Dans une interview exclusive accordée à La Prospérité, Shambuyi Kalala, ci-devant, Président du Congrès des Progressistes pour la Libération, CPL, déplore le drame que vivent les congolais de l’Est du pays, drame provoqué par un pays dit frère, africain de surcroît – le Rwanda –, qui, selon cet idéologue marxiste-léniniste, a choisi de jouer les chevaux de Troie au profit de puissances financières. L’objectif principal de cette complicité contre-nature, dit-il, est de pérenniser le pillage éhonté des ressources congolaises, sur fond de violence inouïe et de déshumanisation méprisante des Africains. ‘‘Kagame n’est pas fou ; il n’aurait jamais osé lancer ses plans d’extermination sans le ‘‘quitus’’ et les équipements militaires de pointe fournis par ses protecteurs. En privé, Kagame fulmine contre ce qu’il perçoit comme de l’hypocrisie, ne comprenant pas que ses partenaires d’hier le dénoncent publiquement. L’avenir lui réservera peut-être une leçon, lui qui méprise les Congolais, découvrira, le moment venu, le vrai visage de ses alliés, quand il subira le même sort que Mobutu’’, souligne-t-il. A la question de savoir si les élites congolaises ont pris la mesure de la situation quant à la menace existentielle pesant sur la nation, Shambuyi Kalala constate malheureusement que, malgré les condamnations verbales de l’agression rwandaise, les actions et initiatives concrètes restent disproportionnées face à l’urgence. Une frange de l’opposition, pense-t-il, instrumentalise même ce conflit pour négocier des positions au sein de l’appareil d’Etat, tandis que d’autres en font une tribune électorale. Que faire alors pour inverser la tendance ? Ici, le leader du CPL affirme qu’un choc mobilisateur s’impose, plaçant la refonte des modes d’organisation sociale au cœur des priorités – condition sine qua non pour la survie de la nation et de ses communautés. Découvrez, dans les lignes qui suivent, l’appréciation de Shambuyi Kalala sur la crise sécuritaire dans l’est de la RDC.
La Pros. : Comment appréciez-vous cet énième drame à l’Est du pays, où des centaines des milliers des personnes sont soumises à autant de souffrances en raison de la politique inique du régime rwandais ?
SK : Depuis 1960, l’Etat congolais peine à juguler l’instabilité politique qui, à bien des égards, érode sa souveraineté nationale et compromet gravement l’avenir de plusieurs générations. Cette crise sécuritaire récurrente, qui resurgit 23 ans après le Dialogue Inter-Congolais (DIC), annihile les espoirs placés dans les retombées de ces assises. Elle accroît en outre la menace existentielle pesant sur la nation, pourtant mue par une volonté inébranlable d’émancipation. Dans ce drame, un pays dit frère, africain de surcroît – le Rwanda –, a choisi de jouer les chevaux de Troie au profit de puissances financières. L’objectif principal de cette complicité contre-nature est de pérenniser le pillage éhonté des ressources congolaises, sur fond de violence inouïe et de déshumanisation méprisante des Africains. Les déclarations tonitruantes de certaines puissances, pourtant partenaires affichés du régime rwandais, relèvent d’un enfumage sophistiqué visant à anesthésier un peuple congolais désabusé, berné par un prétendu humanisme porté par la communauté internationale. Kagame n’est pas fou : il n’aurait jamais osé lancer ses plans d’extermination sans le ‘‘quitus’’ et les équipements militaires de pointe fournis par ses protecteurs. En privé, Kagame fulmine contre ce qu’il perçoit comme de l’hypocrisie, ne comprenant pas que ses partenaires d’hier le dénoncent publiquement. L’avenir lui réservera peut-être une leçon : lui qui méprise les Congolais découvrira, le moment venu, le vrai visage de ses alliés, quand il subira le même sort que Mobutu.
La Pros. : Peut-on parler de la responsabilité de l’équipe actuelle au pouvoir dans la montée de la crise sécuritaire à l’Est ?
SK : En tant que direction politique du pays, le gouvernement est tenu, par ses prérogatives constitutionnelles, de répondre à toute menace déstabilisatrice – qu’elle soit d’origine humaine ou naturelle. La crise actuelle à l’Est relève précisément de cette catégorie, ce qui interpelle nécessairement l’exécutif congolais sur son anticipation et sa gestion. L’opposition, quant à elle, se limite trop souvent à des critiques stériles. Affirmer que le gouvernement est la « cause première » de cette crise, comme certains leaders du FCC l’ont fait, relève de l’absurdité. Tout observateur averti sait que l’instabilité congolaise, persistante depuis l’indépendance, profite aux puissances étrangères et à leurs relais africains pour perpétuer le pillage systémique. L’échec de l’alliance FCC-CACH, censée stabiliser les institutions, a fragilisé la défense des acquis du DIC. Plutôt que de proposer des solutions, les leaders du FCC restent englués dans une logique de pouvoir (« Ôte-toi que je m’y mette »), indifférents aux risques de partition ou de perte de souveraineté. Une telle cécité politique frise la trahison.
La Pros. Quelle est la portée politique de l’initiative « le pacte social et vivre ensemble » de la CENCO-ECC, et quel serait son impact immédiat sur la crise sécuritaire en cours ?
SK : À l’heure où la menace existentielle pesant sur la nation congolaise est plus que jamais d’actualité, toute initiative à connotation pacifique ne peut que profondément résonner parmi les citoyens. Les cris de détresse des populations de l’Est ne laissent indifférent aucun Congolais doté d’une maturité politique. Les élites des Églises catholique et protestante tentent de répondre à cette attente, d’autant que les autres acteurs politiques ont, en début de crise, peiné à proposer une perspective de paix crédible. Toutefois, l’initiative religieuse semble elle aussi succomber à une logique de précipitation, risquant ainsi d’éroder le capital de sympathie initial. Ses objectifs, présentés de manière abstraite, paraissent éloignés des réalités historiques et des mécanismes habituels de recherche de consensus politiques au Congo. Le projet occulte l’élément clé d’une paix durable – la menace existentielle que font peser les forces extérieures sur la souveraineté et l’intégrité territoriale – pour se focaliser sur l’émotionnel et l’humanitaire. Cette approche, centrée sur une accalmie à court terme, explique la démarche des Églises, qui appellent à l’aide extérieure en dépeignant les Congolais comme un peuple sans repères, déchiré par l’égo de ses dirigeants. Une telle narration est incompréhensible pour des millions de Congolais qui vivent l’humiliation d’une agression étrangère notamment, rwandaise, soutenue par des puissances financières. Ce rapport de force déséquilibré est amplifié par la fragilité actuelle de l’Etat congolais. Par ailleurs, comment évoquer un nouveau pacte social sans intégrer celui de Sun City, fondateur des institutions actuelles et soutenu à l’époque par le Rwanda lui-même ? Les Eglises, pourtant actrices clés de ce pacte et des cycles électoraux des deux dernières décennies, semblent aujourd’hui en faire table rase, comme si les acquis de ce dialogue historique – sortie des transitions prolongées et rétablissement progressif de l’autorité étatique – étaient négligeables. Un débat serein devrait viser à améliorer ce cadre existant plutôt qu’à le remplacer. Le Congo, bien qu’affaibli, conserve sa souveraineté pour réajuster son ordre social sans recourir systématiquement à des ingérences étrangères.
La Pros. : De votre point de vue, estimez-vous que les élites congolaises ont pris la mesure de la situation quant à la menace existentielle pesant sur la nation ?
SK : Malgré les condamnations verbales de l’agression rwandaise, les actions et initiatives concrètes restent disproportionnées face à l’urgence. Une frange de l’opposition instrumentalise même ce conflit pour négocier des positions au sein de l’appareil d’Etat, tandis que d’autres en font une tribune électorale. Ce décalage reflète l’immaturité politique des élites congolaises, qu’elles soient issues de la sphère politique, associative ou académique. Leur rapport ambigu au pouvoir et leur faible sentiment d’appartenance à une entité nationale commune perpétuent un héritage colonial : une mentalité de « colonisé » qui normalise le chaos institutionnel et entrave toute analyse lucide des dysfonctionnements. La guerre actuelle, stimulatrice de désorganisation, est perçue comme une simple extension d’un quotidien déjà chaotique. Pour inverser cette tendance, un choc mobilisateur s’impose, plaçant la refonte des modes d’organisation sociale au cœur des priorités – condition sine qua non pour la survie de la nation et de ses communautés.
Shambuyi Kalala
