésus dans notre vie qui nous invite à la conversion, au vivre ensemble et surtout à l’humilité. En ce Vendredi Saint, on constate justement la mort de Jésus-Christ pour ce peuple. Mais ce peuple est à encourager par la parole de Dieu, par l’évangélisation pour qu’il ne perde pas la foi. Aujourd’hui, ce que vivent les gens dans l’est de la République démocratique du Congo, c’est aussi un chemin de croix. Chaque vendredi, nous venons ici au camp pour faire le chemin de croix et nous leur disons que nous nous sommes en train de passer par le chemin de croix et ainsi nous devons prendre cette souffrance et l’unir à la souffrance de Jésus.
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Que signifie se préparer à Pâques dans ce contexte de guerre?
L’insécurité dans notre région dure depuis plus de 30 ans. Et moi, je suis prêtre depuis 2001. C’est vraiment quelque chose que je vis presque chaque année. Cette année cependant la situation est particulièrement terrible, on a fui, on a quitté les paroisses. Il y a d’autres prêtres qui sont encore dans leur paroisse malgré tout. Mais tout ce qui se passe, c’est comme une crise oubliée. On ne se soucie pas de cette situation de l’Est comme on se soucie de la situation de Gaza ou de l’Ukraine.
Qu’attendent les gens que vous côtoyez du message pascal?
Ils attendent justement un message de réconfort, un message de victoire. Ceux que je côtoie justement, je leur dis que cette souffrance sera passagère et nous vaincrons un jour comme le Christ a vaincu la mort. S’il faut résoudre la crise, alors qu’on la résolve jusqu’à la racine, et que nous puissions vivre dans la paix comme les autres pays. Pourquoi pas?
Olivier Bonnel/Vatican News