(Par Jean Joseph Ngandu Nkongolo, Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail)
« C’est une règle générale : l’homme qui réussit le mieux dans la vie est celui qui détient la meilleure information ». Benjamin Disraeli.
Chères lectrices, chers lecteurs,
- L’amélioration des relations, l’instauration d’un dialogue véritable et la reconnaissance des droits et devoirs de chacun dans le milieu professionnel où s’exerce le travail salarié sont consécutives à l’incorporation du social dans l’organisation scientifique du travail. Sur base de cette incorporation, les travailleurs participent au processus de prise des décisions qui touchent à leurs conditions de vie et de travail dans leurs milieux professionnels respectifs.
- Cependant, par l’exploitation de l’ignorance de certains salariés et de certains employeurs en matière de représentation des travailleurs comme je l’ai dit à la 50ème lettre sociale congolaise du 02 septembre 2024, la participation des travailleurs est réduite, au Congo Kinshasa, participation syndicale, la participation syndicale avec toutes les conséquences que cela comporte notamment le privilège des appareils et hommes syndicaux. C’est alors qu’il faut se demander si la réclamation de la délégation syndicale de l’Hôpital Général de Kinshasa de voir son délégué syndical être nommé au conseil d’administration ou au comité de gestion n’est pas motivée par la participation syndicale.
- «La délégation syndicale de l’hôpital général de Kinshasa, l’ex-Maman Yemo, appelle le ministre congolais de la santé publique, hygiène et prévoyance sociale à respecter son arrêté en nommant son délégué dans l’actuel comité de gestion» tel est le chapeau de l’article de presse intitulé « A l’ex-Hôpital Maman Yemo, la délégation syndicale réclame la présence de son délégué dans le conseil d’administration » paru au Quotidien n°080 du 06 septembre 2024.
- Cet article sous analyse renseigne que «d’après le coordonnateur national de l’Intersyndicale du secteur de la santé en République démocratique du Congo, il y a des faiblesses dans la décision du ministre de la sante publique, hygiène et prévoyance sociale, Roger Kamba, du 22 août 2024. (…)» .
Pour ce coordonnateur, le ministre n’a nommé que cinq membres au conseil d’administration de cet hôpital alors que « l’arrêté 2023 » prévoyait six membres parmi lesquels figurait un délégué syndical. Le coordonnateur affirmait que c’était la raison pour laquelle ils demandaient au ministre de la santé publique, hygiène et prévoyance sociale de respecter son arrêté en nommant un délégué syndical dans le conseil d’administration. ‘’C’était cela un Etat des droits’’, concluait-il.
- Puisque le coordonnateur national de l’Intersyndicale du secteur de la santé en République démocratique du Congo a fini son propos par l’exigence d’un Etat de droits, la question que la réclamation mise en exergue suscite est celle de sa base documentaire. Ce questionnement trouve son fondement dans le principe de non-ingérence des employeurs et des travailleurs les uns à l’égard des autres dans leur administration, fonctionnement et formation. Ce principe a été évoqué en détail au point 11 de la 50ème lettre sociale congolaise du 02 septembre 2024 pour rappeler qu’avec le pluralisme syndical consécutif à la démocratisation du pays, les organisations d’employeurs ou de travailleurs sont tenues au respect strict du principe de la non-ingérence.
- Pour les employés salariés régis par le Code du Travail, le principe de non-ingérence y est consacré par la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002
portant Code du Travail qui dispose en son article 235 « Les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent s’abstenir de tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration ». Dès lors, les représentants élus (délégués syndicaux) sont des partenaires des employeurs mais non cogestionnaires comme ils l’étaient à l’époque de l’UNTZa.
- Bien que l’usage des concepts opposés, à savoir conseil d’administration et comité de gestion d’une part et nomination d’un délégué syndical et participation syndicale pour exprimer la même idée, ait déjà rendu peu communicable la réclamation de la délégation syndicale de l’hôpital général de Kinshasa, je postule que le ministre de la santé publique, hygiène et prévoyance sociale aurait tort s’il nommait un délègue syndical en tant tel membre du conseil d’administration ou du comité de gestion de l’hôpital général de Kinshasa.
- Car, depuis la publication de la constitution du 18 février 2006 consacrant pluralisme syndical et qui dispose en son article 38 « La liberté syndicale est reconnue et garantie. Tous les congolais ont le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi » les représentants des travailleurs ne sont plus des co-gestionnaires.
- Par respect du principe de la hiérarchie documentaire, le législateur congolais a incorporé la liberté syndicale, le droit syndical et la représentation des agents dans la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat en ses articles 94,95 et 96. Sur base de ces trois articles, les agents de l’hôpital général de Kinshasa, qui sont du reste régis par le statut susmentionné, créent les syndicats, ils s’affilient aux syndicats et choisissent leurs représentants qui vont participer comme partenaires aux réunions du conseil d’administration de cet hôpital. Disons que la compétence de la délégation syndicale s’étend à l’ensemble des conditions de travail dans l’entreprise ou établissement.
- Rappelons que pour les salariés régis par le code du travail, la compétence de la délégation syndicale est d’être consultée par l’employeur entre autres sur les horaires de travail, les critères généraux en matière d’embauchage, de licenciement et de transfert des travailleurs, les systèmes de rémunération et de prime en vigueur dans l’entreprise ou établissement dans le cadre des dispositions légales ou conventions collectives en vigueur, l’élaboration et les modifications du règlement d’entreprise et, le cas échéant, le règlement d’atelier. Ces matières constituent la base épistémique et erpétologique de la compétence de toute représentation des travailleurs. Fort du fait qu’en République démocratique du Congo la représentation des travailleurs a commencé par exister dans les entreprises paraétatiques, c’est donc son mode opératoire qui a inspiré même les représentations des services de l’administration publique. Ainsi, si le fond peut rester identique à toutes les représentations des travailleurs salariés qu’ils soient du secteur public ou du secteur privé, la dénomination consécutive à la forme varie d’un secteur à un autre.
- Dès lors, les matières relevant de la compétence de la représentation des travailleurs étant connues, l’on n’hésite pas de situer dans le cas d’actes ingérence tout acte de la représentation des travailleurs sur la matière relevant de la compétence exclusive de l’employeur ou vice versa. C’est ainsi que la réclamation de la délégation syndicale de l’HGK de voir le ministre de la santé publique nommer un délégué syndical en tant tel au conseil d’administration ou au comité de gestion se révèlerait acte d’ingérence. Car, les membres du conseil d’administration sont des représentants passifs de l’Etat tandis que ceux du comité de gestion sont des représentants actifs de l’Etat. Comment alors un délégué syndical peut-il devenir un représentant passif ou actif de l’Etat, mais prétendre conserver son mandat syndical ?
- Dans l’hypothèse où le délègue syndical, qui est avant tout un agent de carrière des services publics, était nommé au conseil d’administration ou au comité de gestion de cette formation médicale, il perdrait son éligibilité et ne serait plus délégué syndical. Il est donc illusoire de penser qu’un délégué syndical nommé mandataire garderait sa qualité de délégué pour défendre ses collègues agents au sein du conseil d’administration ou du comité de gestion. C’est ici qu’il convient de dénoncer l’exploitation de l’ignorance des salariés par l’élite syndicale pour ses intérêts personnels. Beaucoup de syndicalistes congolais manipulent les salariés congolais pour accéder à la sphère de gestion de la chose publique et la suite chacun de nous la sait.
- C’est donc dans le contexte d’exploitation de l’ignorance des salariés que l’on situerait l’ « arrêté 2023 » évoqué par le coordonnateur national de l’Intersyndicale du secteur de la santé en République démocratique du Congo. Car, selon le principe de la hiérarchie documentaire ci-haut citée, un écrit documentaire inferieur doit être conforme à l’écrit documentaire supérieur qui régit le domaine dans lequel ou l’activité dans laquelle il est utilisé.
De ce fait, l’ « arrêté 2023 » qui attribuerait au ministre de la santé publique la compétence de nommer un délégué syndical en tant tel au conseil d’administration ou au comité de gestion de l’hôpital Général de Kinshasa violerait les articles 94,95 et 96 du statut des agents de carrière des services publics de l’Etat et 38 de la constitution congolaise du 18 février 2006.
Par conséquent, même si l’« arrêté 2023 est évoqué pour mettre en lumière le principe de continuité de services publics de l’Etat, le ministre de la santé publique, hygiène et prévoyance n’était pas tenu de se conformer à ce dit « arrêté 2023 » par respect des principes de non-ingérence et de hiérarchie documentaire.
- Les représentants des agents de l’Hôpital Général de Kinshasa s’ils ont été élus par les agents de cette formation médicale c’était pour participer au processus de prise des décisions qui touchent à leurs conditions de vie et de travail. Ils ne doivent pas se servir du mandat syndical s’ils l’ont obtenu afin de devenir des co-gestionaires de l’Hôpital General de Kinshasa pour des raisons qui leur sont propres.
- Toutes choses restant égales par ailleurs, si l’on veut instaurer un dialogue constructif de qualité débouchant sur le développement et le progrès de cet hôpital et de ses agents, la seule voie qui vaille aujourd’hui est celle d’avoir des représentants élus des agents élus de cette formation médicale.
Ce sont donc ces représentants des agents qui devront participer au processus de prise des décisions qui conditionnent la vie et le travail des agents de cette formation médicale. Pour ce, liberté et responsabilité ne doivent pas rester le privilège des syndicats et des chefs syndicaux.
- J’ai fait ma part avec ma coupe pleine.
Fait à Kinshasa, le 12 septembre 2024
Jean Joseph Ngandu Nkongolo
Anthropobibliologue, Chercheur, Spécialiste et Expert en Anthropobibliologie du Travail.
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