(Par Edouard Nsimba, Expert international en modélisation mathématique, analyse des politiques publiques et évaluation des risques liés au changement climatique)
Le marché des Crédit Default Swaps (CDS) permet aux investisseurs de transférer le risque de défaut d’un emprunteur à un autre, via un contrat qui s’apparente à une assurance.
L’acheteur du CDS (l’acheteur de protection) paie des primes périodiques au vendeur du CDS (le vendeur de protection) en échange de la garantie que le vendeur l’indemnisera si l’emprunteur sous-jacent fait défaut sur sa dette.
Le prix du CDS, appelé « spread », reflète le risque de défaut perçu sur le marché, et le marché a évolué pour inclure des produits standardisés et être plus largement compensé via des chambres de compensation.
Quelle est la taille du marché de Crédit Default Swap (CDS)
La taille du marché des Crédit Default Swaps (CDS) n’est pas fixe, mais selon des chiffres de 2022, le montant notionnel des CDS en circulation était de 9,3 billions de dollars, après une baisse post-crise financière de 2008, mais avec une croissance observée plus récemment. Cette taille a diminué par rapport aux années précédant la crise, mais le marché reste important pour le transfert des risques de crédit et l’évaluation de la santé financière des entreprises et des États.
Pourquoi la République Démocratique du Congo (RDC) est absente sur le marché de Crédit Default Swap (CDS) ?
L’absence de la République Démocratique du Congo (RDC) sur le marché des Crédit Default Swap (CDS) s’explique par un ensemble de facteurs structurels, financiers et politiques. Contrairement à des pays émergents dont la dette souveraine est activement négociée, la RDC manque de certaines conditions essentielles pour la formation d’un marché de CDS.
Conditions de marché défavorables
Liquidité insuffisante de la dette souveraine : La RDC a un marché de la dette publique sous-développé et peu profond. La majorité des titres de dette émis par le gouvernement sont détenus par un nombre limité d’investisseurs, principalement des banques commerciales locales, ce qui limite la liquidité et rend difficile la cotation de contrats dérivés comme les CDS.
Absence d’instruments de dette externes pertinents : Les CDS sont généralement négociés sur des titres de dette émis sur des marchés internationaux, ce qui n’est pas le cas pour la RDC. Même si le pays a obtenu une notation financière de la part d’agences comme Moody’s en 2025 (B3) et Fitch (CCC+), l’absence de titres de dette externes liquides (eurobonds, par exemple) rend la négociation de CDS impraticable.
Perception de risque et contexte politique
Risque politique élevé et conflit : La RDC est confrontée à une instabilité politique et des conflits armés persistants, en particulier dans sa partie orientale. Cela crée une incertitude considérable pour les investisseurs internationaux, qui estiment que le risque de défaut souverain est difficile à évaluer de manière fiable pour un marché de CDS.
Gouvernance et transparence : Les faiblesses en matière de gouvernance, la faible transparence du système juridique et la perception de corruption sont des obstacles majeurs pour les investisseurs potentiels. La négociation de CDS nécessite un cadre juridique solide et une transparence pour garantir la bonne exécution des contrats en cas de défaut.
Manque d’infrastructure et de développement financier
Faible développement du système financier : Le secteur financier congolais est peu développé et fortement dollarisé, ce qui limite la capacité des institutions locales à participer à des marchés complexes comme celui des CDS.
Infrastructure et cadre réglementaire absents : Les CDS sont des produits financiers sophistiqués nécessitant un cadre réglementaire et une infrastructure de marché robustes. En RDC, ces éléments sont encore en cours de construction.
Comparaison avec les pays émergents
Alors que certains pays émergents ont un marché de CDS actif, la RDC ne remplit pas les conditions nécessaires. Les pays présents sur le marché des CDS ont généralement :
Un marché d’obligations liquides.
Une stabilité politique relative.
Une plus grande transparence et de meilleures pratiques de gouvernance.
Un cadre juridique fiable.
En bref, l’absence de la RDC sur le marché des CDS reflète son statut d’économie en développement confrontée à des défis structurels, politiques et de gouvernance, qui rendent le marché de la dette trop risqué et peu liquide pour soutenir de tels instruments financiers.
Que gagnerait la RDC en développant un marché de Crédit Default Swap (CDS)?
En développant un marché de Crédit Default Swap (CDS), la RDC pourrait bénéficier d’une meilleure gestion du risque de défaut pour ses entreprises et son gouvernement, d’un accès au financement accru et moins coûteux, et de techniques pour se couvrir contre les événements de crédit. Cela permettrait d’attirer les investisseurs, de diversifier les portefeuilles et de développer le marché financier du pays.
Voici les principaux avantages potentiels :
Couverture du risque de crédit : Les entités (entreprises, gouvernement) qui émettent de la dette peuvent acheter des CDS pour se protéger contre le risque de défaut, assurant ainsi la stabilité financière.
Attraction des investisseurs : Les investisseurs peuvent acheter des CDS pour se couvrir contre le risque de défaut sur les obligations qu’ils détiennent, ou pour obtenir une exposition au risque de crédit sans détenir directement les obligations. Cela peut rendre les investissements dans la dette congolaise plus attrayants.
Amélioration de l’accès au financement
En réduisant le risque perçu pour les investisseurs, les CDS peuvent rendre les emprunteurs plus crédibles, leur permettant potentiellement d’emprunter à des taux d’intérêt plus bas.
Développement du marché financier
Un marché de CDS bien développé peut devenir un marché financier plus sophistiqué, offrant des opportunités pour des acteurs financiers comme les fonds de pension ou les banques d’investir et de diversifier leurs portefeuilles.
Meilleure gestion des risques
Les entreprises et les acteurs financiers locaux peuvent utiliser des CDS pour se couvrir.